Entretien avec Edith Demaertelaere, la maman Borlée: “Ils ont chacun développé une force incroyable”
La maman d’Olivia, Kevin, Jonathan et Dylan Borlée partage avec tendresse et discrétion le quotidien de ses enfants.
- Publié le 04-09-2019 à 13h07
- Mis à jour le 04-09-2019 à 13h45
La maman d’Olivia, Kevin, Jonathan et Dylan Borlée partage avec tendresse et discrétion le quotidien de ses enfants. Pour Edith Demaertelaere comme pour le reste de la famille Borlée, la journée de mardi a été pour le moins contrastée. Entre l’annonce de la (très probable) fin de saison de Jonathan et le lancement d’un livre qui leur est consacré, les émotions étaient exacerbées. L’occasion de s’entretenir avec cette maman très discrète.
Comment vivez-vous le fait de voir l’histoire familiale racontée dans un livre ?
"Honnêtement, c’est particulier. Pour les enfants, comme pour moi, cela n’a pas été facile. Tout simplement parce qu’on est de nature plutôt prude. Il a fallu se livrer un peu plus qu’à l’ordinaire."
Pourquoi avoir choisi de vous tenir en retrait pendant toutes ces années ? Ce rôle dans l’ombre vous convient-il ?
"Oui, parce que ma place, c’est la place d’une maman. Ce sont mes enfants; pour moi, ce ne sont pas des vedettes. Je trouvais que c’était la place juste pour eux aussi afin qu’ils puissent, quand ils l’entendent, revenir vers un espace disons plus douillet, plus secret et donc plus confortable. Les enfants ont tenu à faire la séparation entre vie publique et vie privée."
Comment ont-ils appris à gérer leur popularité ?
"Ils ont toujours fait preuve de beaucoup d’humilité. Quand quelqu’un dans la rue les reconnaît ou vient leur demander un autographe, ils se montrent toujours très souriants, très ouverts. C’est quelque chose de naturel pour eux de faire plaisir. Ils ne refuseront pas. Mais il est clair aussi que ce n’est pas eux qui ont recherché la notoriéré."
Pourtant, quand les jumeaux se sont lancés, Olivia occupait déjà le devant de la scène sportive. Ils savaient à quoi s’attendre.
"C’est vrai, mais l’aspect médiatique ne les a jamais attirés. Ils l’ont pris parce que cela fait partie d’un tout. C’est le jeu, si on veut."
Pour en revenir à votre rôle, quel est-il ? Être là quand ça va moins bien ?
"Je dirais que c’est partager ce qu’ils sont et ce qu’ils vivent, tant les moments de bonheur que les moments plus difficiles. Étant moins impliquée sur le terrain, au quotidien, j’ai une écoute différente tout en sachant et en comprenant ce qu’ils vivent puisque j’ai moi-même fait de l’athlétisme. J’essaie de les aider à trouver la mesure, à relativiser un maximum quand il y a des moments un peu creux."
C’est le cas en ce moment, avec la blessure de Jonathan ! Comment gère-t-on cette situation ?
"C’est difficile parce que tous les enfants sont très reliés entre eux. Et quand il y en a un qui va moins bien, comme c’est le cas ici avec Jonathan, ils ont tendance à penser plus à l’autre qu’à eux-mêmes. C’est dans leur nature. Quand on est enfant d’une famille nombreuse, on développe un côté très altruiste. Ça fait partie de leurs caractéristiques. Et, à ce propos, je leur ai dit : ‘Surtout, gardez cet aspect-là.’ Parce que ça fait d’eux de belles personnes. Mais c’est sûr que Kevin et Dylan sont affectés en ce moment par la blessure de Jonathan."
Peuvent-ils s’en remettre d’ici au Mémorial vendredi ? L’enjeu sera de taille !
"Il faut bien reconnaître qu’ils ont parfois des ressources étonnantes, alors pourquoi pas ? On verra. Ils vont tâcher de vite se concentrer à nouveau. C’est ce qu’on leur a dit. L’année n’a pas été facile du tout, au niveau de la gestion du calendrier d’abord, puis avec les blessures, et maintenir un état de tension n’a pas été évident."
La blessure de Jonathan peut-elle aussi s’expliquer par une certaine lassitude mentale dans ce contexte ?
"Peut-être. Ça fait un petit temps qu’il est très fragile au niveau des ischios et il suffit d’une petite accumulation de problèmes pour que le corps se rappelle à vous. Vous savez, le mental, on peut le pousser très, très loin, mais le corps finit toujours par avoir le dernier mot."
Les difficultés physiques commencent à constituer un frein à leur carrière. Avec l’âge, ça devient de plus en plus difficile de rester épargné par les ennuis?
"C’est vrai qu’il y a de plus en plus cette incertitude : est-ce que le corps va tenir ? Il faut désormais toujours faire attention, alors qu’avant on pouvait se permettre un peu plus d’insouciance. Avec l’âge, il faut être d’autant plus à l’écoute de son corps. Mais ça fait partie des étapes de leur vie, de leur carrière, et cela leur permettra de se dire petit à petit : ‘Tiens, il est peut-être temps d’emprunter un autre chemin.’"
