Witsel préface la finale de la Coupe: "Le Standard doit sauver sa saison"
Entretien exclusif à Saint-Petersbourg avec Axel Witsel, qui sera le premier supporter des Rouches ce dimanche.
- Publié le 19-03-2016 à 07h53
- Mis à jour le 19-03-2016 à 20h03
Entretien exclusif à Saint-Petersbourg avec Axel Witsel, qui sera le premier supporter des Rouches ce dimanche. Le printemps risque de se faire attendre à Saint-Petersbourg. Malgré un ciel azur, les cours d’eau de la ville sont encore gelés. Même la majestueuse Neva est encore en grande partie couverte de glace, rendant encore impossible la navigation. C’est au bord de l’un des bras de celle-ci que nous avons rencontré Axel Witsel, dans un restaurant cosy et bien au chaud sur l’île Kretovsky, où le Diable réside. "Ça va, il ne fait plus si froid", nous souffle-t-il pendant la séance photos, sans frémir malgré une brise piquante.
Si Axel Witsel nous a reçus, c’était en premier lieu sur un sujet qu’il affectionne particulièrement : le Standard. Lui qui se fait rare dans les médias a été très loquace et pendant plus d’une heure, il nous a préfacé cette finale de Coupe, un événement qu’il connaît bien. Il nous a aussi raconté à quel point il était lié au Standard. Pour lequel il croise déjà les doigts pour dimanche…
Axel, quel est votre regard sur les difficultés actuelles du Standard ?
"C’est vraiment regrettable. Il y a quelques semaines, tout le monde pensait que le Standard était mort. Puis il est revenu de loin, il ne lui suffisait plus qu’une bonne prestation à Malines pour aller en playoffs 1… Mais dimanche dernier, il n’a pas fait le boulot sur ce match qui était déjà une finale. La rouge de Kosanovic a beaucoup pesé."
Avez-vous connu des moments aussi difficiles quand vous étiez au Standard ?
"Oui. Je pense surtout à ma première saison. On a perdu les deux premiers matches de la saison et on s’est retrouvé dernier. C’était la crise et les supporters commençaient à être chauds. Je me souviens d’une rencontre à Lokeren, où Johan Boskamp m’avait laissé dans les tribunes. On a perdu et à notre retour à Sclessin, plusieurs supporters nous attendaient. Ils ont lancé des pierres sur le car, ont cassé des vitres de voiture et certains d’entre eux étaient même entrés dans les vestiaires. On était encore en août et c’était déjà le feu ! Sergio Conceição était sorti et avait réussi à les calmer. J’avais 16 ans et demi : il y avait de quoi être impressionné ! Je me suis dit : ‘où est-ce que je suis ?’ À cet âge, on ne sait pas trop comment gérer de telles situations."
Vous avez aussi connu les playoffs 2, en 2009-2010…
"En tant que joueur, j’adorais les playoffs 1. Ce sont dix matches de feu, une sorte de mini-playoffs au niveau belge. Mais en 2010, c’était la première édition et on ne savait pas encore ce qu’on ratait. C’était donc moins grave qu’aujourd’hui."
Vous aviez assisté au match contre Charleroi le 20 février (3-0). Qu’en aviez-vous retenu ?
"J’avais vraiment apprécié Dossevi et Edmilson. Ils n’ont pas peur de jouer, ils prennent du plaisir sur le terrain et ils peuvent facilement faire la différence. Quand je repense à ce que le Standard avait montré ce jour-là, je suis d’autant plus surpris qu’il n’ait pas fini dans le Top 6 . Normalement, le Standard ne peut jamais se permettre de se retrouver en playoffs 2. Maintenant, il n’a pas le choix. Ils doit gagner la Coupe pour sauver sa saison."
Après une grosse désillusion comme à Malines, comment se remobiliser pour une finale de Coupe ?
"Mentalement, franchement, c’est compliqué. C’est difficile d’oublier ce qu’il vient de se passer : c’est toujours dans un coin de ta tête. Les joueurs du Standard doivent juste se dire que ce n’est pas la même compétition. Qu’ils sont capables de gagner ce match. Cela reste une finale : les Brugeois sont meilleurs pour le moment, mais pour eux aussi le match sera compliqué."
Comment suivrez-vous la finale ?
"Malheureusement, je serai dans l’avion lors de la finale. Nous jouons contre Samara, l’équipe de Franky Vercauteren, dimanche et c’est un long vol de retour vers Saint-Petersbourg. Je découvrirai donc le résultat final en atterrissant. En espérant de tout cœur que ce soit une victoire rouche …"
"Une grande équipe peut naître en finale. Comme à mon époque…"
Witsel a joué deux finales de Coupe : celle perdue de 2007, et celle gagnée de 2011 : "J’ai une pensée émue pour Dominique D’Onofrio, qui a beaucoup compté pour moi et qui a tout donné pour le Standard"
Une finale au stade Roi Baudouin, Axel Witsel connaît...
Votre première finale de Coupe, c’était face à Bruges (défaite 0-1) en 2007. Quel souvenir en gardez-vous ?
"C’était râlant. J’avais 18 ans. J’ai vite réalisé que pouvoir disputer une finale, c’était un privilège rare. Nous avions une belle équipe, très jeune. On avait été battu sur un seul but; cela reste un moment qui a compté dans la construction de la grande équipe du Standard qui a ensuite ramené le titre à Sclessin après 25 ans d’attente. Le Standard actuel a du mal à se reconstruire; il doit vite se relever. Dans ce sens, cette finale de Coupe pourrait lui servir d’étape importante, comme elle l’avait été pour nous en 2007. Un club avec une telle aura doit retrouver un rang plus haut en Belgique."
