Le 50-50 d'Enzo Scifo: "L'Euro 2016, c'est le bon moment pour les Diables rouges"
Dix mois après son intronisation à la tête du noyau Espoirs, Enzo Scifo a pris le temps de répondre à nos cinquante questions. Un menu copieux, relevé par des explications sur sa relation avec Marc Wilmots, sa philosophie de jeu et ses pronostics pour l'Euro 2016, évidemment. Entretien.
- Publié le 04-06-2016 à 11h58
- Mis à jour le 05-06-2016 à 18h29
Après Vanhaezebrouck, Berrier, Ferrera, Depoitre, Butelle et Verboom, pour le septième volet de notre rubrique "50-50", nous sommes allés à la rencontre d'Enzo Scifo au siège de l'Union belge. Dix mois après son intronisation à la tête du noyau Espoirs, ce dernier a pris le temps de répondre à nos cinquante questions. Un menu copieux, relevé par des explications sur sa relation avec Marc Wilmots, sa philosophie de jeu et ses pronostics pour l'Euro 2016, évidemment. Entretien.
Aussitôt arrivé et aussitôt plongé dans une polémique sur sa maîtrise du néerlandais, voila comment le règne d'Enzo Scifo a démarré dans le vestiaire des Diablotins. Le Louviérois peut maintenant travailler dans un cadre nettement plus calme. Plutôt salutaire, quand on sait que l'ex-Diable rouge a dans ses mains l'avenir des Tielemans, Musonda, Dendoncker et autres Praet, soit les successeurs d'Eden Hazard et cie. C'est dire si on avait envie de discuter avec l'ancien numéro 10...
1 | Vous avez l'air à l'aise, serein. "Dans le foot, je le suis toujours. Plus qu'il y a quelques années ? Mais on me dit toujours que je sais garder mon calme, même si c'est parfois difficile. Je pense avoir prouvé que j'étais doté d'un tempérament calme et de sérénité."
2 | Quand vous êtes-vous dit que vous aimeriez prendre en main l'équipe nationale ?
"Ça fait longtemps, en fait. C'était une ambition, comme c'est le cas de beaucoup d'anciens joueurs. Il y a quelques années, j'ai eu une opportunité d'intégrer la fédération, mais la fonction n'était pas claire. Là, c'est arrivé à un moment où je m'y attendais moins."
3 | Quel premier bilan tirez-vous après un an ?
"Il est plutôt positif, à titre personnel. C'était important pour moi de renouer avec le foot, le vrai foot. D'être intéressé par un projet. Le job à la fédé, ça me va très bien. Car je travaille avec de jeunes joueurs, mais surtout des gars très intéressants qualitativement. Il y a moyen de faire du bon boulot, de gagner des matches, aussi. On a des objectifs précis, avec le championnat d'Europe. J'aime être intégré dans un staff, car on a l'impression de faire partie intégrante de la structure mise sur pied par Marc Wilmots. Il a remis des personnes à leur place. On se sent vraiment impliqué, même quand ce sont les A qui jouent, car il y a des jeunes qui peuvent frapper à leur porte. Cette motivation est intéressante."
4 | Ce type de travail vous correspond-il mieux qu'un travail en club ?
"Non, je ne pense pas. Je découvre ce job-là en équipe nationale. C'est complètement différent de ce que j'étais habitué à voir en club. Il faut savoir s'adapter. Je préfère entraîner en club, le travail au quotidien, je dois l'avouer. C'est plus gérable, en tout cas, par rapport à la vision que je peux avoir. C'est plus facile à mettre en place en club. Après, en équipe nationale, le rythme est différent. Mais on a la possibilité d'avoir les meilleurs joueurs à disposition. C'est plutôt un rôle de sélectionneur. Le travail est aussi pointu en matière de préparation, mais ce n'est pas la même gestion."
5 | Il y a un noyau très solide. Vous l'avez senti très vite ?
"Indépendamment du fait que c'est Marc qui me l'a demandé, je crois que c'est ça qui a déterminé mon choix. Le fait d'être conscient de bosser avec de jeunes joueurs, mais déjà des pros, des joueurs en devenir. C'est ça qui m'intéresse: les faire progresser, être un des maillons, qui peut orienter les joueurs et être un appui nécessaire ou utile à un moment de leur carrière, pour les aider à franchir un palier."
6 | Comment gérer la différence entre ceux qui sont déjà titulaires et ceux qui ne le sont pas encore en club ?
"C'est difficile. En équipe A, on peut dire que si on ne joue pas en club, on ne joue pas en sélection, point. Nous, c'est différent, car les joueurs qui ne jouent pas en club sont importants, on ne saurait pas s'en passer. Mais ils ne sont donc pas toujours dans de bonnes dispositions: ils sont en manque de rythme, ne sont pas dans la compétition et donc forcément, un joueur qui ne joue pas régulièrement en club n'est pas régulier avec nous non plus. On essaye de trouver un équilibre. J'ai en tout cas vécu une très belle expérience en Tchéquie. Là, j'ai fait jouer trop de gars qui n'étaient pas titulaires en club. Je ne le ferai plus. Je l'ai ressenti, au niveau du rythme, de la mentalité. Il y avait beaucoup d'envie. Mais en face, il y avait des guerriers, des mecs qui jouent tout le temps, qui étaient rodés. On a été dominant, mais on n'a pas su passer au-dessus dans l’impact physique. J'ai senti qu'il y avait des manquements."
