3400 personnes avec “Un p’tit truc en plus” vont vivre leurs JO à La Louvière : “On ne reçoit aucune subvention structurelle du fédéral ou des régions”
Pratique du sport, inclusion et prévention de la santé, voilà les objectifs des Jeux nationaux Special Olympics.
- Publié le 08-05-2024 à 06h55
L’énorme succès cinématographique annoncé pour le film Un p’tit truc en plus réalisé par le comédien Arthus et tourné, en partie, avec des acteurs porteurs d’un handicap mental, va plus que certainement servir de catalyseur pour mettre en lumière une frange de la population souvent oubliée. En Belgique, à partir de ce mercredi 8 mai et jusqu’à dimanche 11 se déroulera un événement important dans la lutte pour l’inclusion avec la 40e édition des Jeux nationaux Special Olympics à La Louvière. Directeur national de Special Olympics Belgium, Dominique Dehaene évoque avec nous les contours d’une manifestation où le roi Philippe sera présent, ce mercredi, pour la cérémonie d’ouverture.
Monsieur Dehaene, pouvez-vous expliquer ce que représentent les Jeux nationaux des Special Olympics ?
”Special Olympics, c’est l’organisation en Belgique qui organise des événements sportifs pour des personnes ayant un handicap mental. Les Jeux nationaux représentent le point culminant de l’année et se déroulent toujours pendant le week-end de l’Ascension. Une fois dans une ville en Flandre, une fois dans une ville en Wallonie et tous les cinq ans, environ, à Bruxelles. Notre objectif final, c’est de travailler à l’inclusion des personnes souffrant d’un handicap mental via le sport. On essaie d’attirer l’attention sur les défis qui restent pour intégrer ces personnes dans notre société. Ce qui va se passer à La Louvière, ce sont les Jeux olympiques nationaux pour les sportifs qui ont un handicap mental.”
Qui peut y participer, quels sont les critères d’inscription ?
”Les athlètes qui souffrent d’un handicap mental ou d’un quotient intellectuel inférieur à 75 peuvent participer. Les sportifs doivent appartenir à des clubs qui sont affiliés à Special Olympics. Les clubs ont comme obligation de prouver que les athlètes participent régulièrement à des activités sportives avant de pouvoir les inscrire aux Jeux nationaux.”
Le roi Philippe sera présent à la cérémonie d’ouverture.
Quelle est la différence entre les Jeux paralympiques et les Special Olympics ?
”Dans notre structure, on ne retrouve que des personnes avec un handicap mental. Chez les athlètes paralympiques certains ont, parfois, un léger handicap mental mais ils ont toujours un handicap physique. La deuxième différence importante : chez les paralympiques l’objectif est vraiment de livrer des prestations sportives de haut niveau. Tandis que chez nous, nos athlètes vont surtout essayer de battre leur propre record. Le fait de faire du sport et de faire du sport ensemble est plus important que de livrer des prestations de haut niveau.”
En quoi le sport est un vecteur d’inclusion important ?
”Il y a plusieurs aspects. Si on prend nos activités, on va rassembler cette semaine 3400 athlètes, 1200 coachs et 2000 bénévoles. Le contact entre toutes ces personnes ayant un handicap mental ou non, c’est déjà de l’inclusion pure et simple. On demande aussi aux villes où on organise nos Jeux de s’engager à travailler tout au long de l’année à l’inclusion des personnes ayant un handicap. Par exemple, à La Louvière, il y a un conseil qui s’occupe de l’intégration. Nous possédons aussi quelques programmes d’inclusion. Nous avons des athlètes ambassadeurs qui ont été formés pour aller parler devant un public, souvent dans des écoles, pour évoquer leur vie. Les élèves comprennent grâce à cette initiative les défis qui existent encore pour les personnes avec un handicap mental.”
Il y a aussi un travail réalisé dans les sociétés, les entreprises ?
”Oui, on compte plusieurs athlètes qui ont reçu une formation pour parler devant des entrepreneurs. Pendant deux heures, ils abordent le sujet de l’inclusion dans les entreprises ou ailleurs. Après ce speech, les responsables d’entreprises se disent qu’il y a quand même encore un bon bout de chemin à effectuer pour favoriser l’inclusion. Avec nos sponsors, on organise aussi des activités sportives avec nos athlètes.”
Vous avez d’ailleurs une belle anecdote concernant une de ces rencontres ?
”Oui, notre équipe de basket a joué contre une équipe d’une entreprise que je ne vais pas citer. Les joueurs de l’entreprise pensaient se promener mais ils ont perdu et pas parce qu’ils se laissaient faire. Cette société avait décidé de payer une certaine somme d’argent par point marqué par notre équipe. Ils ont payé plus que ce qu’ils pensaient au départ.”
