Infrastructures, violence, développement et rêves de NHL : état des lieux du hockey sur glace en Belgique
La Stanley Cup vient de couronner les Golden Knights de Las Vegas. S’il n’y a pas de Belges dans l’effectif, on peut en rêver.
- Publié le 15-06-2023 à 07h25
La météo, en ce moment, incite à pousser la clim à fond. Autant alors se rapprocher d’une patinoire. Cela tombe bien : la Stanley Cup, soit la finale du championnat nord-américain de hockey sur glace, vient de couronner les Vegas Golden Knights, vainqueurs des Florida Panthers. En Belgique, le sport grignote des adeptes. “Ce n’est pas le plus grand sport ou le plus connu mais il faut noter un développement positif”, entame Marc Verlinden, vice-président de la Royal Belgian Ice Hockey Federation et responsable du développement.
3 000 licenciés en Belgique
On est loin des chiffres du football (plus de 500 000) et même du cousin éloigné, le hockey sur gazon (52 000). Toujours est-il qu’en Belgique, près de 3000 joueurs ont une licence. “On constate une augmentation du nombre de pratiquants, sourit Claudy Dujeux, président des Red Roosters, le club de Charleroi qui compte sur 250 à 350 membres. 3000, c’est un chiffre normal si on compare le nombre de clubs et les infrastructures.”
Président des Bulldogs de Liège qui ont remporté les quatre titres en jeu cette saison dont la Beneleague, Olivier De Vriendt ne peut que baigner dans une douce euphorie. “Nos équipes commencent à devenir compétitives notamment vis-à-vis des Pays-Bas, explique-t-il. On n’a jamais été à un tel niveau depuis 30 ans.”
Manque criant d’infrastructures
Cela ne vous aura pas échappé : pour s’adonner au hockey sur glace, il est primordial d’avoir accès à des patinoires, peu nombreuses. “Le problème majeur du sport en Belgique est lié au manque d’infrastructures, reconnaît Marc Verlinden. Si nous pouvions compter sur plus de patinoires, nous aurions plus de membres et nous pourrions développer les talents. En Belgique, 90 % des patinoires sont situées en Flandre mais elles sont issues d’investissements privés. Le prix de construction peut jouer. Je pense que pour une patinoire simple, c’est entre quatre et six millions mais on peut tripler ce montant pour construire l’infrastructure autour, avec des tribunes. Il faut investir, tout simplement. Mais, j’en conviens : le prix peut limiter les volontés.”
L'avenir du hockey dépendra du politique...
En Belgique francophone, il y a les patinoires à Charleroi et Liège mais aussi celle, plus modeste, de Tournai. “C’est le frein principal au développement pour le hockey sur glace, en Wallonie ou en Flandre, regrette Olivier De Vriendt. On a besoin d’une infrastructure significative qui demande un investissement assez lourd. C’est un travail mais pour développer le sport, on a besoin d’infrastructures.”
Ce qui fait dire à Claudy Dujeux que “l’avenir du hockey sur glace en Belgique dépendra de la volonté politique.” “C’est toujours une préoccupation de tous les clubs de pouvoir bénéficier d’un soutien public, en particulier, pour le développement des jeunes”, renchérit Olivier De Vriendt.
Un sport majoritairement néerlandophone
Sur les quinze clubs recensés sur le site de la Fédération, seuls Charleroi et Liège représentent la Wallonie. “C’est un sport qui se pratique très fort le long de la frontière néerlandaise, constate Olivier De Vriendt. Dans notre équipe, nous avons une série de néerlandophones, sans aucun problème. C’est assez merveilleux dans cette discipline : on est tous mû par la même passion du sport. On sait que c’est un petit sport en Belgique malgré tout. Ce sont des gens qui ont la même passion. Les petites guéguerres belgo-belges, on les oublie.”
Moins de Francophones ? Marc Verlinden impute ce fait au manque d’infrastructures : “On ne peut pas dire que ce sport soit plus néerlandophone que francophone. Il y a plus de membres en Flandre, certes, mais c’est lié au nombre d’infrastructures. S’il y en avait plus en Wallonie, il y aurait plus de pratiquants.”
Les petites gué-guerres belgo-belges, on les oublie.
Courtrai, Herentals, Gand, Hasselt, etc. : faites votre choix, mais vous ne trouverez rien à Bruxelles ! “Au niveau des clubs, il y a la dorsale Anvers-Liège, observe Claudy Dujeux. En Belgique, le hockey sur glace est un sport national, avec une douzaine de patinoires sur le territoire. On ne peut pas régionaliser ce sport. “
Qualités techniques et physiques
Première qualité pour un hockeyeur sur glace : il faut savoir patiner. Blague mise à part, ce n’est évidemment pas tout. “Il faut savoir glisser, il y a de la vitesse, il faut de la technique, manier la crosse et être collectif”, relève le président des Red Roosters.
Olivier De Vriendt met l’accent sur deux qualités : “Il ne faut pas avoir peur de s’engager mais, avant tout, il faut une super technique. C’est un sport qui est extrêmement exigeant physiquement; il faut avoir une bonne condition physique. Les joueurs restent 45 secondes sur la glace et puis sont changés. C’est un sport extrêmement rapide. Avoir une bonne vision du jeu, c’est très important et il faut aussi une forte capacité de concentration.”
