Rencontre avec le photographe des stars du trail: "J’ai fait courir Kilian Jornet sur des crêtes au lendemain d’un 160 km"
Alexis Berg (32 ans) a photographié tous les meilleurs traileurs au monde.
- Publié le 25-11-2018 à 15h40
- Mis à jour le 26-11-2018 à 09h28
Alexis Berg (32 ans) a photographié tous les meilleurs traileurs au monde.
L’histoire d’amour a débuté en 2013. Alexis Berg, aujourd’hui âgé de 32 ans, accompagne son frère Frédéric à La Réunion pour la Diagonale des Fous. L’un des trails les plus ardus du monde a été le déclencheur d’une nouvelle carrière pour le Français. "J’ai fait un film sur sa course et ai pris quelques photos qu’on a balancées sur Internet." Des magazines l’ont contacté. "C’était parti !"
Impossible pour lui de compter le nombre de courses qu’il a suivies en tant que photographe. Il parle d’une cinquantaine en ne sélectionnant que les événements majeurs. "Je n’ai pas encore fait tout ce que je voulais et j’ai encore de nombreux projets. Beaucoup de belles courses ont lieu au même moment et je ne peux pas me couper en deux." (rires)
Sans oublier que plein de courses sont créées chaque année et que chacune est différente !
"C’est pour ça que je peux dire que j’ai encore pas mal de projets. Là, je reviens de Pologne. Je n’avais jamais suivi une compétition là-bas. Ce n’est pas de la haute montagne, mais je me suis émerveillé devant certains paysages. Il y a toujours quelque chose d’intéressant. Impossible de se lasser."
Avez-vous un coup de cœur pour une course en particulier ?
"J’ai une relation assez particulière avec les courses aux États-Unis. J’ai fait la Western State, la Hard Rock et le Badwater. Trois grands classiques. J’aime beaucoup le rapport qu’ils ont au trail. C’est contre-culturel là-bas. Ces courses ont un supplément d’âme. Le trail est une pratique très communautaire C’est une autre approche que l’européenne qui est plus sportive, qui ressemble plus à un événement de masse."
Ça vous parle cette authenticité ?
"Oui, vraiment. En Belgique aussi le trail dépasse un peu le sport. Il y a quelque chose qui se crée, une communauté. En France, il y a tellement de courses qu’il n’y a pas de groupe comme chez vous."
Avez-vous déjà pu faire des photos en Belgique ?
"Non, mais si j’en ai l’opportunité, je viens d’office et avec plaisir."
Quelle est votre relation avec les traileurs ?
"J’ai tellement d’anecdotes. (rires) J’ai réussi à créer une relation particulière avec beaucoup d’athlètes que j’ai croisés. Je ne suis pas traileur moi-même et c’est ce qui me différencie avec ceux qui suivent habituellement les ultras. Quand je parle à Kilian Jornet, c’est souvent d’autre chose que de ses performances. Avec le livre (NdlR : Grand Trail, écrit par son frère, illustré par ses images), j’ai également pris le temps de me poser avec les coureurs avant de les croiser à plusieurs reprises sur des courses."
Vous évoquez Kilian Jornet, avez-vous un souvenir marquant avec lui ?
"La première fois que je l’ai photographié, c’était le matin suivant la Hardrock (NdlR : épreuve longue de 160 km). Cela ne lui posait aucun souci de faire le shooting au lendemain de la course. Je lui ai demandé de courir à bloc sur des crêtes et il a accepté sans souci. Cela montre aussi bien ses qualités de récupération que sa générosité. Ce mec est juste génial."
Avez-vous d’autres proches sur le circuit ?
"Je croise souvent Gediminas Grinius. Je l’ai rencontré et j’ai passé du temps avec lui. Ce mec a une histoire folle. Envoyé en Irak et en Afghanistan pour l’Onu, il a vécu la guerre et est revenu avec un syndrome post-traumatique. La course lui a permis de trouver un apaisement et en quelques années, il est devenu un champion. Ce genre d’histoire me passionne. Derrière tout champion, il y a une raison profonde de courir."
Votre but est de faire passer un maximum d’émotions par l’image ?
"Je différencie deux photos. L’une avec une certaine distance et une certaine esthétique. L’autre plus basée sur le moment, sur l’émotion. J’essaie de montrer le côté humain de l’athlète. Au début, j’avais du mal à prendre des photos à la hauteur des émotions que je ressentais. Mais j’y arrive de plus en plus et c’est vraiment gratifiant. Et parfois, ces photos ne demandent pas de préparation alors que d’autres me prennent un temps considérable en terme de travail a priori. Le trail offre une variété folle. Je peux faire dix courses et toutes sont différentes. Je peux aussi faire dix fois la même course et trouver un nouveau spot qui me surprend."
Vos journées sont aussi un peu des ultra-marathons quand vous suivez une compétition…
"Il faut être patient et aimer la randonnée avec du gros matos sur le dos. Le trail, c’est la douleur choisie, une souffrance qu’on décide de s’infliger. Moi, c’est pareil. (rires) Parfois, je suis mort après une journée, mais impossible de se plaindre quand on vit de tels événements dans des endroits magnifiques."
Vous avez fait un film sur la fameuse Barkley. C’est dans ce domaine que se situe votre avenir ?
"Je n’ai pas vocation à faire de la vidéo. La Barkley, c’était un moment particulier. Cette course est incomparable et inimitable. Je devais expliquer l’expérience de cette course. Je ne pouvais pas le garder pour moi."
Avez-vous une photo préférée ?
"Impossible à dire. J’adore mon cliché de Gary Robbins (NdlR : qui n’est pas finisher de la Barkley à six secondes près - photo 1). Avec sa femme et tous les gens qui l’entourent. Puis, il y a celle de Jim Walmsley (photo 2) quand il vient d’abandonner à la Western State. Je cite deux photos prises sur l’instant et bourrées d’émotions. Mais j’aime les photos qui demandent une histoire de construction. Je dois fabriquer les histoires."
>>> À noter: Alexis Berg est l’auteur, avec son frère Frédéric, du livre Grand Trail, notamment disponible en Belgique via www.editionsmons.com