7 | Est-ce que vous êtes proches de vos Diablotins ? Quel type de sélectionneur êtes-vous ?
"J'ai un staff qui les suit, car je ne peux pas tout faire tout seul. Je suis proche comme un entraîneur doit l'être, mais pas trop. Je suis quelqu'un d'ouvert, je ne mets pas de barrière, mais il y a malgré tout une distance nécessaire, afin qu'il y ait du respect dans le travail. On ne peut être trop proche non plus. Mais je peux faire un pas quand il le faut. J'ai déjà pris un joueur dans mes bras, il faut parfois les soutenir. On les suit. On est en contact par téléphone de temps en temps. On essaye d'avoir un maximum d'informations. C'est ça qu'il nous faut, par rapport à une sélection, le moindre détail peut déterminer les choses."
8 | Vous comportez-vous différemment par rapport à votre travail en club ?
"Pas vraiment. Ce sont déjà des adultes. Ils sont jeunes, mais pros depuis trois, quatre ans déjà. Ils sont affirmés. Même s'ils jouent moins, ce ne sont pas des débutants. On n'est pas en U17. Ils ont parfois déjà un statut. On est toujours là aussi pour les remettre à niveau ou les pieds sur terre, car c'est une phase difficile. Ils sont parfois titulaires en club, puis viennent en Espoirs et pas les A. Ils faut gérer les égos. Notre rôle n'est pas uniquement de les mettre sur le terrain et de leur dire comment bouger. Mais il y a énormément de respect pour le staff, pour moi. Il n'y a pas de souci."
9 | Les jeunes joueurs ont-ils plus de compréhension du jeu à l'heure actuelle ?
"Oui. On ne lance pas des messages à des jeunes comme à des joueurs aguerris. Mais là, mes gars sont disponibles et à l'écoute."
10 | Votre passé de joueur précoce vous aide-t-il à garder certains les pieds sur terre ?
"Je n'ai pas l'habitude de parler beaucoup de mon passé. Je ne veux pas donner l'impression de tout connaître non plus. Avec les joueurs, il faut cibler le propos. Mais par rapport à ce que je vois, il y a des anecdotes qui me reviennent. J'essaye de leur inculquer des choses avec cela. Je répète souvent ceci: je savais me remettre en question. J'ai connu des moments difficiles, mais grâce à cela, j'ai su les surmonter. On m'a souvent critiqué, et à raison ! C'était soit les louanges, soit on me descendait. (sourire) C'est difficile à gérer. Il y avait des périodes plus difficiles, mais après un mauvais match, je rehaussais le niveau, puis ça se calmait. Bon, c'est facile de parler de ça aujourd'hui, car ma carrière est derrière moi, mais je pense que c'est ça qui m'a permis d'être constant jusqu'à la fin. Sans ça, c'est très difficile. J'ai eu besoin des autres, de mon entourage à un certain moment, mais aussi d'y aller seul, de dire stop, de tracer."
11 | Et ça, vous sentez que certains en ont besoin ?
"Oui, et je leur dis souvent: 'Les gars, on est là pour vous, autant qu'on le peut, vous n'êtes pas seuls, mais faut pas toujours compter sur nous'. Je peux être un coach à l'écoute, mais tous ne sont pas comme ça. Tout le monde veut un entraîneur qui vous fait confiance, qui est derrière, qui communique beaucoup. Mais ce n'est pas toujours le cas. J'ai eu trente entraîneurs, tous différents. J'aurais souhaité n'avoir qu'un type de coach. Mais voila, ça ne se passe pas comme ça. Et à dix-sept, dix-huit ans, on comprend vite. Tel entraîneur peut vous énerver, car il ne parle pas, il ne dit rien. Mais à un moment, si on ne parvient pas à dépasser ça, on a des soucis. Et je leur explique cela. 'Si un coach ne communique pas facilement, ayez la capacité de faire abstraction de ça.'"
12 | Avec quel coach avez-vous dû faire cet effort ?
"Je pense que c'était à Bordeaux. En fait ce n'était pas un coach. Je m'explique. Je suis arrivé chez les Girondins, car Aimé Jacquet me voulait. Un super mec, mais il a été démis de ses fonctions. Et le manager reprend l'équipe. Un manager... Il ne regardait personne, c'était 'Qui m'aime me suive, les autres tant pis'. Il m'a écarté, sans me dire pourquoi, il ne parlait à personne. Je me retrouve pendant des semaines et des semaines à me demander ce que je dois faire. Mais ce mec, il m'a fait grandir quelque part. Je l'ai détesté, mais il m'a aidé."
13 | J'imagine que c'était très différent du coaching à la Guy Roux...
"... que j'ai eu juste après ! Ça, ça été une rencontre. Et elle est arrivée au bon moment. Il faut savoir que l'une de ses grandes qualités est d'avoir relancé des joueurs un peu perdus, comme Eric Cantona, Jean-Marc Ferreri. Et d'avoir fait preuve d'une grande régularité avec Auxerre. Quand je pars à l'AJA, c'est aussi pour ça. Je savais que j'avais besoin de ça et de jouer. C'est lui qui m'a appelé, il ne le fait pas souvent. Ça a été deux années extraordinaires. Il m'a redonné le goût de jouer, il m'a ramené à un niveau incroyable."
