Brailsford, big boss de la formation Ineos: "Le cœur du cyclisme est en Belgique"
Rencontre avec le boss de la formation Ineos-Grenadier, venu chez nous pour la signature d’un contrat avec un nouveau partenaire.
- Publié le 07-10-2021 à 06h12
- Mis à jour le 07-10-2021 à 07h21
Si, dans l’histoire de la formation britannique, seuls deux coureurs belges (Serge Pauwels en 2010 et 2011 et Laurens De Plus depuis 2021) ont jusqu’ici porté le maillot de l’armada Sky devenue Ineos, c’est celui-ci qui passera sous pavillon noir-jaune-rouge dès la saison prochaine. En marge des derniers championnats du monde à Louvain, le manager général Dave Brailsford a en effet fait le déplacement chez nous afin d’apposer sa signature au bas d’un contrat de trois ans qui le lie à l’équipementier limbourgeois Bioracer. Le Gallois de 57 ans en a profité pour nous accorder une interview dans laquelle il dresse un premier bilan de l’année de son équipe et porte un regard optimiste sur son avenir, incarné par Filippo Ganna et deux jeunes talents britanniques, Tom Pidcock et Ethan Hayter.
Dave Brailsford, pourquoi avoir choisi Bioracer comme équipementier à partir de 2022 ?
"Je connais Danny Segers, le CEO, depuis longtemps. J’ai toujours admiré ce que fait Bioracer et la façon dont ils le font. J’ai toujours espéré, et cru, qu’un jour nous serions capables de travailler ensemble. Alors je suis vraiment content que ce jour soit venu. Bioracer combine au mieux la technologie et la performance en plaçant toujours l’athlète au centre des recherches. Nous partageons un sens commun de l’aventure, une envie d’innover et de faire les choses différemment, mais, surtout, nous avons une passion pour le cyclisme sur route et pour la course. Nous sommes donc impatients d’écrire ensemble un nouveau chapitre et de présenter les superbes tenues de course de Bioracer sur la route avec l’état d’esprit d’Ineos-Grenadiers."
Vous voilà désormais lié à la Belgique…
"Nous sommes toujours très enthousiastes à l’idée de disputer des grands tours, mais le cœur du cyclisme se trouve en Belgique. Les plus belles émotions par rapport à notre sport sont ressenties au moment des classiques flandriennes. Et il est possible de combiner cet amour pour le cyclisme avec le style et la haute technologie, c’est ce que fait Bioracer. L’héritage de la Belgique est fondamental dans le cyclisme et c’est un honneur de nous y associer."
Les récents Mondiaux à Louvain se sont bien déroulés pour votre équipe avec le succès de Filippo Ganna lors du contre-la-montre !
"Filippo m’impressionne par sa capacité à se préparer pour les grands événements et à atteindre son but. Il avait listé le Giro, les Jeux olympiques et les Mondiaux en début de saison et il a été capable de triompher dans chacun de ces trois objectifs. C’est très impressionnant. Sur les championnats du monde contre la montre, il a été capable de maintenir son rythme jusqu’au bout et c’est ce qui a fait la différence par rapport aux autres cadors. J’étais très nerveux en regardant cela car la course a été serrée jusqu’au bout. C’est le meilleur coureur de contre-la-montre au monde."
Quel regard portez-vous sur la saison 2021 d’Ineos-Grenadiers ?
"Nous avons couru comme je l’espérais en début d’année, c’est-à-dire de façon agressive. La saison a très bien débuté puisque nous avons gagné le Giro, et peu d’équipes peuvent s’enorgueillir d’avoir gagné un grand tour cette année. Il est très important d’analyser une saison dans son ensemble et pas uniquement par le prisme du Tour de France. Nous avons gagné un grand tour, terminé sur le podium de la Grande Boucle et quatrièmes de la Vuelta. Nous possédons de nombreux coureurs champions olympiques. L’équipe devient de plus en plus polyvalente et c’est important dans un sport en pleine évolution où les talents percent de plus en plus jeunes et émanent de nombreuses disciplines. Je suis assez fier de cette saison, que nous allons peut-être terminer à la première place du WorldTour. Nous allons pouvoir construire là-dessus pour l’avenir."
Pensez-vous que votre équipe peut rapidement remettre la main sur le Tour de France ?
