Enfin de véritables joueurs de double: on vous présente les nouveaux de Coupe Davis
Sander Gille et Joran Vliegen constituent l’avenir du double belge en Coupe Davis.
- Publié le 27-03-2018 à 10h29
- Mis à jour le 27-03-2018 à 12h44
Sander Gille et Joran Vliegen constituent l’avenir du double belge en Coupe Davis. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Les forfaits de David Goffin et Steve Darcis ont donné de l’espoir à plusieurs joueurs belges qui rêvent d’être appelés dans la sélection de Coupe Davis qui sera dévoilée, ce mardi, par Johan Van Herck.
Sur un plan comptable, Ruben Bemelmans (ATP 113), Julien Cagnina (242), Arthur De Greef (249) et Christophe Heymans (267) pourraient légitimement revendiquer une place. Il n’en sera rien. Pour l’heure, seul Ruben Bemelmans est certain de sa sélection. Malgré son classement catastrophique, Joris De Loore peut se targuer de sa grande expérience du Saladier d’Argent. De Greef n’est pas sélectionnable et Heymans est un inconnu. Cagnina a été opéré de la main.
Un duo apporte une bouffée d’oxygène à une sélection peu emballante. Le droitier Sander Gille (27 ans) et le gaucher Joran Vliegen (24 ans) ont de très fortes chances de rafler deux places sur les quatre. Inconnus du grand public, les deux joueurs limbourgeois constituent notre meilleure chance pour le double. Depuis plusieurs mois, leurs noms circulent avec de plus en plus d’insistance, mais le capitaine ne les a toujours pas appelés.
Cachés au Tennisdel, ils martyrisent les balles avec le sourire. Ils servent très bien. Leurs retours sont bons. Leur jeu est agressif. Ils commencent très bien les points, sont très habiles à la volée et, surtout, se connaissent par cœur. Leurs automatismes rappellent de grandes paires de double que la Belgique n’a plus vues depuis longtemps.
"On a un plan sur chaque point, mais on garde une certaine liberté. Nous parvenons à anticiper la réaction de l’autre."
Les deux Limbourgeois sont déroutants. Leur parcours inspire le plus grand respect. Passionnés par le tennis, ils ont cherché leur meilleur terrain d’expression : le double. "Au début, nous jouions les tournois régionaux en double pour gagner un peu plus d’argent", reconnaissent-ils tous deux. "Les automatismes sont vite apparus."
Un autre constat implacable sautait aux yeux : Sander et Joran n’excellaient pas en simple. Vu leur ranking à l’échelle nationale, ils étaient trop courts pour espérer suivre la voie des Rochus et Darcis. "Pour moi, le choix a été aussi dicté par une grave blessure. En octobre 2016, je me suis blessé aux ligaments du bras gauche. Je n’avais plus aucune chance en simple", précisait Sander Gille.
Son acolyte, lui, avait souffert de blessures à l’épaule et au coude. "Mon classement de simple ne me permettait de jouer que des futures alors qu’en double je pouvais prétendre à des challengers."
Depuis plus d’un an, ils ne jouent plus qu’en double. Ce choix porte ses fruits à la lecture de leurs succès. Actuellement, ils figurent tous deux dans le top 100. "Nous remarquons surtout que nous progressons très vite. Notre potentiel est intéressant."
Ils ont garni leur vitrine de six trophées en challenger. "En 2017, nous avons remporté Trnava. En 2018, nous avons gagné à Lyon, Blois, Scheveningen et Tampere."
Cette année, ils ont ajouté Rennes et fait la finale à Quimper. "Nous avons remporté des futures et des challengers. Nous tenterons d’ici quelques mois de remporter des ATP 250."
La vie sur le circuit a déjà démarré grâce au tournoi d’Anvers. Dans l’ombre du tableau de simple, ils ont vécu un moment fort. "Nous avons sorti un beau match contre les frères Bryan."