14 | Quel coach vous a inspiré en terme de jeu ?
"Plus on avance, plus on attache de l'importance à l'aspect tactique. Quand on est jeune, on improvise plus. D'autant plus que j'étais un numéro 10, créatif, je sentais le jeu. On m'a souvent laissé faire. Puis j'ai eu Paul Van Himst, qui m'a appris et intégré comme il le fallait. Puis j'arrive en Italie. Et là, on apprend énormément. On a intérêt ! Le jeu est plus structuré, ils ont plus une culture où on laisse jouer quand ce n'est pas dangereux, mais on est super bien en place quand ça le devient. Et celui qui ne fait pas le boulot, quel que soit son nom, il ne joue pas. C'est très rigoureux. Surtout défensivement. Là, j'ai appris beaucoup, y compris dans mon registre. En équipe nationale, on a remarqué que je me repositionnais mieux, que je prenais du coffre physique. Finalement, tous les coaches ont apporté quelque chose, c'est un apprentissage permanent."
15 | A Barcelone, la philosophie de jeu est toujours la même, des enfants de La Masia à l'équipe A. Serait-il intéressant de transposer cela pour la sélection ?
"Je n'y suis pas favorable. C'est possible de le mettre en place, mais c'est trop complexe. En plus, par rapport à nos expériences personnelles, ce n'est pas forcément parce que quelqu'un a été formé comme arrière droit qu'il sera meilleur qu'un autre à tel ou tel poste ou qu'il sera arrière droit toute sa vie. Il n'y a pas de règle. Un joueur peut s'adapter. George Grün était attaquant, mais il a fait sa carrière au poste de latéral droit. Et on dit que ce sont des postes où il faut être formé spécifiquement. Il y a Thomas Meunier et bien d'autres. Il y a même des joueurs qui en évoluant offensivement deviennent de meilleurs défenseurs, car ils savent mieux défendre vu qu'ils ont été attaquants. Ce n'est pas donné à tout le monde, mais on peut y arriver. J'étais un offensif, mais je défendais bien. Je devais me faire violence, mais j'y arrivais."
16 | Vous étiez un joueur d'intuition. Aujourd'hui, il y a plus de joueurs tels que vous dans votre équipe.
"Quand on devient entraîneur, on a une approche qui est différente. On est obligé de s'adapter. Si on prend des Guardiola etc., ils ont une vision du jeu, ils sont dominants, car ils ont la matière pour l'être. Demain, Guardiola va entraîner une équipe de deuxième zone, il va peut-être avoir le réflexe de vouloir jouer comme au Barça, mais il va vite devoir s'adapter. Je l'ai fait aussi quand j'étais à Mouscron. On critiquait mon prédécesseur, car son équipe ne proposait pas assez de beau jeu. Je suis arrivé, j'ai dit que je pratiquerais un beau jeu, mais j'ai oublié que je n'avais pas les joueurs pour ça. Résultat, quatre matches et quatre défaites. J'ai fait marche arrière et j'ai commencé à prendre des points. Ma vision du jeu est cependant claire: être dans la partie de terrain adverse, être dominant. Avec les Espoirs, je peux le faire. J'ai les capacités de le faire: on peut presser et jouer haut, jouer avec des consignes précises en termes de repositionnement. Il y a des coaches qui, même avec de grands joueurs, vont avoir une vision défensive. Je ne veux pas jouer pour le spectacle, mais il faut prendre des initiatives, mettre la pression, provoquer, qu'il y ait du mouvement, un bloc haut. Il faut aussi avoir l'humilité de se dire qu'on est parfois dans un moins bon jour et reculer de dix mètres. Mais si les schémas sont intégrés, que la sauce prend, alors c'est comme ça qu'on doit jouer."
17 | On a pu voir qu'un ex-génie comme Michel Platini a pu se frustrer de voir ses joueurs louper des choses aisées pour lui. C'est aussi votre cas ?
"On le dit, oui, et je le comprends. On me l'a dit aussi. On m'a dit que je ne pourrais pas comprendre un mec qui contrôle mal ou rate une passe. Mais c'est le contraire. Oui, c'est frustrant. Mais j'ai le sentiment d'être plus patient avec les joueurs d'un niveau inférieur qu'avec les autres. Je suis beaucoup plus exigeant avec les meilleurs. Tout est aussi dans la manière de le formuler. En interne, je dis les choses comme je les pense. Peut-être pas devant la presse etc. C'est peut-être ce qui m'a valu cette image de 'trop gentil'. Mais je considère être parfois dur avec les joueurs. Je suis dans mon rôle, dans le vestiaire. Ils me comprennent et savent ce que je veux."
18 | Vous disiez en 2009 que la meilleure équipe qu'on ait connue, c'était celle de 1990. Vous le pensez encore ?
"L'équipe actuelle n'a pas encore dépassé celle de 1990, car elle n'a pas encore prouvé qu'elle lui était supérieure. Mais elle est intrinsèquement nettement meilleure. Maintenant, il faut le prouver en termes de résultats. Depuis 2008, je le dis: on a une équipe qui fait rêver, et trois ans après, on est numéro 1 au classement FIFA. Il fallait pour cela un gars capable de fédérer, de réunir, comme le faisait Guy Thijs. Wilmots y arrive aussi et l'a fait en un an et demi. On a des joueurs qui évoluent dans de grands championnats. Reste à les faire évoluer ensemble, former une équipe en trois jours, les gérer."
