Un OVNI nommé Medvedev
Le Russe a remporté le titre dimanche à Shanghai en laissant encore une fois l’impression d’un résultat inexorable.
- Publié le 13-10-2019 à 23h01
- Mis à jour le 13-10-2019 à 23h02
Le Russe a remporté le titre dimanche à Shanghai en laissant encore une fois l’impression d’un résultat inexorable. envoyé spécial en Chine Carole Bouchard Le logiciel Daniil Medvedev va être bien difficile à hacker dans les années qui viennent ! Dimanche, le Russe a remporté son troisième titre en six finales, son deuxième Masters 1000, en étrillant Alexander Zverev (6-4, 6-1). À la Race, il déloge désormais Roger Federer de sa troisième place grâce à cette première victoire sur Zverev à sa cinquième tentative. Rendez-vous compte que sur les neuf succès qu’il compte face à des joueurs du top 10, huit ont été décrochés dans les six derniers mois !
"Je suis un bien meilleur joueur aujourd’hui, c’est pour ça que cette fois j’ai réussi à le battre. Je ne me sens pas pour autant invincible, loin de là. J’ai eu un déclic lors de la tournée américaine, je ne sais pas pourquoi. Mais je comprends mieux mon jeu, je sais ce que j’ai à faire sur les points importants, tout est désormais plus clair."
Alors, disons-le de suite, cette finale ne laissera aucun souvenir dans la mémoire collective. Et encore, le score aurait pu être plus sévère puisque le Russe menait 3-0 dans le premier set avant de se prendre un peu les pieds dans le tapis face à la défense adverse. Mais deux doubles fautes de suite de Zverev à 4-5, 30A allaient résoudre le problème.
"Je suis sur la bonne voie mais ce n’est pas en jouant bien depuis une semaine que j’allais pouvoir le battre."
Si ce match ne sera jamais présent dans aucune liste de matchs cultes, c’est aussi parce que les styles de jeu des deux joueurs ne se marient pas du tout. Un constat bien dommage car, sur le papier, c’est une rivalité qui peut promettre mais, malheureusement, pour le moment il y a zéro étincelle. Pire, ils tendent à se faire mal jouer, à l’image de cette diagonale de coup droit franchement douloureuse à regarder. Medvedev devait enlever du rythme à Zverev pour le dérégler et s’imposer, devait lui mettre la pagaille dans les neurones : il a réussi, a encore exposé les lacunes du moment de l’Allemand, mais aux dépens du show. Zverev, lui, devait soit claquer des coups gagnants un peu partout, soit tenter sa chance au filet : il a échoué dans les deux et s’est retrouvé coincé dans un jeu de fond de court sans cadence, sans possibilité de briller, avec sa seule défense comme armure. Ce n’est la faute de personne, ça arrive souvent que deux jeux ne fassent pas bon ménage sur un court mais c’est toujours dommage entre cadors. Même leurs personnalités plutôt bouillantes ont réussi ce dimanche à s’éteindre mutuellement.
On reste épaté par la lucidité tactique de Medvedev dans toutes les circonstances, et on ne sent même pas trace de fatigue mentale ou physique alors qu’il est sur le pont semaine après semaine, à l’exception de la semaine passée avec son forfait à Pékin. À 23 ans, il capitalise sur une dynamique de rêve et prend ce qu’il y a à prendre avec une attitude en mode "business as usual" qui contribue aussi à glacer le sang de la concurrence. Quand il n’y a soudain aucune brèche dans le jeu, dans le physique et dans le mental alors c’est en face que la panique s’engouffre. "Mon but est de gagner tous les matchs que je joue, c’est comme ça aussi que j’aurais une chance de devenir n°1 mondial. Je n’ai pas la puissance d’autres joueurs, mais je joue avec ma tête, et ça fonctionne."
Combien de temps va durer l’état de grâce de Daniil Medvedev ? On le voit quand même mal dominer le circuit à la manière du Big 3 car son manque de percussion et la débauche d’énergie dont il a besoin devraient à un moment ouvrir des portes. Mais le matelas de confiance qu’il a accumulé devrait le tenir dans le haut de la mêlée jusqu’à la fin de l’année sans aucun souci.