L’actuelle saison constituera un nouveau tournant dans leur parcours. Classés 85e et 98e, ils doivent encore grimper dans la hiérarchie pour réaliser leur rêve ultime : participer au Grand Chelem. "En Grand Chelem, le cut tourne autour des 140, c’est-à-dire le cumul de nos deux classements. En Masters 1000, il faut carrément figurer dans les 80. On sent qu’on a le niveau pour les jouer."
Cette carrière sera encore longue. Sander Gille, 27 ans, se voit encore jouer une décennie si le corps le permet. Joran Vliegen, 24 ans, abonde en ce sens. "Nous ne nous mettons aucune limite."
De toute façon, ces diplômés universitaires possède toujours une belle porte de sortie en cas de coup dur. Néanmoins, Joran Vliegen se voit rester dans le tennis en empruntant par exemple le rôle de coach tandis que Sander Gille préfère garder pour lui ses différentes options de reconversion.
"Être en coupe Davis est un honneur"
Ils n’ont aucun piston pour entrer dans l’équipe.
Avant de vivre les Masters 1000 et les Majors, le duo belge pourrait découvrir le top niveau à l’occasion du quart de finale de Coupe Davis à Nashville (USA). "Nous regardons, comme tout le monde, les matches à la télévision. Cette compétition est passionnante et géniale", confie Sander Gille. "Nous espérons être repris pour les États-Unis. Nos noms circulent depuis l’an passé, mais nous n’avons pas encore reçu notre chance. Avec les forfaits de Goffin et Darcis, nous avons nos chances. Tout ce qu’on peut faire, c’est bosser et réaliser de bons résultats. La décision finale appartient à Johan Van Herck et au comité de sélection. S’il nous choisit, nous le prendrions comme un honneur."
Pour être honnête, Vliegen et Gille ne connaissent pas bien les membres et le staff de l’équipe belge. Ils n’ont jamais été tuyautés par l’un ou l’autre contact. "Nous avons vu Johan à deux reprises. Il était présent à Scheveningen pour voir Joris De Loore. En septembre 2017, il nous a demandé de jouer les sparrings lors d’une journée d’entraînement avant la demi-finale contre l’Australie. Nous avons croisé Goffin pendant deux minutes. On se parle avec courtoisie, mais on ne se connaît pas vraiment."
Depuis , la piste n’a pas été réactivée. "S’il nous appelle, on change notre programme pour nous rendre disponibles. Lors du premier tour, nous y avons cru, mais l’appel n’est jamais venu. En quart, seul Bemelmans est incontournable. Nous préférons ne pas trop y penser pour rester concentrés sur notre plan de carrière."
"Le prize money est notre seul salaire"
Sans subsides de la fédération et sans sponsors, ils sont contraints à remporter des matches pour poursuivre l’aventure
Quand vous sortez des sentiers battus, un monde de la débrouille s’ouvre à vous. Sander Gille et Joran Vliegen ne reçoivent pas le moindre subside. Ils n’appartiennent ni au giron des fédés ni à des académies privées. Ils galèrent pour dénicher des sponsors et des fonds.
"Nous avons quand même des sponsors raquette et vêtements (Wilson et Chinacure)", confient-ils.
Aucun mécène ne les a pris sous son aile. Ces indépendants du tennis ne cherchent pas pour autant à susciter la pitié. Ils financent leur campagne sur la seule base de leur prize money et donc de leur réussite sportive.
"Nous ne perdons pas d’argent sur une année car nous gagnons beaucoup de matches. Imaginons que nous perdons au premier tour durant plusieurs semaines, nous ne nous en sortirions pas avec 200 euros. Nous dépendons de nos résultats, mais nous le vivons bien", sourit Joran Vliegen.