Quand vous retracez toute l’histoire de la famille sur la scène sportive, quels sont les moments qui vous viennent en tête ? Des moments de joie ?
"Oui, il y a bien sûr des moments de joie, mais en tant que maman, je vois à quel point ces moments-là s’accompagnent d’un chemin en amont qui est très dur et dont les gens n’ont pas forcément connaissance. Les moments de bonheur sont finalement très brefs dans une année, ce sont des petites étincelles. Quand Kevin, Jonathan et Dylan remportent une médaille, ils n’en profitent que très peu parce qu’ils se projettent très vite vers le futur, vers la saison d’après. Moi je vois surtout le parcours et la force qu’ils arrivent à puiser en eux. Oui, ils ont tous leurs particularités mais ils s’entraident aussi beaucoup, et chacun a réussi à développer une force assez incroyable."
Dylan, par exemple, arrivé après ses deux frères, a réussi à s’imposer.
"Oui, et si on regarde même plus tôt, ce fut déjà compliqué pour Olivia avec ses douleurs aux tendons d’Achille. Puis Kevin et Jonathan, en tant que jumeaux, qui ont eu une approche particulière. Je dis toujours que s’ils peuvent s’épanouir dans ce milieu et en tirer des forces pour leur après-carrière, ils auront tout gagné. Quand je vois Olivia transférer ses compétences vers le monde de l’entreprise et ses activités dans la mode, je trouve cela vraiment remarquable. Quand on transforme les difficultés en positif, c’est que le chemin n’a pas été vain."
Le nombre impressionnant de médailles accumulées représente-t-il une fierté immense pour vous ?
"C’est vrai que c’est impressionnant ! Quand ils ont commencé l’athlétisme, après avoir fait du football, je n’avais rien de particulier en tête comme projet pour eux. Je voulais juste qu’ils puissent s’épanouir. Leur ambition a commencé à grandir année après année. Ce n’est que maintenant, quand on regarde en arrière, qu’on se dit que leur palmarès est tout de même très important."
Vous considérez-vous comme une famille extraordinaire?
"Non, pas du tout ! Malgré la notoriété, notre réalité reste celle d’une famille comme les autres. Vous savez, ma relation avec mes enfants évolue en permanence et elle se vivra encore différemment le jour où ils arrêteront leur carrière."
Votre présence au stade, comme le week-end dernier aux championnats de Belgique, c’est une manière de…
(Elle coupe) "De dire que je suis là. Mais vous savez, je les suivais déjà quand ils allaient au foot ou quand les filles faisaient du théâtre. C’est une question d’être présente et de les encourager dans ce qu’ils font, tout simplement."
"On a appris à gérer nos émotions"
Olivia pense que la blessure de Jonathan ne sera pas un frein pour ses autres frères.
Olivia Borlée, qui a annoncé sa retraite sportive tout récemment, ne pouvait manquer à la présentation du livre consacré à sa famille. Qu’elle qualifie de... normale. "C’est comme ça que je le ressens", dit-elle. "C’est clair qu’on a vécu, et qu’on vit encore des événements extraordinaires, des moments exceptionnels dans le cadre du sport, mais notre façon d’être les uns avec les autres au quotidien n’est pas impactée. Si ce n’est que tout est décuplé quand on vit les choses en famille."
La jeune femme de 33 ans ne se présente pas comme étant à l’origine de cette histoire familiale hors du commun. "C’est plutôt maman et papa !" dit-elle. "Je me souviens que toute gamine, le monde de l’athlétisme avait déjà une place importante dans nos vies, par les histoires de mes parents et par les images que l’on se faisait d’eux. Ce n’est que bien plus tard que je me suis décidée à franchir le pas."
Est-ce une chance d’être oun ou une Borlée ? "Je pense que la chance, on l’a nous-même créée", répond Olivia. "Par ce qu’on a mis en place, mais aussi par notre envie et par notre travail. Dans le livre, j’évoque notre enfance, la manière dont on a vécu la séparation de nos parents, la place que j’avais quand mes frères ont pris leur envol et m’ont surpassée au niveau des résultats. Toutes les épreuves m’ont apporté quelque chose."
Aujourd’hui, c’est Jonathan Borlée qui traverse une période difficile avec cette blessure à l’ischio qui met un terme prématuré à sa saison. Comment la famille appréhendera-t-elle la situation ? "Je sais comment est Jonathan, quand je peux lui parler et quand il veut se tenir à l’écart", explique l’aînée. "Mais bien sûr, on en parle énormément entre nous. On a l’habitude, ce n’est pas la première fois ! C’est vrai que Kevin et Dylan sont inévitablement affectés par la situation. On essaie de mettre un maximum de choses en place pour pouvoir gérer les émotions mais ce n’est jamais acquis. Je sais toutefois que ce sont de grands champions et qu’ils savent faire face à l’adversité. J’espère qu’ils trouveront la force, vendredi, de nous épater encore une fois. Et si ce n’est pas vendredi, ils sont, à mon sens, sur la bonne voie pour faire quelque chose à Doha."