Une image violente
Le hockey sur glace véhicule une image de sport violent. Si les bagarres spectaculaires outre-Atlantique ou les mises en échec peuvent impressionner, il convient de relativiser. “C’est un sport qui est avant tout technique, remarque Olivier De Vriendt. Au niveau de la Fédération internationale et même en NHL, il y a un virage vers un hockey de plus en plus technique. On supporte de moins en moins les accrochages, on pénalise les joueurs qui sont coupables de fautes. On a un sport spectacle total, de plus en plus.”
Les médias, friands d’images spectaculaires, participent à la stigmatisation du hockey sur glace. “On est très bien protégé de la tête aux pieds, constate Claudy Dujeux. Les accidents ne sont pas nombreux et les fractures sont rares, même si cela reste un sport spectaculaire. N’oublions pas qu’il y a du hockey loisirs, sans contacts ; c’est récréatif.”
Cotisation raisonnable et prêt du matériel
Casques, gants, crosse et autres protections : serait-ce onéreux de jouer ? “Les cotisations ne sont pas énormes, entre 300 et 500 euros selon les catégories d’âge, affirme Claudy Dujeux pour les Red Roosters. Mais dans notre école de hockey, on ne paie pas la première année. Le matériel, on le prête souvent au début, pour les enfants jusqu’à douze ans.”
Les Bulldogs prêtent aussi du matériel : “Jouer, ce n’est pas gratuit mais cela ne coûte pas plus cher qu’ailleurs, objecte Olivier De Vriendt. Au niveau des Bulldogs, on a une école pour accueillir les petits, les débutants. À ce moment, ils n’ont pas besoin d’acheter un équipement, pas besoin de payer une cotisation. Ils prennent un petit abonnement. On essaie d’attirer les jeunes avec une formule très démocratique.”
Développement de la jeunesse
Le hockey sur glace attire en tout cas les jeunes. “Chaque année, on a des nouveaux jeunes, s’enthousiasme Olivier De Vriendt. On peut commencer le sport à trois, quatre ans. C’est idéal en termes de psychomotricité et d’équilibre. C’est de plus en plus populaire. On a lors de nos matchs souvent plus de 1000 personnes, voire 1500 personnes.”
Les Bulldogs veulent capitaliser sur leur succès pour former les joueurs de demain. “Aujourd’hui, on pense au développement des jeunes. L’objectif est de les porter vers cette équipe-là. On a créé il y a à peu près sept ans un sport études, en collaboration avec l’Athénée Royale Liège Atlas. On a à peu près 25 jeunes qui pratiquent le hockey sur glace quatre à six heures en plus que leurs cours avec les Bulldogs. Il faut rester humble par rapport à notre niveau. On est un club formateur.”
Quand un de nos compatriotes s’envole vers une compétition plus huppée, c’est un succès indéniable pour tout le hockey sur glace belge. “C’est une fierté pour nous; cela montre que nous sommes dans la bonne voie en termes de développement des jeunes.”
Un avenir international
Le hockey sur glace belge est un peu à l’étroit dans nos frontières. Ce n’est pas pour rien que la Beneleague, remportée par les Bulldogs a été lancée. Et, la semaine dernière, on a appris que deux équipes allemandes (EHC Neuwied et Diez Limburg) rejoindraient la compétition la saison prochaine. “Avant, nous étions le petit frère des Pays-Bas mais ce n’est plus le cas maintenant, sourit Marc Verlinden. Que des équipes allemandes rejoignent la Ligue, c’est une étape supplémentaire dans le processus de développement. Et les portes sont ouvertes afin que d’autres clubs de pays différents rejoignent la Ligue.”
L’avenir du hockey sur glace en Belgique ne donne pas froid dans le dos. “Aujourd’hui, on est toujours un sport amateur, admet Olivier De Vriendt. Qui sait si demain on ne deviendra pas semi-pro ou quelque chose comme ça ? Cela nécessite des moyens, un puit de joueurs. Donc on essaie d’avoir de plus en plus de compétitions avec l’international. Nous, on joue aussi la Coupe d’Europe depuis l’année passée. Cela donne énormément d’expérience aux joueurs et permet de faire évoluer le niveau en Belgique.”
Sponsoring : c’est difficile
Si quelques familles connues dans le bassin carolo mettent la main au portefeuille pour soutenir les Red Roosters, il n’est pas simple d’en attirer. “Ce n’est pas si facile d’attirer des sponsors, constate Olivier De Vriendt qui peut compter sur l’image positive apportée par les succès des Bulldogs. Cela reste important pour soutenir les clubs et on en cherche. On est aussi attentif à avoir des petits sponsors, les plus petites sociétés.”
La NHL, une chimère ?
Le rêve ultime pour tout amateur de hockey sur glace, c’est d’évoluer en NHL. Wouter Peeters avait été repêché par Chicago mais sans qu’il joue dans la Grande Ligue. “Il faut de la volonté pour percer au plus haut niveau”, remarque Claudy Dujeux.
Même quand on vient d’un pays où le hockey sur glace est un sport majeur, ce n’est pas simple de percer. “C’est possible mais on parle au Canada d’un joueur sur 1000 qui arrive à percer en NHL, note Olivier De Vriendt. Il y a des niveaux intermédiaires qui sont valorisants pour les joueurs. La NHL, c’est le graal évidemment. Il faut beaucoup de supports, familial en particulier.”