Le hockey en Inde, un sacré business
Le cricket fait battre le cœur de l’Inde, mais le hockey lui sert de poumon.
- Publié le 09-12-2018 à 11h26
- Mis à jour le 09-12-2018 à 11h27
Le cricket fait battre le cœur de l’Inde, mais le hockey lui sert de poumon. Le hockey en Inde. Ces deux mots semblent rivés l’un à l’autre par quelque lien invisible. Aujourd’hui, l’Inde refait partie du top mondial - les Belges ont pu le vérifier - mais elle a connu une éclipse qui semblait sans fin avant de se refaire une place digne de son glorieux passé. Pour nous éclairer, nous avons sollicité la collaboration de Sundeep Misra, journaliste, qui suit l’Inde dans tous les grands tournois depuis 30 ans.
"Des hauts et des bas, je peux vous en raconter pas mal, en effet. Quand j’ai commencé le hockey, je n’ai longtemps pas pu m’empêcher de penser à la défaite 1-7 contre le Pakistan en finale des Jeux asiatiques de 1982. Donc, quand l’Inde a battu le même adversaire 7-4 au Champions Trophy d’Amstelveen de 2003, c’était un jour inoubliable. En termes de tournois, je me souviens de la Coupe du monde de 1994, à Sydney, où l’Inde avait terminé 5e sous le coaching de Cedric D’Souza, et des Jeux asiatiques que nous avons gagnés en 1998, aux strokes contre la Corée."
Des mauvais jours, il y en a eu aussi. "Les catastrophes ont été le match nul de 2000 contre la Pologne aux JO de Sydney, qui nous a empêchés de disputer les demi-finales, les Polonais égalisant à une minute de la fin. Et après la Coupe du monde junior de 2001, il y a eu une période où on changeait de coach comme on change de nappe après un repas !"
Le creux a duré assez longtemps. "Les choses ont commencé à s’améliorer avec l’arrivée de Roelant Oltmans comme coach (NdlR : en 2013), puis Terry Walsh qui a amené l’équipe à la médaille d’or aux Jeux asiatiques de 2014. Mais juste auparavant, l’Inde avait disputé la Coupe du monde à La Haye et je trouve qu’on n’avait pas mal joué malgré une 9e place. Contre la Belgique, mais aussi l’Angleterre, nous avions mené avant d’encaisser à la dernière minute. Nous avons aussi conquis deux médailles d’argent au Champions Trophy. Oltmans nous a appris la constance et Terry a importé son hockey offensif à base d’une défense solide."
Et puis, il y a eu le développement de l’Indian Hockey League. "C’est sûr. Elle a permis aux joueurs de partager le vestiaire avec ce qui se fait de meilleur en Europe et en Australie. Ceci a clairement augmenté la confiance des joueurs indiens."
Longtemps, l’Inde a aussi semblé jouer avec deux équipes différentes sur le terrain, les sikhs et les non-sikhs. Mais Sundeep Misra s’inscrit en faux contre cette opinion. "En Inde, il n’y a jamais eu de problème de religion en sport. Au contraire, le sport a toujours été un exemple de comment des gens venant d’horizons religieux différents pouvaient collaborer."
L’un des éléments clés a aussi été d’avoir un stade national avec toutes les facilités qui vont avec. "Il a été construit à l’occasion du Champions Trophy de 2014 et est aujourd’hui un des meilleurs du monde. L’État d’Odisha est à bien des égards le berceau du hockey avec autant de joueurs qui se lancent dans le sport. Et puis le soutien de la foule est énorme. Où voyez-vous 15 000 personnes à chaque match et faire du bruit ? Je pense que le soutien populaire était essentiel pour que Hockey India attribue le tournoi à Bhubaneswar. L’autre possibilité aurait été Bangalore, où est situé le centre d’entraînement et où l’équipe vit la plupart du temps. Mais on ne joue quasi plus jamais à New Delhi."
Le sport-roi en Inde reste le cricket. Mais le hockey est toujours très populaire aussi. "La popularité du hockey est simplement due au passé, à la tradition et aux huit médailles d’or olympiques. Mais ça, c’est le passé. Émotionnellement, les Indiens sont liés au hockey. Ils veulent toujours que ça se passe bien. Et comme l’équipe se comporte bien depuis le début du tournoi, le soutien commence à arriver. Mais le cricket est encore bien plus populaire. Il n’y a pas de comparaison. Star Sports a acheté les droits de l’Indian Premier League pour 2,54 milliards de dollars US en diffusion et numérique. Vous pouvez donc imaginer la popularité du cricket !"
Néanmoins, il reste des sponsors pour le hockey indien. "Les sponsors sont venus et pour la première fois de l’histoire du sport en Inde, un État s’est présenté pour sponsoriser l’équipe de hockey… C’est une très grosse affaire. Les sociétés commanditaires sont présentes, mais le sport avait besoin de cet argent. Et maintenant, cet État, Odisha, accueille la Coupe du monde. La raison pour laquelle ils sont venus est que l’achat dans le cricket est cher et qu’il y a trop de sponsors."
Et puis, le président de la FIH est un Indien, désormais. "Mais je ne pense pas que cela change grand-chose. En tout cas, je n’ai pas remarqué de changement depuis", conclut Sundeep Misra.