Votre seconde finale, vous l’avez disputée en 2011 face à Westerlo. Après le titre perdu à Genk (1-1) et la blessure de Carcela, le contexte était très particulier…
"Je reparlais récemment de cette lutte pour le titre avec mon équipier portugais, Danny. Je lui ai expliqué que cette saison-là, j’avais perdu le titre de champion pour 0,5 point… Danny m’a dit en rigolant : ‘Comment est-ce possible ?’ C’est quelque chose que je ne comprends toujours pas aujourd’hui. Ce n’est pas logique."
Pourquoi ?
"Parce qu’étant à égalité avec Genk, nous aurions dû disputer un test-match, comme en 2009 face à Anderlecht ! Il faut ajouter à cette déception le choc de la blessure de Mehdi. Aujourd’hui, tout va bien pour lui mais si le docteur était intervenu quelques secondes plus tard, il ne serait peut-être plus de ce monde. Après ça, nous étions tous déterminés à gagner la Coupe. Pour se venger du titre perdu, mais surtout pour Mehdi."
Comment s’était passé le match ?
"Ce n’était pas une grande finale. J’avais joué en n°10, avec Steven derrière moi. Devant c’était Mbokani… euh non, Tchite ! Mangala avait mis le 1er but puis le 2e était tombé avec un peu de réussite. Je me souviens mieux de l’après-match que du match. Et de notre sentiment au coup de sifflet final. Pour la plupart, nous n’avions jamais gagné la Coupe: nous avons presque célébré ça comme un titre de champion. À Liège, on avait retrouvé tous les fans sur la place Saint-Lambert. On ne s’était pas attendu à une telle ferveur pour un succès en Coupe. C’est ça, le Standard ! Quand j’évoque ces souvenirs, j’ai une pensée émue pour Dominique (D’Onofrio) ."
Que retiendrez-vous de lui ?
"J’étais proche de Dominique; il a joué un rôle très important dans ma carrière. Il avait une vraie joie de vivre, il était toujours souriant. Et puis il avait cette voix, reconnaissable entre mille… Avec Sergio, il formait un très bon duo. Dans le milieu du football belge, Dominique n’a pas eu la reconnaissance à laquelle il avait droit. Il méritait plus de respect pour ce qu’il a fait pour le Standard. Il a tout donné pour ce club. Un exemple à suivre pour tout le monde."
"Mon lien avec le Standard : dans le foot, c’est rare"
Si Witsel revient un jour en Belgique, ce sera chez les Rouches. "Mais si je n’ai plus tous mes moyens, je ne veux pas leur rendre un mauvais service…"
Axel Witsel est ce qu’on appelle un Rouche de cœur: "Depuis le moment où j’ai mis ce maillot pour la première fois, je suis supporter du Standard. J’essaie de voir le plus de matches possible en streaming."
Comment décririez-vous votre lien avec le Standard ?
"C’est ma maison, là où tout a commencé pour moi. J’y suis arrivé à l’âge de neuf ans et j’y ai fait toute ma formation. J’ai ensuite noué un lien très spécial avec les supporters. Pour un joueur dans le foot d’aujourd’hui, c’est rare d’avoir une connexion aussi forte avec les fans. Aujourd’hui encore, ce lien demeure. Dès que je reviens à Sclessin pour voir une rencontre, c’est toujours la même folie."
Qu’est-ce qui fait que le Standard est un club si particulier ?
"C’est en premier lieu grâce à ses supporters, et à l’ambiance qu’ils mettent à Sclessin depuis tant d’années. Tous les adversaires du Standard, y compris européens, le reconnaîtront. Des joueurs du Zenit m’ont dit qu’ils avaient trouvé Sclessin incroyable. J’ai joué deux fois en C1 à Liverpool : le chant ‘You’ll Never Walk Alone’ est mythique et l’ambiance est chaude. Mais ça ne chante pas de la première à la dernière minute comme lors d’un gros match à Sclessin. Il y a là-bas quelque chose en plus…"
Vous pouvez comprendre que les supporters soient déçus - voire dégoûtés - de la tournure des évènements depuis votre départ en 2011 ?
"Oui, je peux tout à fait les comprendre. À l’époque, le club a perdu beaucoup de joueurs cadres en même temps : Defour, Mangala, Mehdi et moi… Depuis, le Standard n’a plus jamais été le Standard d’avant 2011."
Comment jugez-vous la politique actuelle du club ?
"Il va dans la bonne direction. La présence de Daniel Van Buyten, entre autres, est une bonne chose. Ses connexions et ses conseils peuvent être très utiles au Standard. Mais il ne peut pas tout faire tout seul, sur un claquement de doigts. Il faudra du temps."
Pourriez-vous à l’avenir aider le Standard comme le fait aujourd’hui Van Buyten ?
"Si mon emploi du temps chez LindSky, me le permet, oui, pourquoi pas ? (NdlR: il détient des parts dans cette société d’aviation qu’il est appelé à diriger après sa carrière.) Je ne me vois pas être entraîneur mais conseiller sportif, c’est un défi qui peut être intéressant."
Vous avez déclaré l’an dernier que vous pourriez finir votre carrière de joueur au Standard…
"C’est clair que si je reviens un jour en Belgique, ce sera au Standard et nulle part ailleurs ! Mais je ne sais pas si ce serait vraiment une bonne idée de finir ma carrière en Pro League ."
Vincent Kompany a déjà affirmé qu’il ne se voyait pas terminer à Anderlecht car il ne veut pas y revenir en pré-retraite…
"Vincent a tout à fait raison. Si tu reviens à 34, 35 ans, tu n’as plus le même volume physique. Et si tu n’es pas bon, les gens risquent d’oublier tout ce que tu as fait auparavant… Je ne voudrais pas rendre un mauvais service au Standard !"