Le 50-50 de Kenny Hallaert : "Plus on approche le haut niveau, plus le poker est un sport"
Kenny Hallaert vient de se qualifier pour la finale des championnats du monde de poker devant 6.728 joueurs qui le verra remporter entre 1 et 8 millions de dollars ! Ce Belge de 34 ans, très connu du côté de Spa et de Namur où il travaille pour les casinos, nous explique son parcours et évoque la finale qu'il disputera à Las Vegas à partir du 30 octobre prochain. Rencontre.
- Publié le 29-07-2016 à 13h59
- Mis à jour le 13-02-2017 à 14h44
Rien de mieux qu'un entretien en 50 questions pour en savoir plus sur notre champion de poker et sur ce jeu pas comme les autres...
Kenny Hallaert vient de se qualifier pour la finale des championnats du monde de poker devant 6.728 joueurs et est assuré de remporter au moins 1 million de dollars, au mieux 8 fois plus ! Ce Belge de 34 ans, qui vit du côté de Gand et qui est très connu du côté de Spa et de Namur, où il travaille pour les casinos, nous explique son parcours et sa préparation pour la finale qu'il disputera à Las Vegas à partir du 30 octobre prochain. Rencontre.
1 | Vous avez grandi à Hansbeke ?
Oui, j'habite ici depuis toujours. J'ai quitté la maison de mes parents quand j'avais 23 ans (2004) mais je suis resté dans ce village, situé entre Bruges et Gand.
2 | Vous faites aujourd'hui parler de vous comme joueur de poker, mais qu'avez-vous fait comme études ?
J'ai fait des études d'électricien jusqu'à mes 18 ans et ensuite j'ai fait la haute école pendant 1 an et demi mais j'ai arrêté… J'ai alors travaillé dans le service de maintenance d'une usine, à 7 kilomètres de chez moi. J'ai arrêté ma carrière d'électricien le 31 janvier 2008 car j'avais une offre des casinos de Namur et de Spa pour travailler dans leurs salles de poker.
3 | Comment ils vous connaissaient, ces casinos ?
Le casino de Namur était le premier qui proposait le poker en Belgique. Il a été légalisé à la fin 2005 et donc j'avais été jouer là-bas mon premier tournoi, en 2005. C'était mon tout premier tournoi "live" et j'avais fait une place payée ! Après j'ai continué à jouer à Namur et j'ai appris à y connaître pas mal de monde. Donc ils ont pensé à moi à la fin 2007, quand ils ont créé un poste pour le marketing de leur poker room.
4 | Comment êtes-vous ensuite devenu directeur de tournois ?
Dans la continuité, tout simplement. J'ai commencé à bosser dans le marketing en février 2008 et je suis ensuite devenu directeur de tournoi en 2009. Ici, fin novembre et début décembre, il y aura le Belgium Poker Challenge Namur que j'organise. Juste avant d'aller à Las Vegas en juin, j'avais fait le BPC Spa. En septembre, je serai aussi directeur de tournoi de l'Unibet poker championship à Blankenberge. Je le ferai au milieu de ma préparation pour la finale. C'est important pour moi de garder une distraction et de ne pas étudier le poker pendant trois mois d'affilée. Cette petite coupure me fera du bien… J'ai toujours aimé l'organisation d'événements, même avant le poker, je le faisais pour un petit festival à Hansbeke ou pour des tournois de mini-foot.
5 | Comment aviez-vous découvert le poker ?
