La course à pied comme ascenseur social
Le running est-il une arme efficace pour lutter contre la grande pauvreté ? Beaucoup de gens en sont persuadés. Mais attention aux dérives !
- Publié le 07-11-2019 à 17h10
- Mis à jour le 08-11-2019 à 15h05
Le running est-il une arme efficace pour lutter contre la grande pauvreté ? Beaucoup de gens en sont persuadés. Mais attention aux dérives ! Une très curieuse histoire est survenue lors du dernier marathon de Londres au mois d’avril 2019 : celle du dossard 35179.
Au départ, ce dossard était porté par un banquier de la City, un certain Jake Halliday (28 ans), qui le perdit en traversant le Tower Bridge aux alentours du 19e kilomètre. Poussé par le vent, ce dossard arriva aux pieds de Stanley Skupien (38 ans) qui eut l’idée de se l’épingler sur le torse et de se glisser dans le peloton. Sans dossard, Jake Halliday fut finalement mis hors course par deux commissaires au kilomètre 40. Tandis que Stanley Skupien rejoignait tranquillement l’arrivée. "Je voulais la médaille", a-t-il expliqué.
Certes, il ne l’avait pas tout à fait méritée puisqu’il n’avait couvert qu’un peu plus de la moitié de la distance. N’empêche ! C’était sans préparation, sans entraînement et sans équipement spécifique. Une telle performance attira évidemment l’attention des médias et Stanley Skupien eut ainsi son fameux "quart d’heure de célébrité" que l’artiste Andy Warholl promettait à tout homme dans les années 60. Bien que sans-abri, on apprit ainsi qu’il était un sportif assidu et que les employés de l’aéroport de Heathrow où il dormait parfois l’avaient surnommé "The Jogging Tramp", soit "le vagabond coureur".
Back on my feet
À la lecture de cette histoire, on pourrait accréditer la thèse selon laquelle la course à pied pourrait être une bonne solution pour se sortir de la rue. Aux États-Unis, cette idée a présidé au lancement de l’opération "Back on my feet" (littéralement "retour sur mes pieds"). Actif dans une douzaine de grandes villes disséminées dans tout le pays, ce programme a choisi le sport comme vecteur de réinsertion sociale. Sa particularité ? Pour bénéficier des aides promises, chaque postulant doit prouver sa motivation en s’engageant par écrit à se lever à l’aube trois fois par semaine pour aller courir en compagnie d’un coach de l’association.
Depuis sa création en 2007, plus de 6 000 personnes ont souscrit à cet engagement. D’après la présidente de "Back on my feet", Katy Sherratt, les deux tiers ont retrouvé un toit et un travail dans la foulée. On lui a évidemment posé la question : n’est-ce pas ridicule de préconiser la course alors qu’aucun des autres besoins essentiels de l’individu n’est satisfait ? "Non ! Cela leur permet de réaliser quelque chose dont ils ne se sentaient plus capables. Grâce à la course, ces personnes reprennent confiance en elles. Or, cette estime de soi les motive ensuite pour tout le reste."
La démarche laisse tout de même très dubitatif. On a toutes les raisons de craindre une société où les plus pauvres se feront dicter leurs actes d’allégeance pour obtenir de l’aide. Ici, il faut se mettre à courir. Et après ? Faudra-t-il se convertir à une religion ? Vendre un organe ? S’affilier à un parti politique ? On peut tout imaginer !
Aux dernières nouvelles, Stanley Skupien, lui, dort toujours dans la rue.
Le coureur au grand coeur
La scène se passe dans une rue new-yorkaise à la fin du mois d’août dernier. Comme à son habitude, Joe Arroyo fait la manche.
"J’étais assis ici avec un écriteau disant que j’étais affamé et que mes chaussures étaient trouées, raconte-t-il. C’est alors qu’un coureur à pied que je ne connaissais pas s’est arrêté devant moi. Il a retiré ses chaussures pour me les donner !"
Par hasard, cette scène est filmée par une passante qui poste ensuite les images sur Twitter. Aussitôt, elles font des millions de vues ! "Ce monsieur m’a confié que la vie avait été généreuse avec lui", reprend le jeune SDF de 30 ans interrogé par la presse à la suite de ce buzz. "À présent, il entendait redonner autant de chance aux autres. Ça venait du cœur."
Un bonheur n’arrivant jamais seul, Arroyo eut la surprise de recevoir quelques jours plus tard une offre de travail de la part d’un internaute, patron d’une société de foodtrucks, que cette histoire avait ému.