Retour là où tout a commencé pour Elise Mertens
- Publié le 24-01-2018 à 10h23
- Mis à jour le 24-01-2018 à 10h26
Jean-Paul de Graaf, le président du TC Hamont-Achel, a été le premier à déceler la destinée exceptionnelle de Mertens Les yeux rivés sur le match opposant Caroline Wozniacki à Carla Suarez Navarro, il est accoudé au comptoir du club house du Tennis Club de Hamont-Achel. Jean-Paul de Graaf, 61 ans, ne perd pas une miette de ce quart de finale. Quelques heures plus tôt, il s’était levé en pleine nuit pour regarder la victoire éclatante d’Elise Mertens.
Il est un homme heureux, mais il ne cherche pas à recueillir la gloire qui tombe soudainement sur ce petit village de 14.000 habitants, situé au fin fond du Limbourg.
"Je suis certain qu’elle va gagner le tournoi" dénommée Elise Mertens. "Elle avait 4 ans. Elle habitait à 100 mètres du club", se rappelle ce juge de ligne national qui a découvert le tennis à 34 ans seulement. "Elise est restée durant près de 3 saisons ici."
Avant de rejoindre le Boneput de Clijsters, le club de Maaseik avec Tom Devries ou encore l’académie de Mouratoglou à Paris, Elise Mertens est née tennistiquement à Hamont-Achel dans un anonymat généralisé.
"Elle venait simplement jouer avec sa grande sœur Lauren et ses parents. Sa sœur jouait bien, mais elle est devenue commandant de bord chez KLM."
Club familial de 400 membres, le TC Hamont-Achel pourra s’enorgueillir d’avoir assisté à l’éclosion de la digne héritière de Clijsters et de Henin. Jean-Paul de Graaf l’avait bien compris. "À 8-9 ans, j’avais remarqué sa capacité à se déplacer efficacement. Physiquement, elle était très solide. Elle s’entraînait toujours plus longtemps que les autres filles de son âge."
Un jour, il s’est inscrit dans un tournoi de double mixte avec la demi-finaliste de l’Open d’Australie. "Nous avions perdu au tie-break, mais ce n’était pas de sa faute (rires). Sinon, elle n’a jamais participé à un tournoi chez nous car elle était trop forte."
L’homme fort du club n’oubliera jamais le sourire discret de la jeune enfant. Il retrouve cette timidité quand il la voit aujourd’hui à la télévision.
"Elle est très calme. Elle réfléchit beaucoup. Elle ne cherchera jamais à attirer la lumière", poursuit l’homme de 61 ans qui a atteint le classement de C15.4 lors de ses plus belles années.
Après son passage dans le club de son village, Elise Mertens a vite grandi. Malgré les différents lieux de formation qu’elle a fréquentés, elle est restée fidèle à son premier club.
"Encore aujourd’hui, elle revient facilement à son premier club. Quand elle est en Belgique, elle passe toujours nous voir. D’ailleurs, elle s’entraîne toujours sur le terrain 4, c’est-à-dire le terrain indoor le plus loin du club-house."
Ainsi, elle peut s’entraîner discrètement. À son image. "Elle recherche le calme et sa simplicité."
Même si le TC Hamont-Achel compte 400 membres dans sa famille, elle s’y sent bien. Ici, personne ne bouscule sa tranquillité même si lundi une certaine effervescence régnera dans le Limbourg.
La commune a déjà pris contact avec le club pour fêter le retour - le plus tard possible - d’Elise. "Nous nous rendrons en autobus à l’aéroport."
Elle deviendra la citoyenne la plus connue d’une petite commune de 14.000 âmes qui a engendré d’autres stars comme Marc Emmers et Jelle Vanendert.
"Je suis certain qu’elle va gagner le tournoi"
Il connaît le circuit et Elise sur le bout des doigts. Il la voit un jour Top 3
En Belgique, deux personnes sont incollables sur la carrière d’Elise Mertens : Robbe Ceyssens et Jean-Paul de Graaf.
Le président du TC Hamont-Achel épluche les médias tous les jours afin de découper la moindre ligne qui relate les performances de sa voisine de rue.
En plongeant dans sa farde, il nous sort une pile de feuilles qui reprend tous les résultats de tous les matchs d’Elise ainsi que quelques photos, dont une de sa victoire finale lors de l’ITF de Mexico en 2013.
En tant que juge de ligne, il l’a même accompagnée de Nuremberg à Rosmalen en passant par le Luxembourg, New York, Paris ou encore Lanzarote. "J’ai même raccordé ses raquettes pendant 10 ans. Je me souviens qu’un soir elle m’en avait apporté 14 que je devais avoir finies avant son départ le lendemain à 7h du mat’."