C'était fin 2004. Je pariais de temps en temps 5€ sur le FC Bruges, dont je suis un grand supporter. Un jour j'ai vu une bannière publicitaire pour jouer au poker. Je ne connaissais pas du tout ce jeu mais j'ai tout de suite senti, en lisant les règles, que ça me plairait. J'ai commencé à jouer des sommes dérisoires, comme un "fish" (une proie facile pour les meilleurs joueurs). J'ai rapidement commencé à chercher des informations sur internet et j'ai acheté quelques livres. Au début 2005, j'ai décidé de ne pas jouer pendant quelques mois mais de consacrer mon temps libre à étudier le poker, à travers ces livres. Après cette période d'étude, j'ai déposé 50€ en une seule fois et à partir de là j'ai fait grandir ma bankroll (budget consacré au poker par un joueur). Encore aujourd'hui, je prends beaucoup de temps pour étudier le poker. Comme un cycliste ou un footballeur, je dois m'entraîner. Il ne s'agit pas seulement de courir la course ou de jouer le match. Il faut prendre le temps de progresser.
6 | Quels étaient vos premiers livres sur le poker ?
"Theory of poker" fut le premier. Il était très ennuyant car il est très technique, très théorique. Mais il m'a beaucoup aidé, j'ai compris les bases du poker grâce à ce livre. Ensuite j'ai lu un livre spécifique sur le Limit Hold'em, une variante très populaire en 2005 même si depuis on est passé au No Limit Hold'em.
7 | Vous avez appris le jeu tout seul, donc…
Oui, personne ne m'en avait parlé avant. En 2005, il y avait très peu de joueurs belges online. J'ai par contre rencontré beaucoup de Néerlandais, où le jeu était plus populaire à l'époque. Steven Van Zadelhoff (un joueur néerlandais aguerri, ndlr) est notamment devenu mon meilleur ami, on joue beaucoup ensemble, on discute beaucoup de nos jeux respectifs. On a progressé ensemble, grâce à nos débriefings.
8 | Vos premiers dépôts en ligne correspondent donc avec votre indépendance et le moment où vous avez quitté le domicile de vos parents...
J'ai vraiment joué des petites sommes au début, juste pour le fun. J'avais un travail donc je préférais dépenser 10 ou 20€ un samedi soir au poker plutôt qu'en boite. Je n'avais pas mal au crâne le dimanche matin et parfois j'avais même un retour sur investissements. Après avoir étudié un peu le jeu, c'est devenu un peu plus sérieux.
9 | Et à quel moment est-ce devenu très sérieux ?
Pour moi, le poker est encore un hobby aujourd'hui. Oui, je prends beaucoup de temps pour étudier et jouer mais mon activité principale reste l'organisation de tournois, Après, pour vous répondre, ça s'est un peu accéléré quand j'ai gagné un Sunday Warm Up de Pokerstars (tournoi qui a lieu tous les dimanches sur internet, dont l'inscription coute 215$) en janvier 2009 pour un peu plus de 107.000 dollars. Ma bankroll a beaucoup augmenté d'un seul coup et ça reste encore mon plus gros résultat online à ce jour. A partir de là, j'ai pu jouer un peu plus, et des tournois plus gros. Mais je suis toujours resté réaliste, je ne me suis pas pris pour le meilleur joueur de poker du monde à ce moment-là. Cela dit, j'ai compris que quand je me concentre à 100% et que j'ai un peu de chance, je peux être performant à ce jeu.
10 | Comme sur le Main Event (championnat du monde) 2016…
Oui. Mais là encore, je sais que je ne suis pas l'un des 9 meilleurs joueurs qui ont pris part à ce tournoi. J'ai eu de bonnes cartes et j'ai su rester concentré pendant sept jours.
11 | A quel moment votre entourage a su que vous jouiez au poker ?
Mes parents l'ont toujours su. Quand je suis allé au casino de Namur la première fois, ils le savaient. Ils étaient un peu sceptiques mais ils ont vite compris que je ne prendrais pas de gros risques et que mon "bankroll management" était très rigoureux. Avec une bankroll de 5.000 dollars, tu ne peux pas jouer des tournois de 500$ sinon tu as 95% de chances de finir fauché. J'ai toujours investi au maximum 1% de ma bankroll dans un tournoi. Après, mes parents étaient un peu sceptiques aussi quand j'ai commencé à travailler au casino, alors que j'avais un emploi stable comme électricien. Mais maintenant ils sont heureux de voir mes résultats et apprécient que je ne flambe jamais mes gains.