19 | Vous soulignez l'apport de Marc Wilmots. Il vous a beaucoup soutenu au moment de la polémique autour de votre nomination.
"Cela ne m'a pas surpris. Ce qui m'a étonné, c'est quand il m'a appelé en vacances, au moment de voir son nom sur mon téléphone. On ne s'était jamais appelé avant. Il me disait qu'il voulait juste me saluer, mais je me doutais bien que ce n'était pas ça. 'Que deviens-tu, on ne te voit plus, as-tu toujours envie de faire partie d'un projet foot ?'. Mais que devais-je dire pour prouver que j'étais motivé ? Il m'a alors dit qu'il avait un projet en tête et voulait m'intégrer. J'ai raccroché et j'ai dit à ma femme que j'avais l'impression que c'était le Real Madrid qui me proposait quelque chose ! Et je ne savais pas ce qui allait se passer ! Après, il m'a proposé les U17, U18 et collaborer avec les U21. Moi, j'étais ouvert à tout. Je me suis dit que c'était peut-être le bon moment pour intégrer la fédé et puis c'était Wilmots, quoi. Le sélectionneur. Après, je me suis posé des questions. 'Mais pourquoi il m'appelle moi ?' On est parfois un peu tordu (sourire). Je lui ai posé la question. Il pouvait prendre n'importe qui ! 'Pourquoi moi ?' Il m'a répondu qu'il avait besoin de travailler avec des gens droits, des pros, qu'il s'était renseigné sur moi, ma façon de travailler. Parfois, cela peut marcher par copinage, mais ici, non, on n'avait même jamais été manger ensemble. C'était d'autant plus gratifiant. Je lui ai dit que j'étais motivé à mort !"
20 | Vous devez gérer la génération post-Hazard et De Bruyne, plus celle qui frappe déjà à la porte des A. Quelle responsabilité !
"Oui, certainement, mais j'adore ça. Ici, tout le monde se sent concerné. C'est un job qui me plaît de plus en plus. Mais quand je viens ici, je ne suis pas seulement le coach des U21. Car j'assiste aux réunions de Marc, qui intègre tout le monde. C'est global, on est avec ses adjoints, on travaille ensemble, il y a une bonne ambiance. Il arrive à créer cela. Cela ne vient pas tout seul. Il faut un rassembleur. Il collabore beaucoup avec son staff. C'est facile, en fait. Quand je finis mon match, je l'appelle comme si cela faisait dix ans qu'on collaborait ensemble."
21 | Comment gérez-vous une situation où un joueur a la possiblité d'aller chez les A alors qu'il y a un match aussi chez les Espoirs ?
"Personnellement, je considère qu'on travaille pour l'équipe A. Avec Marc, j'ai essayé de bien comprendre ce qu'il attendait, ce qu'on attendait des Espoirs, de moi etc. C'est très clair: les U17, les U19 travaillent dans le même sens. Il ne faut pas penser qu'à ses résultats. Evidemment, ce sont des objectifs qu'il faut atteindre, car il sont à un âge où il faut y aller pour gagner ses matches, penser à la victoire. C'est pour ça que des joueurs bosniens, ou croates sont si bons, c'est parce que leurs équipes Espoirs gagnent des compétitions. Il y a dix ans, on a eu de supers générations. Mais ils ne gagnaient jamais rien. Il y a un problème. En Tchéquie, on nous a dit 'Mais vous avez une équipe de feu !'. Mais on a perdu. Je sais pourquoi, je le comprends: parce qu'on est de beaux joueurs. Moi-même, ils m’impressionnent. On peut faire un beau truc. Et on va le faire. Il y a des joueurs qui sont hyper motivés, je ne le conteste pas, mais il ne jouent pas avec la mentalité voulue. Ils sont trop dans le confort, pas assez efficaces. Les Tchèques étaient moins beaux, mais ils allaient au charbon. C'est ce que j'essaye d'inculquer. J'attends aussi des coaches de clubs qu'ils les mettent dans de bonnes conditions. Parce que ce n'est pas facile en trois jours de leur faire tourner un bouton dans la tête, de leur dire 'Allez, on y va !'. Même s'ils viennent aussi pour prendre du plaisir."
22 | Le fait que vous ayez disputé quatre Coupes du monde est un avantage dans ce contexte ?
"J'espère être influent, oui. On met en place des choses qui n'ont pas été assez faites avant. Par exemple, je vais voir tous les entraîneurs de club. Je suis allé voir Michel Preud'homme, Besnik Hasi, Yannick Ferrera, je dois encore en voir d'autres. Je pense que c'est important si on veut des joueurs performants. Vu les programmes des clubs, je peux comprendre que certains disent à leurs joueurs de ne pas prendre de risque en Espoirs alors qu'une grosse échéance approche. Personnellement, je n'ai jamais calculé. Quand Van Himst m'envoyait en équipe nationale, il me disait d'y aller à fond. Moi, je veux cette relation avec les entraîneurs. S'ils sont blessés ou pas à 100%, alors on les gère ensemble. Je veux être un allié, pas un ennemi. Après les matches à l'étranger, je les fais rentrer tous. S'il y a un match après en club, ils ne peuvent pas aller boire un verre, car la récupération est importante. Avant, il n'y avait jamais de contact. On les sélectionnait et parfois ils ne venaient pas, car ils étaient blessés."