"Bien sûr. Le cyclisme est un sport où tout peut changer très vite. Il est important de toujours y croire. Aucune grande victoire ne se construit sans un minimum de conviction au préalable."
Que pensez-vous de la première saison en WorldTour de Tom Pidcock ?
"C’est très excitant de voir évoluer ces jeunes coureurs. Tom a réussi une saison extraordinaire. Ces performances en cyclo-cross étaient déjà annonciatrices d’une belle année. Sa saison des classiques a été exceptionnelle, surtout lorsqu’il a gagné l’Amstel Gold Race (NdlR : Dave Brailsford affirme cela sur le ton de l’humour puisque Tom Pidcock a terminé deuxième de la classique néerlandaise après avoir été départagé suite à une photo finish assez peu convaincante). Il est ensuite passé sur le VTT pour les Jeux olympiques avec la réussite que l’on connaît. Puis il a participé à la Vuelta, sa première course par étapes WorldTour, et il est parvenu à aller au bout des trois semaines de course, ce qui augure bien de son potentiel. Je pense qu’il pourrait devenir un excellent coureur de courses par étapes. Je pense qu’il a le potentiel pour devenir l’un des coureurs les plus polyvalents de l’histoire. Faire partie de cette aventure est très excitant. Nous devons l’aider à progresser tout en veillant à ce qu’il continue à s’amuser sur le vélo."
Et celle d’Ethan Hayter ?
"Ethan est également très jeune et c’est un talent exceptionnel. Il a remporté huit courses cette année. Nous allons devoir nous poser cet hiver pour bien préparer l’avenir avec lui. Nous n’avons pas l’habitude d’imposer des limites à nos coureurs, même si nous pouvons présumer qu’il sera un excellent coureur de classiques ou de courses par étapes d’une semaine. Mais, en réalité, il est impossible de présager de son avenir. Et c’est un peu le cas avec tous les talents de la nouvelle génération. Nous ne pouvons que lui conseiller de continuer à apprendre tout en s’amusant sur le vélo."
Un mot sur Laurens De Plus, qui n’a plus couru depuis le 10 avril (le Belge de 26 ans, qui souffre de surentraînement, est au repos forcé depuis le Tour du Pays basque) ?
"Nous ne savons jamais ce qui peut arriver dans la vie, cela s’est vu lors de la crise sanitaire. C’est un peu la même chose avec les coureurs professionnels et les sportifs de haut niveau en général. Quand quelqu’un ne va plus, vous devez juste lui apporter votre soutien en faisant bien attention aux facteurs humains. Nous n’avons aucune attente vis-à-vis de Laurens actuellement. La première étape est qu’il récupère complètement et ensuite il sera bien temps de penser à un retour à la compétition. Nous demandons tellement de sacrifices à nos coureurs qu’il est important d’opter pour l’attitude la plus humaine possible."
"Plus qu’un rêve de travailler avec Ineos"
Fondée en 1986, la société Bioracer s’est depuis distinguée par sa capacité à innover dans le domaine du vêtement cycliste. Cette recherche permanente d’innovation a forcément tapé dans l’œil d’Ineos-Grenadiers, équipe reconnue pour sa quête perpétuelle des gains marginaux.
"L'un des aspects les plus importants en termes de performance, ce sont les vêtements", reconnaît Dave Brailsford.
L'annonce de la collaboration de Bioracer avec Ineos-Grenadiers pour les trois prochaines saisons a forcément ravi Raymond Vanstraelen. "Je suis très fier de mon équipe. Devenir partenaire d'Ineos-Grenadiers, c'est plus qu'un rêve", se réjouit le fondateur de l'équipementier belge.
Fournir les maillots et cuissards de l'une des plus grandes équipes du monde va porter Bioracer dans une dimension mondiale. "Démarrer une collaboration avec Ineos-Grenadiers va nous faire grandir. Après avoir habillé des équipes nationales, nous avons pensé qu'il était temps de franchir cette étape. Le partenariat avec Ineos-Grenadiers est logique afin de renforcer davantage nos ambitions de croissance internationale sur des marchés comme le Royaume-Uni, l'Amérique du Nord et l'Amérique latine", assure Danny Segers, le CEO de Bioracer.