12 | Ils ont compris la dimension de votre résultat ?
Oui, je pense. Il n'y a rien de mieux qu'être "November Nine" (nom donné aux neuf finalistes des championnats du monde), si ce n'est remporter le titre. Je préfère être november nine pour 1 million de dollars que gagner le "One Drop" (tournoi dont le droit d'entrée est de 111.000 dollars et dont le premier prix cette année était de presque 5 millions de dollars). Il y a plus de joueurs, l'honneur est plus grand. C'est LE véritable championnat du monde. On est neuf survivants sur plus de 6.700 joueurs.
13 | Quelle était votre ambition, plus jeune ?
Autour des 10 ans, je voulais construire des maisons. Je ne rêvais pas d'être pilote ou sportif, mais simplement ingénieur. Finalement j'ai fait des études d'électricien. Les voyages m'intéressaient également, et le poker m'a ouvert des portes à ce niveau-là. Aujourd'hui, je peux combiner passion, travail et vacances en un seul voyage. Las Vegas reste d'ailleurs ma destination préférée !
14 | Votre statut de directeur de tournoi vous prend beaucoup de temps ?
Oui, c'est presque un travail à temps plein. J'ai encore du temps pour jouer et étudier le poker mais je suis quand même très pris. J'ai généralement entre 6 et 8 gros tournois à organiser chaque année, même si en 2016 il n'y en aura que quatre. Cela dure une dizaine de jours à chaque fois, en moyenne, et il y a des réunions de préparation en amont. Et puis je travaille aussi à distance sur le développement de l'aspect online.
15 | Vous allez alléger votre planning en 2017 pour vous consacrer plus à votre rôle de joueur de poker ?
Je déciderai de ça après la finale, car le résultat pourrait influencer ma décision. Je prendrai le temps d'y réfléchir en fin d'année. J'aime organiser des tournois et je ne pense pas que j'arrêterai complètement mais évidemment, quand tu gagnes les 8 millions de dollars, ça peut changer un peu ta carrière…
16 | Vous êtes souvent à Namur et Spa. Vous avez des attaches en Wallonie ?
Oui, j'adore aller à Namur et Spa, le plus vieux casino du monde ! J'y ai pas mal d'amis et je connais beaucoup de joueurs francophones. A partir de 2008, quand j'ai travaillé sur le marketing de leur poker room, j'ai passé 4 ou 5 jours par semaine à Namur. Même si je peux travailler un peu plus à distance désormais, je connais beaucoup de gens là-bas.
17 | Vous ne pouvez pas jouer en Belgique, à cause de votre rôle de directeur de tournoi…
Si, je joue parfois à Bruxelles. Mais effectivement, à Namur et Spa, je ne peux pas et ce n'est pas un problème, je suis très content d'avoir mon statut de directeur de tournois.
18 | Vous jouez encore autant en ligne, aujourd'hui ?
Oui, je joue sur tous les sites qui ont une licence en Belgique. Je dirais que je fais une quinzaine de sessions online par mois. J'utilise un tracker (logiciel qui analyse en temps réel les statistiques des joueurs adverses dans le tournoi), j'y ai toujours été habitué et c'est une aide importante quand on joue plusieurs tournois en même temps.
19 | En 2008, vous avez battu Pierre Neuville (le Carolo finaliste des championnats du monde 2015) au casino de Namur pour gagner un package pour Las Vegas…
Oui c'est vrai, c'était une semaine avant que je commence à travailler pour le casino. C'était donc mon dernier tournoi là-bas, en janvier 2008. Ils ont fait une belle offre pour gagner un lot d'une valeur de 15.000 euros avec l'inscription au Main Event, le vol et l’hôtel. On était 19 joueurs à payer l'inscription à 1.000 euros dont Pierre Neuville, qui a terminé 2e et gagné 4.000€. J'étais évidemment très content de le battre et de découvrir Las Vegas. J'en ai profité pour jouer quelques tournois, j'étais resté 3 semaines. Jouer le championnat du monde était évidemment un rêve.