23 | L'idée est surtout de se faire confiance.
"Oui, établir un lien de confiance. D'ailleurs, le dernier que j'ai été voir, c'est Preud'homme et il me semble que ça s'est bien déroulé. On a passé deux heures ensemble alors que je ne lui demandais que trente minutes, vu ses échéances."
24 | Certains de vos joueurs, comme Tielemans, Dendoncker et Praet, viennent du même club. Dans quelle mesure cela influence-t-il votre jeu ?
"Il peut y avoir des automatismes, mais encore faut-il qu'ils jouent tous ensemble. Mais ces joueurs sont précieux pour deux raisons: ils ont une expérience, un statut, avec des matches de Coupe d'Europe dans les jambes. Le tout est qu'ils soient motivés au maximum. Parce que pour revenir en sélection Espoirs, il faut vraiment pouvoir tourner la page. On a joué en Lettonie, faut imaginer ! Il y a 600 personnes, alors qu'ils sont habitués à jouer devant un public de 30 000 personnes. Ce n'est clairement pas la même chose. Ça se joue vraiment au mental ! Et pourtant, ils ont fait le travail. Je leur ai dit que s'ils n'arrivaient pas à se motiver dans ces conditions, alors ça serait compliqué plus tard."
25 | Vous êtes parti à l'étranger assez jeune. Que pensez-vous d'un Charly Musonda, qui a lui aussi fait ce choix ?
"Quand il est arrivé en sélection, il était déjà à Chelsea. On voit que c'est un top joueur. Dès le premier entraînement, quel plaisir ! Mais il ne jouait pas. Et c'était un problème. On lui a alors conseillé de changer de club. Mais ce n'est pas aussi facile. Il était à Chelsea, il voulait s'y imposer. Il est ami avec Eden Hazard, qui lui conseillait la patience. Il est ambitieux ! Mais je lui ai dit de ne pas perdre de vue que jouer en Espoirs, ce n'est pas la même chose que chez les pros. Et qu'à son âge, le plus important c'est de jouer, dans un vrai club, une vraie compétition. Cela a un peu traîné, puis il a eu cette opportunité d'aller en Espagne. Et c'est là qu'il va progresser, parfois moins bien jouer, mais il va y grandir. Il a le talent, mais doit avoir les réflexes, le mental, car c'est là qu'il doit progresser."
26 | A l'inverse, de plus en plus de Belges restent au pays. Quel est le meilleur chemin selon vous ?
"Tout dépend du profil du joueur. Je pense que si un joueur a le potentiel pour aller à l'étranger, dans un top club, on ne saura pas le retenir. Si un joueur joue toujours en Belgique, c'est qu'on considère qu'il est encore trop léger notamment mentalement. Moi, je leur conseille juste de jouer. Que ça soit à Bruges, Anderlecht, Gand ou ailleurs. En Belgique, il y a un bon niveau, de bons coaches, la Coupe d'Europe. Le seul souci que j'ai avec certains, c'est qu'ils sont mal conseillés. Ils sont dans des clubs où il sont parfois bien payés, où ils ont l'espoir de jouer, mais les choix ne sont pas forcément bons. C'est à notre tour alors de les conseiller."
27 | L'entourage peut parfois polluer cela ?
"Oui, et contre cela, on ne sait rien faire. Mais on est coach, sélectionneur. Et à un moment, on doit alors faire des choix. Et s'ils ne jouent pas en club..."
28 | La plus grosse déception à ce niveau-là, c'est Adnan Januzaj ?
"Le but avec Marc était vraiment de l'aider. C'est pour ça qu'on était un peu frustré. Il avait besoin d'un coup de main. Marc lui a tendu la main et on voulait le prendre en sélection, où il aurait été précieux. On aurait pu en faire un leader. Il se serait relancé. On ne refuse pas une sélection. On n'est pas une équipe de café, hein. Il aurait pris du plaisir avec nous. On ne va pas épiloguer, mais s'il ne comprend pas ça, ça ne vient pas forcément de lui. L'entourage doit le pousser à venir. C'est le plus beau conseil à lui donner. Mais lui l'a perçu comme un pas en arrière. 'Revenir en Espoirs ? Ah non' A ce moment-là, il était à Dortmund. Il ne jouait pas. Il voulait jouer et n'a donc pas voulu venir avec nous. Et il n'a pas plus joué par après. Aujourd'hui, il ne joue ni en Allemagne, ni en Angleterre, ni chez nous."
29 | Pourrait-il revenir en sélection ?