Fort de toute son expertise sur la Limbourgeoise et sur le circuit WTA, il l’affirme haut et fort : "Elle va gagner le tournoi. Je suis très content qu’elle joue Wozniacki en demi-finale. Elle a le jeu qui lui correspond. Je la vois non seulement dans le Top 10 mondial, mais elle pourrait également monter sur le podium."
Il ne prononce pas la phrase en l’air. Dans la foulée, il se lance dans un plaidoyer convaincant. "Si elle se maintient, elle sera dans le Top 3 car elle s’amuse avant tout. Elles veulent toutes gagner, mais Elise le veut vraiment. Elle est forte mentalement. Elle peut gérer les conditions de stress. Elle possède un jeu complet sans aucune faille. Son revers est magique. Elle est comme un mur, ce qui a le don de désespérer ses adversaires. Cette fille n’a aucune faille."
Il poursuit sa démonstration. "Elle ne se blesse jamais. Physiquement, elle est très solide avec son mètre 79 pour 62 kilos."
Si sa prédiction se vérifie, il a conscience qu’Hamont-Achel deviendra un lieu de pèlerinage. "Vous savez, dans le nord du Limbourg, nous sommes des gens calmes. Nous ne changerons pas de sitôt."
Kim Clijsters avait déjà placé le Limbourg sur la carte de la WTA. Elise Mertens rafraîchit les mémoires une décennie plus tard. Le TC Hamont-Achel va subir quelques réaménagements pour moderniser le domaine qui comporte 4 terrains indoor en terre battue posée sur un revêtement rapide et 6 terrains outdoor. "L’orage de la semaine passée a détruit nos grillages. Il y a aussi le 7e terrain qui se situe en face chez le docteur."
Le club house est orné de portraits de Rafael Nadal et de Roger Federer. À n’en pas douter, ils seront vite remplacés par ceux d’Elise Mertens.
"Avant, elle était colérique"
Elise Mertens a gagné à Melbourne le respect des journalistes étrangers qui ne la connaissaient pas encore. Parmi les qualités souvent soulignées, sa force mentale figure en haut de la liste.
"Elle n’a pas toujours été ainsi. Il y a même un monde d’écart. Avant, elle était colérique. Aujourd’hui, elle brille par son calme qui vient de son papa. Sa maman est plus nerveuse. Aujourd’hui, son papa ne travaille plus, mais il a construit durant longtemps des chaises d’église, juste là derrière", dit-il en montrant la maison d’Elise de l’autre côté de la plaine de jeu de la crèche.
"Il y a dix ans, on m’a ri au nez"
Jean-Paul de Graaf a l’habitude de voir des champions à l’œuvre. Juge de ligne, cet ancien travailleur à la brigade des contrôles de billet dans les trains en connaît un rayon sur les jeux de jambes du circuit. Elise Mertens sortait du lot. "Quand elle avait 12 ans, j’ai dit qu’elle serait un jour Top 10 mondial. Pendant ses matches, je voyais ses déplacements, son jeu de jambes. C’était une évidence."
Il y a trois ans, il a profité de voir Dominique Monami au tournoi challenger de Mons pour apostropher la capitaine de Fed Cup. "Je lui ai dit qu’Elise serait un jour dans le Top 10 mondial. Elle m’a regardé et a souri."
"Robbe l’a rendue plus agressive"
Elise et Robbe forment un merveilleux couple côté scène et côté coulisses
Derrière la réussite sportive d’Elise Mertens se cache Robbe Ceyssens. Entraîneur et compagnon de la native de Leuven, il comprend mieux que quiconque sa protégée.
Tous deux se sont rencontrés à Hamont-Achel sur un terrain de tennis. A l’époque, Robbe Ceyssens est membre d’un club situé à un lob de celui d’Elise. Il jouait à Peer, à 15 kilomètres. "Ils se sont croisés dans mon club avant de se perdre de vue quelques années. Ils se sont retrouvés. Depuis 2 ans, ils forment un merveilleux couple", narre Jean-Paul de Graaf.
Mélanger travail et vie privée s’assimile à un casse-tête pour beaucoup. Eux deux, ils échappent à la règle.
"Robbe est extraordinaire. Avant, Elise était une excellente joueuse en défense. Robbe a vite compris qu’il devait lui imposer de jouer vers l’avant. Il l’a rendue plus agressive. Comme elle comprend vite, elle a vite assimilé ses conseils. Il l’a fait jouer en double, ce qui explique son efficacité à la volée. Lors de son quart de finale à l’Open d’Australie, elle a réussi énormément de volées. Je ne l’avais jamais vue jouer à ce niveau."