Des abonnements à 7 €? DIGI, le quatrième opérateur qui promet de “casser les prix” en Belgique, arrive très vite: ce qu’il faut savoir, en 4 points
Mobile, Internet fixe et même télévision digitale : l’opérateur roumain débarque cet été en Belgique avec la promesse, ambitieuse, de casser les prix sur un marché fossilisé. Un marché que Telenet, qui va débarquer en Wallonie, va aussi boulverser. Peut-on y croire ?
- Publié le 13-04-2024 à 07h13
- Mis à jour le 13-04-2024 à 07h24
Le constat est éculé : en Belgique, les Télécoms coûtent cher. Une antienne vieillotte, mais toujours d’actualité : fin 2023, l’IBPT, gendarme des Télécoms belge, le réitérait, nouvelle étude à l’appui. “Pour les profils qui nécessitent la téléphonie mobile avec 1.000 minutes et un faible volume de données (jusqu’à 5 Go par mois), le consommateur belge paie largement plus cher que ses voisins (France, Royaume-Uni, Pays-Bas, Luxembourg et Allemagne)”. C’est aussi en Belgique que les consommateurs qui souhaitent un forfait data très costaud (100 Go ou plus) paient le plus cher. Last but not least : la Belgique est “de loin le pays le plus cher pour les offres groupées 4P (comprenant l’internet, la télévision numérique, la téléphonie mobile et la téléphonie fixe), qui sont très populaires”, achevait l’Institut des télécommunications.
Cher, donc. Mais pourquoi ? L’une des raisons qui explique cet état de fait tient dans la structure du marché : en Belgique, seuls trois opérateurs sont actifs. Proximus, Orange et Telenet/Base. Il existe bien sûr une kyrielle d’opérateurs alternatifs, mais qui n’opèrent qu’en tant qu’acteurs virtuels (MVNO, pour Mobile Virtual Network Operators). On parle de Scarlet, Voo, Zuny, Mobile Vikings, Neibo, LycaMobile, etc. Mais ceux-ci sont dans un rapport de dépendance fort vis-à-vis de l’opérateur physique dont ils louent les infrastructures réseau. Être moins chers que le Big Three leur est possible. Casser les prix ? C’est nettement plus compliqué.
Le politique a perçu cet état de fait. Pris conscience du caractère fossilisé du marché belge. Et a donc agi pour qu’un quatrième opérateur, un vrai cette fois, disposant de son propre réseau physique (sites, antennes, mâts, pylônes, etc), déboule dans le Royaume pour dynamiser le marché et challenger le trio Proximus/Orange/Telenet-Base. Et ce momentum approche : le quatrième opérateur qui promet des “tarifs très attractifs”, arrive cet été 2024. Voici ce que vous devez savoir à son sujet.
1. Qui est DIGI, le quatrième opérateur belge ?
Digi Belgium a été créée l’année dernière quand la société roumaine Digi, en collaboration avec Citymesh, a acquis les droits d’utilisation du spectre nécessaires pour devenir le quatrième opérateur du pays. L’entreprise commune des deux sociétés proposera une offre de téléphonie mobile pour les particuliers sous la bannière Digi et une offre spécifique pour le marché des entreprises sous le nom de Citymesh.
L’entité Digi a été créée il y a 30 ans, en Roumanie, où il est devenu l’opérateur leader. C’est un peu le Dacia des télécoms, et l’on sait à quel point Dacia rencontre le succès. Son fondateur et principal actionnaire, Zoltán Teszári, est un ancien judoka. Qui a vite voulu internationaliser le groupe : l’opérateur est aussi présent dans le sud de l’Europe. En Espagne, il fait fort mal à Vodafone ou Movistar, à qui il prend des clients par centaines de milliers trimestre après trimestre, en tant que MVNO. Digi est aussi présent en Italie et se lance au Portugal. Au total, il revendique 22 millions de clients. Les destinations qu’il tente de conquérir sont soigneusement choisies : elles souffrent, pour la plupart, généralement d’une situation concurrentielle peu dynamique. Comme chez nous.
En Espagne, Digi s’est offert une visibilité sur la très populaire Liga de football : son logo est présent sur les vareuses du Rayo Vallecano ainsi que de l’Athletic Bilbao, par exemple.
2. Quels produits va proposer DIGI en Belgique ?
Le focus premier est très clair : son marché de cœur, ce sera le mobile. C’est le premier par lequel il entrera en Belgique, et ce sera son plus gros morceau. Mais DIGI entend proposer une offre complète. Il vendra donc, aussi, de l’Internet fixe, peut-être par l’entremise de la fibre (lire plus bas). DIGI lorgne également vers la télévision digitale, “mais probablement pas par le canal classique du décodeur", décrypte Kristof Van Ostaede, expert télécoms chez Test-Achats. "On s’attend davantage à des solutions sans machine, basées sur le streaming.” Notamment pour une question de facilités logistiques et de compression des coûts. “C’est un peu la même réflexion qui guidera le choix, ou non, de l’opérateur d’investir dans des boutiques physiques : “Il ne serait pas surprenant que DIGI s’en passe pour se concentrer vers une commercialisation essentiellement digitale. Même s’il n’est pas exclu qu’ils optent pour quelques points de vente dans des grandes villes, avec beaucoup de passage. Mais sur base de ce qu’ils ont montré ailleurs en Europe, l’expérience client en boutique n’est pas au centre de leur plan.”