"Franchement, je suis capable de passer au-dessus. Marc aussi. S'il vient demain en nous disant qu'il veut repartir d'un bon pied, on l'aidera. A condition évidemment que ça soit sincère. On le saura directement. S'il n'arrive pas à passer le cap, c'est qu'il a un problème. Dans tous les métiers du monde, quand on a une lacune, on y travaille. Lui, il ne veut pas y travailler. Et cette remise en question, c'est ça qui fait une carrière. La mienne s'est bâtie là-dessus, et pas uniquement sur mes qualités. J'ai été un numéro 10, un joueur de ballon, mais j'ai toujours bossé comme un malade. Même si ce n'est pas l'image que je donnais, car j'avais un rôle plus offensif. Il ne doit pas croire que c'est un top-joueur, car il n'est nulle part pour le moment. Il a fait des apparitions à Manchester United, à Dortmund. Mais si on joue sa carrière là-dessus... Un joueur qui n'a pas envie, je ne le veux même pas, que ça soit lui ou un autre. Je dois disposer de joueurs qui veulent jouer, se qualifier."
30 | Entre Mouscron et Mons, il y a eu un sacré laps de temps. Entre Mons et les Diablotins, encore un long moment. La patience est comme un fil rouge dans votre carrière de coach.
"Oui, et le foot c'est toute ma vie. Et quand on voit qu'on est un peu oublié, cela fait mal. Je ne revendique pas d'être au sommet directement. Mais oui, il y a eu des périodes où on a douté de moi. J'ai eu des opportunités à des moments précieux de ma vie."
31 | Avez-vous l'impression d'avoir dû prouver plus que d'autres, vu votre passé de grand joueur ?
"C'est certain. Mais regardez dans beaucoup de clubs européens, on commence à donner leur chance à d'anciens joueurs. En leur confiant l'équipe A. Et pas dans des petits clubs: Zinedine Zidane au Real, Guardiola et Enrique au Barça. Ça va arriver de plus en plus. C'est facile de dire à un grand joueur qu'il va d'office emmener l'équipe loin, mais encore faut-il lui laisser le temps. Le souci, c'est qu'à des anciens, on ne va pas forcément le leur laisser, on va être plus exigeant. Il faut analyser les choses objectivement. Je ne veux pas paraître prétentieux, mais le foot, c'est notre truc. La vision, l'expérience, ça ne doit pas être un handicap. Après, être un grand joueur ne signifie pas forcément qu'on sera un grand entraîneur. C'est vrai, bien sûr, mais l'expérience est un plus. Mais il n'y a pas que ça. Il y a d'autre facteurs: la passion, qui doit être intacte, avoir faim. Ce n'est pas toujours le cas. Moi, ma passion n'a pas baissé. Etre privé de foot me rendait malade. Personnellement, j'ai toujours envie de progresser, d'apprendre."
32 | A l'époque de votre nomination, avec la polémique sur le néerlandais etc., on disait que vous souffriez aussi d'un "délit de belle gueule".
"Ah si vous le dites (sourire). Je l'entends depuis mon plus jeune âge. J'espère que non. Quand je m'habille, je ne le fais pas pour parader. Je n'ai pas le sentiment de vouloir frimer. On a tous une façon d'être, qui n'empêche pas de s'investir à 100%, autant que les autres. On a toujours des a priori sur un tel ou un tel à cause de sa façon de s'habiller, son argent. C'est dommage d'être jugé par rapport à ça. Mais quand on jette un oeil à mon parcours, on peut voir que je ne suis pas cette personne-là. J'ai accepté d'entraîner une équipe de D2, des équipes de seconde zone. Ce n'est pas parce que j'ai été un joueur d'un certain niveau que je n'ai pas su redescendre plus bas pour me prouver à moi-même que je pouvais le faire. Il faut y repenser. Ce qui ne m'empêche pas d'être très content de mon parcours, dans des clubs où financièrement c'était difficile. Malgré ça, j'ai quand même fait des résultats. J'aimerais être jugé là-dessus. Mais ceux qui ne sont pas dans le foot ne peuvent pas comprendre que vu les conditions, mes résultats étaient intéressants".
33 | Un domaine qui vous intéresse, c'est aussi la gestion des hommes ?
"Oui, voilà. Depuis que je suis petit, je m'intéresse aux autres. Forcément, quand il y a un souci, j'aime bien m'en occuper. La gestion d'un vestiaire, c'est ça qui me motive. J'aime prendre mon temps, je sais faire preuve de patience. Je découvre là aussi toujours quelque chose. Mais il y a sans doute une part d'inné."
34 | Vous inspirez-vous de Wilmots dans votre coaching ?
"Bien sûr. Je ne saurais pas cirer les pompes de quelqu'un. Mais là, ce n'est pas le cas, je dis la vérité. C'est quelqu'un qui me surprend. A ses côtés, je n'avais pas cette impression-là. On a joué ensemble, on s'entendait bien, on se respectait, mais en tant que collègues. Ça se limitait à ça. Mais dans le travail, je ne suis pas étonné des résultats qu'il obtient. Il m'apprend beaucoup dans son approche. C'est un gars qui trace, qui sait où il va. Il n'est pas facilement influençable. Et en foot, il ne faut pas l'être, surtout quand on est convaincu de sa vision. En fonction des résultats, la pression des médias est là. La meilleure saison que j'ai livrée, c'est à Mons, quand j'ai décidé de ne pas lire les journaux. Je ne dis pas que vous ne faites pas bien votre boulot, mais nous, on a besoin de ne pas se faire influencer. Avec tout mon respect, ce n'est pas aux journalistes de nous dire comment on doit procéder. Et parfois, les journalistes pourraient nous pousser à choisir quelqu'un plutôt qu'une autre personne. Mais Wilmots, il trace. Comme avec ce coup de bluff avec les attaquants ! Ça m'a fait rire et ce n'est pas méchant. Si vous étiez à sa place vous feriez la même chose."