20 | Vos premières places payées aux WSOP de Las Vegas datent de 2009 et 2010…
C'est possible, je ne m'en souviens pas exactement. Je sais que mon premier cash en live date de 2005 à Namur et que mon premier "In the money" aux WSOP m'avait très satisfait. En 2012, j'avais gagné 33,000$ en terminant 323e du championnat du monde. J'étais déjà très heureux. Avant ça, j'avais réussi à faire 6e du Master Classics d'Amsterdam en 2009 et 6e de l'EPT Deauville en 2011. Ça avait fait du bien à la bankroll mais ça m'avait aussi permis de prendre conscience de mes capacités.
21 | Pierre Neuville nous disait: "l'apprentissage de Vegas coûte cher, il faut du temps pour y avoir des résultats"
Oui c'est vrai, il faut s'adapter aux Américains et il m'a fallu un peu de temps avant de faire des résultats aux WSOP. Mais j'adore Vegas. L'année passée j'avais réussi à aller en table finale du Colossus (22.374 joueurs y avaient payé le droit d'entrée de 565$ et Kenny Hallaert a terminé 5e pour un gain de 182,000$). C'était une expérience exceptionnelle et juste après, j'ai fait 123e du Main Event. C'était déjà unique en soi, je pensais d'ailleurs que je n'aurais plus jamais la chance d'atteindre le jour 5 de ce tournoi.
22 | Ces beaux parcours dans ces deux gros tournois vous ont aidé, cette année ?
Oui, ça donne de l'expérience dans ces grands tournois au taux de participation très élevé. Ça donne la confiance aussi, je savais que je pouvais performer dans ce Main Event.
23| Le jeu n'est pas non plus le même au jour 1 qu'au jour 5…
Non, en effet. Au jour 1, la structure est très profonde. On a commencé avec 50.000 jetons sur des blindes (mise minimum pour participer à un coup) 75-150. Le soir du premier jour, il reste encore 70% des joueurs et c'est seulement après le jour 3 ou le jour 4 qu'on arrive dans un format traditionnel avec un tapis moyen qui équivaut à 50 grosses blindes. Le niveau de jeu augmente aussi chaque jour, la balance entre les joueurs pros et les joueurs récréatifs penche de plus en plus du côté des professionnels au fil du tournoi.
24 | Forcément, pour faire une finale dans un tel tournoi, il faut aussi de la chance !
C'est certain. J'ai déjà été très soulagé de voir tous les jours que j'avais des tables abordables. Je n'ai jamais eu de joueur redoutable assis à la même table que moi. Je n'ai jamais eu d'énorme décision à prendre pour l'ensemble de mes jetons. J'avais les meilleures mains lors des abattages. Si j'avais paire de dames, c'était paire de valets en face et jamais les rois ou les As. Tout s'est bien passé du début à la fin pour moi.
25 | Mais la concentration reste importante…
Oui évidemment. Les jours sont longs. On joue 10 heures par jour pendant 7 jours. En comptant les pauses, on ne rentre chez soi qu'à 2 heures du matin. La fatigue pèse et la moindre erreur peut vous éliminer. J'ai fait deux petites erreurs en 7 jours. A la fin du jour 5, puis à la fin du jour 6, la fatigue m'a fait faire des bêtises.
26 | Vous pouvez nous les raconter ?
La première fois j'ai relancé beaucoup trop cher à cause d'une erreur en manipulant les jetons mais j'ai fini par gagner le pot. La seconde fois, j'ai voulu relancer au flop mais quelqu'un avait déjà relancé et je ne l'avais pas vu. Sur ces deux coups, j'aurais pu perdre des gros pots mais je les ai gagnés tous les deux. J'étais content de ne plus faire ce genre d'erreurs après mais au 7e jour, l’adrénaline vient compenser la fatigue.
