Les raisons du fiasco espagnol au mondial
Éliminée sans gloire dès les huitièmes de finale, l’équipe de Fernando Hierro a affiché ses faiblesses physiques, tactiques et mentales.
- Publié le 02-07-2018 à 18h01
- Mis à jour le 02-07-2018 à 18h20
Éliminée sans gloire dès les huitièmes de finale, l’équipe de Fernando Hierro a affiché ses faiblesses physiques, tactiques et mentales. Après avoir enchanté les puristes par un jeu révolutionnaire, l’Espagne a besoin de remettre les compteurs à zéro. Un nouveau cycle commence.
L'entraineur: Le C4 de Lopetegui a chamboulé les plans
C’était écrit : le brusque limogeage du sélectionneur Julen Lopetegui deux jours avant le début de cette Coupe du Monde a eu des conséquences très négatives sur le groupe. “On a perdu notre leader”, confiait Koke après l’élimination face à la Russie. Parachuté à la hâte à la tête de la Roja, Fernando Hierro s’est efforcé de sauver les apparences. Mais ce n’était pas la même chose. Depuis deux ans, Lopetegui avait minutieusement préparé le rendez-vous russe. Il avait étudié les adversaires à la loupe, maîtrisait son effectif et avait dissipé les tensions entre stars. Impériale en phase qualificative face à l’Italie, l’Espagne avait donné la leçon à l’Argentine (6-1) en match amical. Elle semblait même avoir retrouvé son niveau de 2010. Et puis, patatras ! La démission de Zinedine Zidane de son poste d’entraîneur du Real a subitement tout chamboulé avec, dans la foulée, cette annonce de l’arrivée de Lopetegui pour le remplacer et le C4 prononcé par Rubiales, le président vexé de la Fédération. Le timing ne pouvait pas être plus mauvais pour générer un vrai fiasco.
Âge: une génération vieilissante à l'image de Silva et Iniesta
L’Espagne s’est longtemps appuyée sur une génération dorée emmenée par Casillas, Puyol, Xavi, Fabregas, Villa, Silva et Iniesta. Peu à peu, ces héros du triplé (Euro 2008, Mondial 2010 et Euro 2012) ont quitté le navire. En Russie, Silva et Iniesta étaient, avec Sergio Ramos et Piqué, les derniers survivants. Et ils n’ont pas été à la hauteur. Usés et fatigués, ils faisaient parfois peine à voir dans un milieu de terrain sans imagination où seul Isco était à la hauteur. Héros de tant de somptueuses batailles et auteur du but de la victoire face à aux Pays-Bas lors de la finale 2010, Iniesta méritait clairement de sortir par une plus grande porte. Pour lui, c’était le Mondial de trop.
Tactique: la mort du tiki-taka
Et si ce Mondial avait entériné la fin du tiki-taka ? Inventé par Pep Guardiola à l’époque du grand Barça, ce système de jeu a fait les belles heures de la grande équipe d’Espagne. Mais, à l’évidence, cette tactique basée sur la possession de balle ne porte plus ses fruits. Face à la Russie, la Roja a signé plus de 1.000 passes en 120 minutes mais elle s’est à peine créé quelques occasions de but. Au fil des ans, les adversaires ont trouvé l’antidote à cette stratégie. Surtout lorsque celle-ci n’est pas alimentée par des changements de rythme, du jeu entre les lignes, de la verticalité. Au sommet de leur art, Xavi et Iniesta étaient passés maîtres dans l’art de déboussoler les défenses adverses par l’une ou l’autre passe de génie. En Russie, la Seleccion jouait en mode automatique et était même ennuyeuse à regarder.
Gardien: qu'est-il arrivé à De Gea?
Le gardien de Manchester United a été l’ombre de lui-même. Dès son premier match face au Portugal, il commettait une erreur digne d’un débutant. Et il n’a plus jamais transmis, ensuite, le moindre sentiment de sécurité à ses partenaires. Durant ses quatre matches, David De Gea n’a signé qu’un seul arrêt. Pour le reste, sur douze tirs cadrés (y compris les pénaltys), il a encaissé 11 buts. Cette fébrilité était aussi manifeste en défense centrale où les vétérans Sergio Ramos et Gerard Piqué n’ont jamais dicté leur loi. La faute de main ridicule du défenseur catalan face à la Russie est révélatrice. Fort de sa légitimité, Lopetegui aurait sans doute réagi en renvoyant De Gea sur le banc ou en sermonnant ses piliers défensifs. Invité de dernière minute et ne souhaitant pas faire de vague, Hierro n’ a pas osé prendre ses responsabilités. Cela s’est payé cash.
Relève: place aux jeunes
Pour rentabiliser son système de jeu, l’équipe d’Espagne a besoin de joueurs frais physiquement et mentalement. Ce n’était assurément pas le cas en Russie. Fatigués par une saison très longue – où le Real et l’Atlético ont remporté la Ligue des Champions et l’Europa League – plusieurs stars de la Roja étaient au bout du rouleau. Ceci n’explique cependant pas tout. Désormais, une chose est sûre : l’Espagne va devoir se remettre en question. On parle déjà d’un nouveau sélectionneur. Les noms de Luis Enrique, de Michel et de Quique Sanchez Flores sont notamment cités. Mais, à l’heure des retraites d’Iniesta, de Silva et de Piqué, c’est surtout un changement de génération qui s’impose chez les joueurs. De jeunes talents comme Isco, Asensio, Lucas Vasquez, Aspas ou Rodrigo se doivent de prendre la relève. Mais la transition ne sera pas évidente tant l’héritage est lourd.