35 | Si je vous dis "Euro 84", cela vous évoque quoi ?
"C'était hier ! (rires) C'était mon premier grand tournoi. C'est grâce à ça que j'ai ressenti que j'avais franchi un cap. Je jouais à Anderlecht, en Europe, puis arrivent ce tournoi et des sollicitations de partout. Ça a été fulgurant, j'avais dix-huit ans. J'ai senti une différence énorme après. C'était un tournoi que je regardais à la télé. Deux mois avant, j'étais dans le flou. Il y avait la naturalisation, puis un match en juin, puis le premier match de la compétition contre la Yougoslavie. Ça a été très vite. Je n'avais même pas l'impression que je jouais un tournoi (il souffle). Ça a été une petite déception, car on avait tout pour aller plus loin que ce premier tour. On gagne le premier match, puis il y a la France. Bon, oublions. Contre le Danemark, on doit tuer le match et puis on se fait battre. Mais quelle expérience pour moi de vivre ça si jeune. A l'époque j'étais le plus jeune à participer à un Euro. (NdlR: il a entre temps été battu par le jeune Néerlandais Jetro Willems)."
36 | Et en 2016, quel parcours voyez-vous pour les Diables ?
"C'est compliqué. Si on regarde la progression de l'équipe depuis un an et demi, il y a déjà quelque chose en plus. Au Mondial, on disait: 'On peut aller loin, mais il va nous manquer un petit quelque chose'. J'étais le premier à le dire. On avait ce quelque chose en moins par rapport aux nations plus expérimentées et on l'a vu contre l'Argentine. Wilmots est très ambitieux et il se prépare à aller au bout, ne vous en faites pas pour ça. Mais ça reste une compétition difficile, avec la France, l'Allemagne et toutes ces nations-là ! Mais on a le potentiel pour le faire. C'est le bon moment. Tout peut se passer. On devrait être prêts. Si tous les joueurs sont opérationnels, en forme au bon moment, si on se prépare bien, ça peut le faire."
37 | Avoir une poule relevée, ça peut être bénéfique.
"Oui, oui. De toute façon, c'est comme ça. On sera au taquet, il n'y aura pas de relâche. On peut y prétendre. Ce sont des joueurs qui jouent chaque semaine des gros matches. Mais il y a l'absence de Kompany. On ne va pas en faire un drame, mais on sait qu'il était précieux dans le vestiaire. Mais si on a une grande équipe, on doit pouvoir s'en passer."
38 | Et qui sont vos favoris ? On doit compter la Belgique apparemment...
"Je ne veux pas mettre la pression, on ne doit pas parler de nous. Il y aura de la pression, alors c'est inutile d'en rajouter. Mentalement, nos joueurs veulent gagner, il n'y aura pas de souci à ce niveau-là. Mais il y a les autres. Si on claironne qu'on va être champion, c'est comme un manque de respect pour certaines nations qui ont déjà prouvé plus que nous."
39 | Qui vous fait peur dans cet Euro ?
"La France me paraît être un candidat sérieux. L'Allemagne, évidemment. Même l'Italie. Et l'Espagne, aussi. Je dis la France, car je suis convaincu par rapport à ce qu'elle montre, son équilibre, son noyau, les possibilités dont elle dispose et son rendement. Et ils sont tous derrière le coach, ils sont dans une bonne dynamique. Quand on voit les matches qu'ils ont joué, c'est du sérieux. Et en plus c'est chez eux."
40 | On parlait de l'Italie. Ce match aura-t-il une saveur particulière pour vous ?
"Ça va être particulier, mais je suis Belge à 100%. Avant ma première sélection, j'étais un supporter acharné de la Squadra. Mais dès mon premier match avec les Diables rouges, ce sont devenus des adversaires. Pas l'Italie elle-même, mais l'équipe de football. C'est ça la compétition."
41 | Et que pensez-vous de cette équipe ?
"On va les battre. Même si je me méfie de toutes les équipes et des Italiens en particulier. Sans Marco Verratti, ni Claudio Marchisio, ils sont déforcés, mais ils ont une culture. Ils l'ont démontré: ils peuvent mal commencer et aller au bout. Ça reste toujours une équipe difficile à manier. Ils jouent dans un championnat où la culture de la gagne est primordiale. Ce sont des mecs qui savent comment gagner des matches. On le voit en club. Au PSG, on voit la différence quand Verratti n'est pas là. Ils ne sont pas forcément les plus extraordinaires dans la manière, mais mentalement, ils sont formés."
42 | Vous étiez un 10, un poste qu'on dit parfois un peu démodé. Quel regard portez-vous sur le 10 d'aujourd'hui ?
"Je suis favorable à ce genre de profil. Mais le foot a énormément évolué. Quand on dit qu'il n'y a plus de place pour eux, j'ai tendance à dire que ceux qui pensent comme ça n'ont rien compris. C'est en tout cas mon avis. Un 10 est précieux dans une équipe, mais il ne peut plus jouer comme avant. Il doit évoluer. Dans mon équipe, il peut jouer à condition de répondre aux exigences tactiques de repositionnement, de faire preuve d'intelligence. Il ne doit pas juste être créatif, et jouer en fonction de ses facilités. Il doit être rigoureux. Mais des joueurs entre les lignes, c'est capital. Il n'y a que des 10 qui peuvent s'adapter aussi vite dans la difficulté entre les lignes. Des lignes qui sont très resserrées aujourd'hui."
