Les grands empires financiers du sport mondial (épisode 8): Robert Kraft aime ses Patriots : “Je ne vendrai jamais cette équipe”
Entreprises ou dirigeants richissimes, ils tissent leurs toiles dans le monde sportif. Aujourd’hui : Robert Kraft, le patron du Kraft Group, d’une équipe de NFL et d’une autre de MLS.
- Publié le 04-01-2024 à 14h16
- Mis à jour le 05-01-2024 à 14h13
Quel est le point commun entre LU, Oreo, Milka, Côte d'Or, Carte Noire, Del Monte, Toblerone, Chips Ahoy, les New England Patriots et le New England Revolution ? Si on a pu en retrouver beaucoup d’exemplaires en dessous des sapins à travers le monde, ce qui provoquera bientôt l’une ou l’autre visite chez un dentiste, il y a toutefois le Kraft Group, même plutôt un homme, à la tête de tout ça : Robert Kraft. Le businessman a fait fortune en reprenant l’entreprise d’emballage de son beau-père qu’il a continué à développer, tout en diversifiant ses investissements, notamment en immobilier.
Ce n’est pas pour rien que Robert Kraft pèse maintenant plus de onze milliards de dollars. Mais la grande passion du Massachusettais pur jus, c’est le sport. Il a commencé en investissant en 1975 dans les Boston Lobsters (les homards de Boston), une équipe de la World Team Tennis (WTT), où ont notamment joué Billie Jean King et Martina Navratilova. “J’ai beaucoup appris sur la manière de diriger une équipe sportive, rembobine Kraft. Nous avons joué à la Walter Brown Arena, qui fait partie de l’Université de Boston. L’université avait obtenu le parking, les concessions et les revenus du sponsoring. Tout ce que j’avais, c’était les revenus des billets. J’ai réalisé que si jamais j’avais le privilège de posséder une équipe, je m’assurerais de contrôler le stade et toutes les différentes parties de celui-ci.”
"Je rêvais de disputer des playoffs à domicile, d'aller au SuperBowl et de le gagner."
Ce n’était qu’un coup d’essai. L’homme a toujours lorgné sur les New England Patriots. Robert Kraft avait un plan réfléchi sur le long terme. L’Américain était abonné aux Patriots en 1985 lorsqu’il s’est mis en tête de se porter à la tête de son équipe préférée. Petit à petit. L’octogénaire s’est emparé en premier lieu des parkings autour de l’ancien et vétuste stade de Foxborough, d’abord en les louant puis en les achetant. Il a ensuite racheté le stade et, fort logiquement finalement, il a racheté les Patriots. “J’étais dans les tribunes et je rêvais d’un jour acheter cette équipe et de la diriger comme je le voulais, se souvient Kraft. Je rêvais de disputer des playoffs à domicile, d’aller au SuperBowl et de le gagner.”
Et dire que certains le traitaient de fou lorsqu’il a sorti 175 millions de dollars de son chéquier pour James Orthwein, en 1994, afin de réaliser l’opération, ce qui empêchait de facto la délocalisation à St Louis. Il faut dire que l’équipe n’en menait pas large et était la risée de la NFL. Mais la passion s’est montrée plus forte. Et l’avenir prouvera que Robert Kraft avait raison. Six fois plutôt qu’une.
On ne réussit pas dans les affaires sans être un minimum intelligent. Robert Kraft sait s’entourer des personnes les plus aptes à l’aider à réaliser son objectif. Kraft va donc chercher Bill Belichick pour occuper le poste d’entraîneur-chef et la chance ou le talent voudront que cela coïncide justement avec les débuts du quarterback légendaire Tom Brady. Ensemble, ils bâtiront sans doute la plus grande dynastie de l’histoire qui a duré presque vingt ans, avec six SuperBowl à la clé.
Mais Kraft est un amoureux du sport et n’hésite pas à mettre la main à la pâte pour toute la Ligue. Il trouve ainsi une solution lors du lock-out (arrêt de travail) de 2011. “Sans lui, le deal n’aurait pas pu être trouvé, dira même Jeff Saturday, alors joueur des Colts. Il a aidé à sauver le football.”