27 | Le repos est important, aussi…
Oui, après le tournoi je me contentais d'une ou l'autre interview, puis je rentrais à la maison. Ce n'est pas possible de dormir tout de suite mais je buvais une bière (une seule, attention !) avec les copains, on parlait un peu et dès qu'on avait suffisamment décompressé, on allait dormir.
28 | Et le matin, vous vous prépariez comment ?
On reprenait le jeu à midi, je me réveillais donc vers 10h30. Je déjeunais, je regardais sur internet des informations sur ma future table et sur les joueurs que j'allais affronter… Par exemple, le jour de la bulle (moment du tournoi où le dernier joueur à ne pas recevoir de gain est éliminé), je savais que si j'avais des joueurs à ma table qui n'avaient jamais fait de résultats aux WSOP, je pourrais leur mettre la pression.
29 | On imagine que votre rapport à ce tournoi a pris une dimension particulière…
Oui, c'est le tournoi que je ne veux absolument pas rater. C'est la plus belle structure, le plus beau tournoi à jouer ! Et puis, il s'agit DU championnat du monde avec un titre au bout…
30 | Ce titre fait-il encore plus rêver que les 8 millions de dollars de gains ?
Oui ! Enfin, l'argent est là aussi mais il n'y a pas de prix qui peut couvrir le fait de devenir champion du monde à mes yeux.
31 | Ça veut dire que vous allez jouer pour la première place uniquement ? Si je vous dis maintenant : signez ici et vous serez deuxième…
Il faut signer où ? (rires). Oui, être deuxième ce serait énorme. Être là est déjà un rêve. Maintenant, ce que je peux prendre en plus sera du bonus. Je ne serai pas déçu si je fais 9e, sauf si c'est en faisant une grosse erreur. Bien sûr, j'ai envie de gagner, mais les 8 autres aussi. Je vais faire mon maximum pour gagner mais si on m'annonce maintenant que je serai 2e, je serai très heureux !
32 | Le matin du jour 7, vous tweetez "il est temps de séparer les hommes des garçons". Vous vous sentiez confiant au moment de passer de 27 joueurs restants aux neuf finalistes ?
Oui, je me sentais bien, j'étais virtuellement 9e sur 27. Et j'évitais de me mettre la pression, bien que j'ai tweeté ça pour me mettre un petit coup de boost et me motiver. Mais je ne me suis jamais dit "je dois absolument arriver dans les neuf", j'étais prêt à terminer 20e car je voulais continuer à jouer de manière optimale. J'ai seulement vraiment pensé à ce November Nine quand on s'est réuni à dix à la même table et qu'il y avait des joueurs avec très peu de jetons, alors que moi j'avais encore un "good run", comme on dit…
33 | Vous avez doublé votre tapis rapidement, dans ce jour 7, contre Valentin Vornicu…
Je n'avais jamais joué avec lui, sauf pendant l'heure qui a précédé ce coup. J'étais allé voir son profil sur le net avant la journée et certains m'avaient dit : "c'est un bon joueur, agressif". Il m'a relancé et j'ai payé avec As-Dix de carreau. Ensuite, sur un flop 10-10-7 puis 6 et puis 4 (il y a des tours de mises avant les trois premières cartes, puis avant la 4e, avant la 5e et encore après la 5e), j'ai tout "checké" pour le laisser miser en premier sur chaque carte. Je voulais le laisser bluffer et surtout pas le faire fuir en misant moi-même. Quand j'ai relancé à tapis à la fin, il m'a payé avec sa paire de dames en mains, tant mieux pour moi. Je ne crois pas que je l'aurais fait à sa place et d'ailleurs on a discuté ensuite et il a reconnu son erreur.