Loin des hôtels étoilés, des grands restaurants et des compagnies aériennes de luxe, le binôme pèse chaque euro avant de le dépenser. Ainsi, le transport est assuré par une compagnie low cost. Le logement se trouve via des plans B. "Nous essayons aussi de rester en Europe afin d’éviter les grandes dépenses. Nous ne voyageons qu’à deux afin d’éviter les frais. Notre entraîneur Dries Beerden reste donc en Belgique."
Sur une année, Vliegen et Gille, férus de terre battue, vivent en moyenne 30 semaines à l’étranger. "Nous essayons d’enchaîner trois semaines de tournoi et une ou deux semaines d’entraînement à Genk. En double, on peut se permettre plus de tournois."
Une rencontre inéluctable
Leur trajectoire est si semblable qu’ils devaient s’unir sur un plan sportif
L’un et l’autre se marrent quand ils évoquent leur première rencontre car ils n’en ont pas le moindre souvenir. Joran Vliegen se risque à une réponse approximative. "On devait sûrement se croiser sur les tournois régionaux."
Sander Gille estime qu’ils se connaissent depuis 13 ans. "Nous nous entendions bien. Nos trajectoires similaires nous ont rapprochés. Nous avions le même niveau, juste un peu courts pour les simples. Nous avions cette même envie d’obtenir un diplôme universitaire afin d’avoir un plan B après nos carrières."
Si un joueur de simple peut se sentir seul au quotidien, il en va différemment pour la paire belge. "Nous nous entendons bien. Nous passons notre temps ensemble. Nous ne sommes pas semblables pour autant. Nos caractères sont différents. Nos émotions après une rencontre aussi ."
Vliegen : latin-math, puis... tennis
Joran Vliegen a toujours privilégié sa formation intellectuelle. Il n’était pas formaté pour vivre du tennis. Certes, son frère Warre joue au volley-ball. Certes, son papa taquine aussi un ballon de volley-ball à ses heures perdues. Certes, ses parents enseignent l’éducation physique. À 11 ans, il ignore la raison qui l’a poussé à suivre la voie du tennis. Inscrit en latin-math, il a commencé à 6 ans ses entraînements de tennis à hauteur de 8 à 10 heures par semaine.
Passé par le Boneput de Bree avant qu’il ne se transforme en Académie Clijsters, il s’est développé au Tennisdel de Genk dans la Wilson Tennis Academy. Conscient qu’il ne figurait pas dans le top 3 junior national, il a quitté le pays à l’aube de ses 18 ans. "Si j’étais resté en Belgique, j’aurais dû arrêter le tennis pour m’inscrire à l’université." Il a donc pris la direction d’une université en Caroline du Nord, où il a été diplômé en business management. De retour en Belgique, il a remis une partie de sa destinée sportive entre les mains de son ami de longue date, Sander Gille. Depuis 3 ans, ils jouent à 100 % la carte du double.
Gille : un touche-à-tout
Aucun membre de sa famille ne jouait au tennis. Doué en tennis, football, gymnastique et natation, il a exploré toutes ces voies sportives jusqu’à 14 ans. "Pourquoi le tennis ? Je ne sais pas", sourit cet habitant de Runkster, un petit village à côté d’Hasselt. Il est resté dans son club local jusqu’à 17 ans. Comme Joran Vliegen, il avait vite compris que son niveau était insuffisant pour tenter la grande aventure de l’ATP.
Il s’est exilé aux États-Unis pour combiner l’université et le tennis à un haut niveau. "Non seulement j’ai obtenu mon diplôme de management marketing , mais, en plus, j’ai si bien progressé aux States que j’ai décidé de poursuivre le tennis lors de mon retour en Belgique à 21 ans." Il a pris la direction de Bree chez Kim Clijsters avant de rejoindre le Tennisdel de Genk, il y a trois ans. "Je m’entraîne tous les jours ici avec Joran, car le club est situé entre nos deux maisons. En plus, nous avons tout ici : terrains en terre battue, en dur, fitness…" conclut celui qui peut compter sur l’appui de sa petite amie Emma, qui est série A et qui le comprend mieux que quiconque.