L’Union bloque mentalement dans les Champions playoffs : “Le groupe nie la pression liée au titre et doit au contraire l’affronter de face”
Les joueurs bruxellois n’arrivent plus à se reposer sur l’aspect mental qui était l’une de leurs grosses forces cette saison.
- Publié le 18-04-2024 à 15h39
”La force mentale fait partie de l’ADN de notre club” : cette phrase a été lancée par Alexander Blessin il y a un mois, au lendemain de la défaite face à Fenerbahçe en huitième de finale aller de la Conference League (0-3). Son équipe lui a donné raison tout au long de la saison avec une statistique démontrant cette force de caractère : l’Union n’avait jamais enchaîné deux défaites de suite toutes compétitions confondues avant les playoffs.
Mais ça, c’était avant les playoffs. Désormais, la situation est totalement différente pour des joueurs qui ont essuyé trois défaites de rang en Champions playoffs. Cette fois, la force mentale de l’équipe est remise en question. “On ressent qu’il y a une tension générale, commence Jef Brouwers qui est psychologue du sport. Avant, on voyait une Union relax qui jouait avec beaucoup de joie et une souplesse mentale. Maintenant, le sentiment de plaisir semble avoir disparu et une énorme tension pèse sur les joueurs.”
Affronter la pression
Comment expliquer cette spirale négative installée dans les têtes des Unionistes depuis la défaite en ouverture des Champions playoffs à Genk ? Pour Jef Brouwers, l’Union n’a peut-être pas attaqué ces playoffs de la bonne manière d’un point de vue mental. En cause, les discours visant à s’enlever toute pression malgré le statut de leader et la nouvelle compétition qui débutait. “Le coach a expliqué avant les playoffs que son équipe continuait à travailler comme elle l’a fait depuis le début de la saison sans ressentir plus de pression”, argumente celui qui a travaillé avec l’équipe nationale belge de hockey. “Mais mentalement, ce n’est pas possible de ne pas sentir cette pression supplémentaire. Le groupe nie cette pression liée au titre alors qu’il doit au contraire être conscient du fait qu’elle existe en l’affrontant de face. Avec les playoffs, ils font face à un réel défi qui doit être différencié de celui de la phase classique.”
On ressent une tension générale et non plus une souplesse mentale.
Comme leur coach, les joueurs semblent aussi rejeter toute pression liée à la course au titre dans l’optique de se protéger. Que ce soit Castro-Montes avant Anderlecht (”Je ne pense pas que la pression joue un rôle”) ou Gustaf Nilsson après la défaite chez les Mauves (”Ce n’est pas mentalement qu’il y a un problème”), les Unionistes nient la réalité de la situation. Après la défaite inaugurale face à Genk, le club avait d’ailleurs réalisé une vidéo, postée sur ses réseaux sociaux, remettant en cause certains articles de presse parlant de pression sur l’Union. “La pression ? On a connu cela dans le passé pour ne pas descendre en Promotion, lance un fan emblématique en montrant sa bière en main. Il n’y a que de la bonne pression au Marien !” Avant le déplacement à Anderlecht, Blessin a tenu un discours similaire en conférence de presse. “La vraie pression est présente quand une équipe joue pour son maintien et pas pour le titre, lançait-il. Jouer pour pouvoir écrire l’histoire du club donne un push positif et pas négatif.”
Sauf que les récentes prestations des Unionistes semblent prouver le contraire… “Les joueurs nient la situation mentale, avance notre consultant Alex Teklak. Mais quand Puertas dit qu’il est préférable d’être deuxième car cela permet d’être chasseur plutôt que chassé, il se piège en montrant qu’ils ressentaient la pression en tête du classement. Leurs playoffs ont mal commencé, les critiques sont arrivées et la nervosité est apparue sur le terrain. Tout est toujours conditionné par les victoires ou les défaites, il y a peu de juste milieu en football. Depuis la défaite à Genk, ils font face à des sentiments négatifs qui s’amplifient au fil des défaites.”
Obsession du titre
Paradoxalement, les joueurs se sont aussi mis cette pression eux-mêmes en criant sur tous les toits leur obsession d’être champions cette saison. Cela avait commencé sans prise de risque avant le début de la saison avec Moris : “Je ne veux pas parler de titre à l’heure actuelle même si c’est un objectif à court terme.” Cela avait continué dans la même veine en tout début de saison avec Puertas : “Nous voulons aller le plus loin possible mais sans se prendre la tête.” Dans la foulée, Burgess plaçait la barre un tout petit peu plus haut mais sans trop en dire : “Le top 4 doit être l’objectif puis nous verrons ce qu’il se passera.” Et les victoires se sont ensuite enchaînées avec un statut de leader pour l’Union dès la neuvième journée de championnat.