Avec l'arrivée de Digi en Belgique et de telenet en Wallonie, la guerre des prix des Télécoms, en léthargie depuis des années, pourrait enfin être relancée...
3. Où est en DIGI, à quelques semaines de son lancement ?
Pour “couvrir” la Belgique mobile, DIGI doit investir quelque 5000 sites nationaux. C’est un chantier long de plusieurs années ! Pour accélérer les choses, surtout sur le mobile, Digi a conclu un accord avec Proximus. Le temps de bâtir son propre réseau, il se lancera en exploitant, durant cinq ans, celui de l’opérateur historique. Avant de s’en affranchir une fois son propre réseau sur pieds. “Difficile d'envisager un timing précis, mais on parle d’années”, nosu écliare Kristof Van Ostaede. À titre d’exemple, pour déployer la 4G à une couverture de 90 % en Belgique, il a fallu 4 à 5 ans”.
En attendant, Digi Belgium, pilotée par Jeroen Degadt, ex-Proximus, au titre de General Manager, embauche à tout va et affine ses offres commerciales. Le lancement est prévu à l’été, sans autres précisions à ce stade.
En marge, DIGI est déjà visible. À Bruxelles, depuis la fin 2023, camionnettes floquées et travailleurs ouvrent les trottoirs, afin de déployer un réseau de fibre optique. Les habitants de communes comme Anderlecht ou Schaerbeek ont déjà reçu le courrier du futur opérateur les informant des travaux, qui, pour certains, ont déjà été effectués. L’objectif est d’évaluer la faisabilité d’un réseau fibre densifié en Belgique, tant côté technique que côté coûts.
4. Que peut-on vraiment attendre de DIGI, côté tarifs ?
Même si ça ne devrait pas tarder, pour l’heure, DIGI garde secrets les tarifs qu’il pratiquera. Pour Kristof Van Ostaede, la lecture est simple : “Nous pensons que Digi va venir s’intercaler, niveau tarifs, entre Scarlet, qui est le moins cher, et l’offre des opérateurs traditionnels. Et qu’il va donc devenir un vrai challenger pour les opérateurs traditionnels. C’était un rôle qu’Orange prétendait jouer il y a quelques années”, pour perturber le duopole Proximus/Telenet, “mais qu’il a fini par abandonner pour devenir un troisième opérateur aux tarifs plus conventionnels et proches de ceux de Proximus ou Telenet, notamment depuis le rachat de Voo.”
D’autres observateurs sont plus optimistes. Petra De Sutter, Ministre des Télécoms, confiait à nos confrères de L’Avenir, que “Ce quatrième acteur va sans doute faire descendre les prix. Avec les enchères de la 5G, c’est un des éléments les plus importants de cette législature. DIGI a la réputation de casser les prix et les opérateurs voient ça d’un œil inquiet.” Un autre expert du secteur, contacté par nos soins : “s’ils viennent ici, ce n’est pas pour rire. Ils ont l’habitude d’aller vite et de taper fort. Reste à voir quelle sera leur capacité financière, dans un marché étriqué où ils vont devoir dépenser beaucoup d’argent pour capter de la part de marché, assez vite. Et où, au final, le leader, Proximus, est paré avec Scarlet et Mobile Vikings dans son portefeuille pour faire face…”
Les tarifs pratiqués par Digi en Espagne sont un élément d’indication. Leur offre mobile la plus accessible offre les appels et SMS illimités, avec 15 Go de data (5G) pour… 7 € par mois. Et l’offre la mieux dotée comprend 200 Go pour… 16 € par mois. Aucune offre, en Belgique, ne tient tête à ses tarifs. Sur l’Internet fixe, la fibre (1 Gbps) se monnaye, en Espagne, toujours, à 20 € par mois.
L'arrivée de Telenet en Wallonie en 2024, l'autre bonne nouvelle ?
Autre élément de contexte important : Telenet/Base, l’opérateur dominant en Flandre, détenu par rles Américains de Liberty Glbal, va attaquer frontalement le marché francophone, toujours en 2024. Le câblo d’origine flamande a conclu un accord de réciprocité avec Orange (qui a, pour rappel, racheté Voo). Conséquence ? Telenet va déployer, cette année, ses services fixes (internet, télévision) en Wallonie et dans les communes de Bruxelles où il n’est pas présent, élargissant son champ d’activité à un peu moins de 2 millions de foyers de plus. “Cette entrée massive de Telenet dans le sud du pays, où l’opérateur pourra devenir un opérateur 4P convergent puisqu’il détient déjà Base, va, aussi, dynamiser la concurrence. Et s’il arrivait au sud du pays au moment où Digi le fait également, cela pourrait donner un contexte de concurrence accru profitable au client.”
Alors, Digi, véritable price-killer ou non ? L’avenir tout proche le dira. D’ici là, une chose est sûre : la guerre des Télécoms est enfin sur le point de se réveiller, après des années de léthargie. Et ça, pour le consommateur belge, c’est toujours une bonne nouvelle.