34 | Il a payé très rapidement, vous avez dû penser qu'il avait une meilleure main que vous…
Oui, j'ai cru que j'étais éliminé, qu'il avait 89 (pour une suite) ou un full. Mais quand il a montré ses cartes j'étais soulagé. C'était un coup très important à ce moment-là, il m'a propulsé 2e du classement virtuel.
35| Vous serez l'un des 3 européens à jouer cette table finale et seulement le 2e belge de l'histoire. C'est valorisant…
Oui c'est sympa. Pour la table finale du Colossus 2015, j'étais contre 8 Américains. Mais bon, il faut relativiser tout ça : il y a beaucoup plus d'Américains que d'Européens qui s'inscrivent aux tournois des WSOP donc c'est logique qu'ils soient plus nombreux en finale.
36 | Vous avez fêté la qualification, ce soir-là ?
Non, même pas, j'étais trop fatigué et le lendemain il fallait être à midi au Rio (casino où se déroulent les championnats du monde) pour faire des interviews et un briefing pour les neuf joueurs qualifiés. On a simplement bu une bière au bar du Rio.
37 | Et quand vous êtes rentré en Belgique ?
J'ai bu quelques verres avec des amis de la région mais je n'ai pas fait de grosse fête non plus. Dans ma tête, ce tournoi n'est pas encore fini. La fête sera plutôt pour le mois de novembre.
38 | Vous avez également perdu 20 kilos depuis l'année dernière. Ça aussi, ça a favorisé votre performance ?
Oui, sans doute. Je suis moins vite fatigué aux tables, je me sens mieux physiquement. L'année passée, au jour 5, j'étais très fatigué. J'avais pensé à ceux qui devaient continuer encore 2 jours et demi. D'ailleurs, j'ai un respect éternel pour Pierre Neuville qui a tenu 7 jours complets pour devenir november nine à 72 ans, l'année dernière. Lui aussi fait beaucoup de sport, je le vois parfois nager notamment. C'est la preuve qu'une bonne condition physique ouvre des portes au poker.
39 | C'est un sport, le poker ?
C'est une question difficile. On peut faire une partie entre nous, là, maintenant, ce sera un jeu. Mais quand je m'inscris aux WSOP, c'est un sport. Il faut bien se préparer, s'entraîner, étudier le jeu, se reposer entre les parties, soigner sa forme… Plus on approche le haut niveau, plus c'est un sport.
40 | Votre position à la table est assez favorable, pour cette finale…
Oui, je suis assez content. Pendant tout le tournoi j'ai été chip leader (le joueur qui a le plus de jetons) à ma table, y compris quand j'avais des tapis moyens par rapport à l'ensemble des adversaires. Et je n'ai jamais été confronté à des joueurs redoutables. Pour cette table finale, j'aurai donc Vayo, Ruane et Josephy à ma droite et Nguyen en face de moi, en résumé je parlerai la plupart du temps après les joueurs qui ont le plus de jetons. Wong sera à ma gauche avec un petit tapis mais il aura quand même l'équivalent de 20 blindes pour reprendre la partie donc il ne devrait pas faire tapis trop vite…
41 | Le "short stack" espagnol (Fernando Pons, qui reprendra la partie avec seulement 6 millions de jetons contre 43 millions pour Kenny Hallaert) joue son tout premier tournoi à Las Vegas et il est qualifié !
Oui, il n'a même pas payé les 10,000$ de l'inscription puisqu'il avait décroché sa qualification en ligne. Il n'a pas d'expérience à ce niveau-là. Enfin, moi non plus, mais lui en a encore moins. Il a tout de même trois mois pour se préparer donc il faudra se méfier...
42 | Vous voyez un favori qui se dégage ?
Josephy. Il a les jetons (74 millions, ndlr) et c'est aussi un très bon joueur. Gordon Vayo est un autre favori selon moi mais attention, tout le monde sait jouer au poker. Si Wong double son tapis une ou deux fois, il deviendra redoutable également.