Trente ans après sa prise de pouvoir, les Patriots sont maintenant valorisés à sept milliards de dollars, soit la deuxième équipe de la Ligue, même si les résultats depuis le départ de Tom Brady ne sont pas à la hauteur des années de gloire au début du siècle. “Je ne vendrai jamais cette équipe et j’espère que mes enfants continueront ainsi, expliquait Kraft en octobre. Cette équipe aide à construire une communauté. Cela permet de rassembler des gens de tous horizons. Je repense à l’époque où nous avons eu le privilège de remporter notre premier SuperBowl, trois ou quatre mois après le 11 septembre. À Boston, une ville de 600 000 habitants, un million et demi de personnes sont descendues dans les rues par une journée très froide. Noirs, blancs, asiatiques, gays, de toutes origines : tous donnent la priorité à l’équipe de la communauté. C’est un privilège et un honneur. Donc, je considère cette équipe comme un atout et je ne la vendrai jamais.”
Pas de révolution avec les Revs
Le football à la sauce américaine n’est pas le seul dans lequel Robert Kraft a mis quelques deniers. Lorsque la World Cup 94 fait étape dans son stade, l’Américain remarque l’engouement suscité par ce sport. Et lorsque la nouvelle Major League Soccer est lancée, sur instance de la Fifa, Kraft saute sur l’occasion pour créer le 6 juin 1995 le New England Revolution, qui fait donc partie des dix pionnières de la saison 1996. Kraft avait mis alors aux alentours de 25 millions de dollars sur la table. Mais il savait que cela mettrait plusieurs années avant d’avoir un retour sur investissement. “Nous pensons sur le long terme”, disait-il alors.
Malgré cinq participations à la finale de la Coupe MLS, couronnant le champion nord-américain, l’armoire à trophées du club ne renseigne toujours qu’une coupe des États-Unis (2007) et un Supporters' Shield, trophée récompensant les équipes ayant obtenu le plus de points au terme de la saison régulière (2021), remporté notamment par le Brugeois Tajon Buchanan. Tout en devant partager son stade avec les Patriots. Certains fans réclament le départ de Robert Kraft du club où joue le Belgo-Vénézuélien Christian Makoun. On ne peut pas avoir du succès dans tous les sports, même si Forbes valorise maintenant les Revs, qui pourraient avoir leur propre stade dans la région de Boston, à 475 millions de dollars…
"Combattre l'antisémitisme sera l'action la plus significative et la plus épanouissante de ma vie."
UFC et e-sport
Pour s’occuper des affaires sportives, Robert Kraft a donc fondé en 1998 le Kraft Group. L’entreprise est aujourd’hui valorisée à huit milliards de dollars. Il faut dire qu’elle possède aussi des parts dans l’organisation de combats UFC ainsi qu’une organisation d’e-sport réputée outre-Atlantique, Oxygen Esports.
L’Américain pourrait se reposer sur son succès dans les affaires et à la tête des Patriots mais l’homme aime sa région et se montre très impliqué dans sa communauté. Il n’hésite pas à prendre la parole lorsqu’une tuerie survient et a donné, en 30 ans, plus de 800 millions dollars à des œuvres de charité, avec un accent sur les soins de santé, la recherche sur le cancer, la culture juive et le dialogue interreligieux. Par les temps qui courent, ce n’est en effet pas de trop. De plus, Kraft a fondé la Reform Alliance, une organisation de réforme de la justice pénale. Et s’il fallait montrer qu’il songe à ses compatriotes : il a envoyé son avion privé en Chine pendant la pandémie pour aller chercher 1,2 milliard de masques alors que les États-Unis peinaient à s’approvisionner.
L’Israélite, à 82 ans, est préoccupé par l’état actuel du monde. Lui dont le père aurait aimé qu’il devienne rabbin a ainsi donné début décembre 200 millions de dollars à des œuvres de charité qui combattent l’antisémitisme aux États-Unis. “Combattre cette haine sera l’action la plus significative et la plus épanouissante de ma vie”, assure-t-il.