Avez-vous remarqué une évolution dans notre société au niveau de l’inclusion ces dernières années ?
”Je remarque que de nombreux sponsors ou partenaires attachent une plus grande importance à nous soutenir financièrement. Mais je vois aussi un engagement réel de leur part pour travailler à l’inclusion. Comment ? Avec la création d’activités unifiées ou alors avec l’envoi aux Jeux de collaborateurs pour nous aider. On dépasse le simple fait de donner de l’argent. Ils s’engagent à entrer en contact avec nos athlètes et travailler sur l’inclusion.”
Comment fonctionnez-vous au niveau des subsides ?
”Nous sommes une ASBL, tous nos fonds viennent de dons ou de sponsors. On reçoit des subsides d’Actiris et de Maribel à Bruxelles. On ne reçoit, par contre, aucune subvention structurelle du fédéral ou des régions. On trouve que les performances de nos athlètes sont aussi remarquables que les prestations d’athlètes paralympiques ou olympiques. On ne reçoit rien, non plus, de l’Adeps par exemple. Pour les Jeux, on a reçu des aides de la Ville de La Louvière et de la Province de Hainaut pour l’événement.”
Pourquoi avoir choisi La Louvière pour accueillir ces Jeux nationaux ?
”Un des premiers critères, c’est de voir si les infrastructures sportives sont présentes dans la ville accueillante. Il y a quand même 20 sports différents. Ce qui n’est pas toujours évident à gérer. Comme La Louvière a déjà organisé deux éditions dans le passé, c’était un avantage. Pour nous, c’est aussi important que la ville s’engage à travailler à l’inclusion à plus long terme. Récemment, on a conclu un accord avec la Communauté germanophone et les neuf villes qui la constituent. Ce n’est pas du tout exclu que dans les prochaines années on va atterrir dans les cantons de l’Est pour organiser nos Jeux.”
Pour cette édition 2024, avez-vous encore besoin de bénévoles ?
”Oui. Si des gens veulent encore s’engager, ils peuvent nous contacter via notre site (https://special-olympics.be/fr/). Je peux vous dire que faire partie de notre famille offre un retour exceptionnel qu’on ne peut pas compter en argent. On a aussi lancé un crowdfunding dans le cadre des Jeux pour nous aider. La mise minimale est d’un euro.”
”40 % des athlètes portent des chaussures d’une mauvaise pointure”
Pendant les Jeux, un programme santé avec des professionnels médicaux et paramédicaux sera accessible, gratuitement, aux participants. Il sera axé sur sept domaines : la santé orale, la condition physique, l’audition, les habitudes de nutrition, la vue, l’ostéopathie et la détermination des risques de diabète de type 2.
”C’est le troisième volet de notre projet après ceux axés sur le sport et l’inclusion. On espère qu’un tiers des athlètes présents passent par ce dépistage. Parce ce qu’il y a des chiffres surprenants. Par exemple, 40 % des athlètes portent des chaussures d’une mauvaise pointure. Ou certains affichent des problèmes d’ouïe sans le savoir. Des spécialistes ou des étudiants en médecine sont présents lors des Jeux pour réaliser ce screening. Ensuite les sportifs peuvent retourner chez leur médecin ou leur spécialiste avec les données des examens. C’est un volet très important de notre fonctionnement.”
Lors des dernières éditions des Jeux, il est ressorti que 33 % des athlètes avaient besoin d’un appareil auditif, que 32 % des sportifs étaient en surpoids et que 25 % avaient besoin de nouvelles lunettes correctrices.
3400 athlètes, 20 sports, 1200 coachs, 10 sites et 2000 bénévoles
Après la cérémonie d’ouverture de ce mercredi (de 19 à 22 heures sur la place Communale), 3400 athlètes se livreront sans compter dans 20 disciplines sportives (cyclisme, badminton, natation, tennis, football, judo, athlétisme, équitation…) de jeudi à dimanche. Les rencontres se dérouleront sur dix sites différents allant du stade du Tivoli, au zoning industriel de Strepy-Bracquegnies en passant par le point d’eau de La Louvière, le Centre sportif des ascenseurs ou le Haras Sainte-Marguerite à Binche. 1200 entraîneurs et 2000 bénévoles encadreront les Jeux nationaux.
”Certains sports seront adaptés à nos athlètes. Par exemple, un filet qui est placé plus bas. On retrouvera aussi des activités adaptées pour les gens qui n’ont pas les compétences physiques et mentales. Dans ces cas-là, ce sont plus des activités sportives pour qu’ils soient actifs. Avant de commencer les compétitions, on divise les athlètes selon leur niveau sur base des résultats fournis par les coachs. Il y a, à chaque fois, trois catégories.”