Il faut trouver le positif pour retrouver de l'énergie.
Au fil de l’incroyable série de vingt-cinq matchs sans défaite en championnat, les langues se sont déliées avec des Unionistes ne voulant plus se cacher. “Mon objectif personnel est clair, c’est d’être champion” (Machida en octobre), “Je veux ramener le titre au Parc Duden avant de quitter l’Union” (Lapoussin en janvier), “J’ai été champion avec Münster la saison dernière et je veux désormais aller chercher un second titre de suite” (Teklab en février) ou encore “C’est le sujet au quotidien dans le vestiaire, nous sommes tous concentrés sur le fait d’aller chercher le titre” (Ayensa en mars).
”L’accumulation des désillusions ces deux dernières saisons provoque l’obligation de devoir le faire cette troisième année, avance Teklak. Il faut oser afficher ses ambitions et les joueurs l’ont fait au contraire des dirigeants. Eux disent qu’il ne faut pas absolument être champions et qu’ils ne veulent pas être un grand club via Philippe Bormans (NdlR : “Même avec un nouveau stade, nous ne deviendrons pas un grand club qui doit jouer la Ligue des champions chaque saison”, a lancé le CEO de la RUSG). Cela prouve qu’ils ne veulent pas assumer cette pression liée aux grands clubs. Il faut sortir les dents pour se faire respecter.”
Un déclic attendu
Pour l’Union, il faut désormais réussir à sortir de cette spirale négative. Pour cela, la meilleure des alliées est la communication, de préférence positive. Après la défaite à Anderlecht, Cameron Puertas a lâché un coup de gueule devant le groupe au sein du vestiaire avec l’objectif de mettre le doigt sur ce qui n’allait pas et de réveiller les troupes. “Les joueurs doivent parler de leurs sensations et de leurs sentiments entre eux en étant honnêtes avec eux-mêmes, analyse Jef Brouwers qui travaille actuellement au sein du club de Seraing. Leur potentiel ou leurs capacités physiques n’ont pas changé du jour au lendemain. Il faut qu’il y ait un déclic leur permettant de retrouver tout ce qui leur a permis de terminer la phase classique à la première place. Il faut toujours trouver le positif pour se donner de l’énergie. C’est ce qui est en train de se passer par exemple à Bruges avec Nicky Hayen qui est un coach positif ayant décidé d’appuyer sur les forces de son groupe.”
Se parler pour repartir de l’avant. Les joueurs doivent se regarder dans les yeux tout comme leur coach qui semblait récemment résigné ces derniers matchs au bord du terrain. Celui qui s’était lâché il y a une dizaine de jours sur la presse et sur les arbitres doit au contraire réussir à insuffler une énergie positive dans son groupe pour permettre à son groupe de remonter la pente mentalement. “La négativité ne paie jamais que ce soit dans le sport ou dans la vie en général, avance Jef Brouwers. Remettre la faute sur les arbitres ou sur autre chose ne va qu’amener des sentiments négatifs supplémentaires. Cela capte automatiquement le cerveau en créant des pensées automatiques mettant en place de manière inconsciente une tension potentielle. Depuis le début de saison, Blessin a montré que sa grande force était de pouvoir rester calme en toutes circonstances. Il doit retrouver cette force.”
Ils doivent se dire qu'ils ont mangé leur pain noir.
Tout en gardant à l’esprit que, malgré le zéro sur neuf, tout reste encore possible. Dans les faits, l’Union n’a qu’un retard de trois points à résorber sur le leader anderlechtois alors qu’il reste encore vingt-et-une unités à distribuer d’ici la fin des playoffs… “Ils sont quand même toujours dans le coup malgré leurs trois défaites de suite, conclut Teklak. Ils doivent se dire qu’ils ont mangé leur pain noir et qu’ils ont utilisé le bonus gagné grâce à la phase classique. Désormais, il faut se mettre dans une nouvelle dynamique et retrouver de la sérénité. Il y a un vrai état d’esprit à regagner pour pouvoir relancer la machine.”
Et ainsi faire en sorte que leur force mentale, qui fait partie de l’ADN de l’Union, soit bel et bien de retour.