43 | Vous allez peut-être battre la meilleure performance d'un joueur belge. C'est important à vos yeux ?
Non ! J'ai une bonne chance d'améliorer la 7e place de Pierre Neuville mais ce n'est pas un objectif. Tout comme ce n'était pas un objectif de faire mieux que ma 123e place de l'année passée. Si je dois prendre une décision pour tous mes jetons à 7 joueurs restants, je le ferai, quitte à ne pas faire mieux que Pierre Neuville. Les records ne sont pas importants, ce qui compte c'est d'y être et de prendre les meilleures décisions à chaque main.
44 | Vous savez déjà comment vous allez vous préparer ?
Je pars en vacances pour quatre jours à partir de mercredi. C'était prévu avant les WSOP. Mais après cette semaine de vacances, je prendrai probablement contact avec Pierre Neuville (7e en 2015) et Jorryt Van Hoof (3e en 2014). Ils ont de l'expérience, notamment celle de november nine, et je pense qu'ils pourraient me conseiller. Je vais aussi voir pour le coaching ce que je peux faire. Certains joueurs peuvent certainement m'aider, notamment en jetant un œil à mes sessions en ligne. Je dois encore y réfléchir et voir ce que je vais faire. Je veux être le mieux préparé possible le jour J pour n'avoir aucun regret.
45 | L'un de vos adversaires a déclaré qu'il comptait s'entraîner en simulant la table finale avec 8 amis, en leur donnant les tapis de ses adversaires…
C'est peut-être une option, mais il y a des milliers de situations différentes qui peuvent arriver. Sans oublier qu'on ne sait pas comment vont jouer les autres. Le Chip leader (Josephy) sera-t-il agressif ? Va-t-il beaucoup relancer avant le flop? Et les short stacks, vont-ils doubler rapidement ou être éliminés ? Ça change tout… Je connais pas mal de joueurs du circuit, je vais réfléchir maintenant à la façon dont j'ai envie de me préparer. Ça ne sert à rien de s'entourer de 5 coachs.
46 | Il y a aussi les sponsors, à gérer…
Je n'ai jamais été sponsorisé pour l'instant. Je dois étudier les propositions dans les semaines à venir, c'est possible que je prenne un sponsoring. Tout dépendra des conditions qu'on m'offrira.
47 | Vous savez déjà qui sera dans votre rail (staff) ?
Il y aura un mixe entre la famille et les amis, dont Steven Van Zadelhoff. Sans oublier mon éventuel coach. Je ne vais pas prendre 10 joueurs de poker pour m'entourer là-bas, mais je voudrais quand même avoir un ou l'autre spécialiste à mes côtés.
48 | Quel est votre programme jusqu'au 30 octobre ?
J'organise un tournoi début septembre, à Blankenberge. Je vais jouer un peu en ligne mais aussi en live. Je dois encore regarder le calendrier, je sais que ce ne sera pas possible d'aller à l'EPT Barcelone… Je dois encore faire mon calendrier et aussi prévoir du temps pour étudier le poker…
49 | Les sollicitations médiatiques doivent être nombreuses…
Oui, j'ai plusieurs contacts en ce moment pour des interviews. C'est toujours avec plaisir, évidemment !
50 | Pour finir, vous avez un conseil à donner aux jeunes joueurs de poker ?
Patience et "bankroll management" (gestion du budget dédié au poker) sont les maîtres mots ! Et je trouve qu'il faut consacrer autant de temps à l'étude du jeu qu'au jeu en lui-même. Il ne s'agit pas juste de jouer… Après, quand on joue, il faut jouer ce qu'on aime jouer : que ce soit du cash game, des tournois, du live ou du online. Mais le online est peut-être plus pratique pour progresser rapidement car on peut jouer plusieurs mains en même temps et jouer gratuitement ou des toutes petites sommes.
Une interview de Nicolas Christiaens