43 | En gros, vous nous définissez un peu Kevin De Bruyne.
"Exactement ! C'est le joueur-type. Quand on voit son profil, on n'imagine pas qu'il soit un 10, mais c'est un 10 moderne. Il est doué, bien sûr, mais il a la course, l'endurance, de la réflexion dans son jeu, dans son positionnement. On peut être 10 quand on est capable de faire cela. Avant, quand on n'était pas capable de courir longtemps, on pouvait encore s'en sortir. Plus maintenant. Aujourd'hui, il faut bouger sans cesse, se démarquer."
44 | Cela vous rappelle-t-il ce que vous avez vécu à l'Inter Milan ?
"Probablement, oui. J'ai découvert d'autres choses à Milan. En fait, en Italie, quand tu joues dans ta propre moitié de terrain, on te laisse jouer, et donc, ça te donne l'impression que tu es bon. Oui, mais dans ce cas-là, tu n'es pas efficace. Les Italiens, ils disent: 'Viens ici, c'est ici que ça se passe'. Et c'est dans les quarante mètres que ça devient compliqué. Pour trouver la clé, il faut avoir les qualités que j'ai décrites auparavant. Il faut fatiguer l'adversaire et réfléchir. Et surprendre de la deuxième ligne. Mais pour ça, il faut de grosses capacités athlétiques, ce que je n'avais pas encore à ce moment-là. Ce qui peut expliquer mes difficultés là-bas."
45 | On a souvent parlé d'une filiation avec Eden Hazard, mais au final, ne ressemblez-vous pas plus à De Bruyne ?
"Je suis entre les deux. C'est pas mal, hein ! (rires) Je pense avoir un peu d'Eden dans la créativité, dans le dribble. Mais je revois plus mes capacités physiques chez De Bruyne. Dans les courses, notamment. Mais techniquement, tous les deux sont à un très haut niveau ! Dans le passing, les centres. Peut-être Kevin est-il même encore au-dessus. Il est très efficace, il marque, fait marquer. Je l'étais aussi. J'étais un médian offensif qui marquait une dizaine de buts par an en moyenne. Et autant au niveau des passes décisives. Au niveau rendement, j'étais plus De Bruyne qu'Hazard."
46 | En tout cas le Hazard de cette année.
"Oui, car Hazard en est capable aussi. Mais là, il progresse. Au plus haut niveau, on peut bien jouer, mais si on ne marque pas, alors ça ne passe pas. Et ça, lui sait le faire. Là, il revient et tout le monde s'en réjouit."
47 | Où avez-vous fait votre formation de coach ?
"Ici, en Belgique. Avec aussi des stages à l'étranger à Lyon, à Maseille. C'est passionnant. On a beaucoup à y apprendre. L'école d'entraîneur est assez théorique. Or, c'est sur le tas qu'on apprend le plus. Je suis aussi allé à Arsenal. Quand on passe un stage de trois, quatre jours avec Wenger, là, ça fait quelque chose. Ou avec Trapattoni, Gerets, Puel. On a dû donner des entraînements. Ça, c'est intéressant. On peut se projeter, emmagasiner. Et on remarque que de la théorie à la pratique, il y a un monde."
48 | L'analyste Markus Kauffman disait que les grands coaches d'aujourd'hui ont eu comme un passage à vide avant le succès. Comme Guardiola et son année sabbatique, où il a rencontré Ricardo La Volpe et Marcelo Bielsa, ou encore Diego Simeone, qui a coaché Catane avant l'Atlético. Vous pensez aussi que ça peut être formateur ?
"Exactement. Mais c'est la même chose avec Wilmots. Avant les Diables, il y a eu Saint-Trond. Regardez les vingt, trente dernières années. Il y a toujours des entraîneurs tendance. Pourquoi ? Grâce à leur philosophie, sans doute, mais aussi par rapport à leurs résultats. Je suis content de voir que des coaches peuvent apporter des choses nouvelles en foot. On ne va pas se copier les uns les autres, mais on peut s'en inspirer. Mais ça peut vite s'arrêter. Il faut être sur la vague. Il faut provoquer la chance et saisir les opportunités. Quand Guardiola décide de coacher, on lui offre le Barça. Cette opportunité, il l'a eue."
49 | Encore faut-il en faire quelque chose.
"Bien sûr ! Mais quand on est au Barça, on a plus de possibilités de réussir que de rater. Même chose avec Zidane aujourd'hui. Il a eu une année pour prendre de l'expérience avec les Espoirs, puis on lui donne l'équipe première. Parce qu'on sait qu'on ne peut pas lui donner une petite équipe. Mais lui donnera-t-on du temps avec ça ? Regardez Laurent Blanc, un gars sans expérience, puis on lui donne Bordeaux, alors encore au top. Et il devient champion."
50 | Là vous passez un message à Roger Vanden Stock ?
"Non, non, du tout. Bon, allez, oui, c'est un message (rires)."