Les seniors dans le sport (4/9) – Pierre Vanden Steen, culturiste : “Arnold Schwarzenegger m’a invité chez lui en Californie pendant deux semaines”
Ancien Mister Univers, le sympathique Bruxellois de 88 ans Pierre Vanden Steen continue à entretenir quotidiennement son physique.
- Publié le 22-03-2024 à 16h17
- Mis à jour le 22-03-2024 à 17h11
Dans le milieu du culturisme, le nom de Pierre Vanden Steen fait autorité. Dans les années 1960 et 1970, ce body-builder bruxellois, petit de taille mais immense par le talent, a remporté, grâce à un physique incroyablement dessiné, des prix par dizaines. Dont celui, prestigieux, de Mister Univers (”c’est celui dont je suis le plus fier”) dans sa catégorie. Un palmarès XXL et un destin hors normes sur lequel cet homme bourré d’humour revient avec beaucoup de modestie.
”C’est mon père, qui faisait de la lutte gréco-romaine, qui m’a incité à m’entraîner. J’étais assez maigre, disons, raconte le Saint-Gillois de 88 ans, se replongeant dans ses souvenirs à l’occasion de notre venue. J’ai commencé par m’entraîner dans la chambre à coucher de mes parents, où un ami venait aussi régulièrement pour faire du sport avec moi. Et finalement on s’est retrouvé à trois, à quatre,… (sourire) Au bout d’un moment, mes parents étaient un peu fâchés et on a dû aménager un espace dans le grenier. Puis, finalement, on a ouvert une salle à Saint-Gilles, rue Théodore Verhaegen. Après un petit temps, ce sont tous les jeunes du coin qui venaient. C’était une belle salle !”
Après quelques années de pratique est venu le temps des premières compétitions. “Je n’avais jamais pensé à en faire mais c’est venu assez naturellement. J’ai commencé par le championnat de Belgique. Après la première, je me suis dit ‘tiens, ce n’est pas mal’ et j’ai continué. J’ai d’abord fait 12e du premier concours, puis 3e du deuxième concours et, enfin, je suis passé 1er.”
Un dessinateur industriel bien… dessiné
Une progression qu’il doit à sa force de caractère et à sa régularité dans l’effort. “Pour avoir un bon niveau, il fallait s’entraîner tous les jours. Une fois par jour, c’était assez : on devait aller travailler aussi quand même ! lance Pierre Vanden Steen, qui était dessinateur industriel de profession. Je suis allé aux Arts et métiers. Un jour, j’ai vu qu’on recherchait un dessinateur, je me suis présenté à 18 ans et je suis resté chez le même employeur jusqu’à la pension. J’y ai fait toute ma carrière !”
Après avoir disputé des concours à l’Ancienne Belgique et au Casino de Knokke notamment, Pierre Vanden Steen se distinguera rapidement sur la scène internationale aussi.
“J’ai disputé mes premiers championnats internationaux après mon service militaire. C’était à la fin des années 50, je devais avoir 23 ou 24 ans”, se remémore-t-il.
Cinq titres de Mister Univers
En 1959, Vanden Steen monte pour la première fois sur le podium de Mister Univers (3e), avant de décrocher une nouvelle médaille, d’argent celle-là, en 1960 puis d’être sacré en 1961. La “petite bombe belge” renouvellera encore son titre en 1963, en 1968 et en 1974 (avant un dernier titre en masters en 1980).
Une époque dorée parsemée également de titres européens (il a été couronné Mister Europe en 1960, 1965, 1966, 1969, 1974 et 1978), mondiaux et de récompenses diverses.
Il fallait que le corps soit harmonieux, que le tout soit agréable à regarder.
”On soulevait des poids assez lourds à l’entraînement mais on se foutait du nombre de kilos soulevés, ce n’était pas cela l’important. Dans les concours, les juges regardaient avant tout l’équilibre musculaire : si le type avait des abdos mais pas de jambes, ça n’allait pas ! Il fallait que le corps soit harmonieux, que le tout soit agréable à regarder”, explique Pierre Vanden Steen.
Dont les abdominaux ont acquis une renommée mondiale et l’ont propulsé à la Une des magazines spécialisés y compris aux États-Unis.
“C’est vrai que j’étais le monsieur abdos de l’époque, sourit-il. Ma petite taille n’étant pas un avantage en toutes catégories, il fallait avoir quelque chose en plus pour sortir du lot face à des gars bien plus grands et avec une structure musculaire impressionnante. Et peu d’athlètes avaient une sangle abdominale comme la mienne ! Par la suite, c’est devenu normal mais à l’époque ce n’était pas commun du tout.”
Notre compatriote ajoute : “Un visage sympathique, ça ne te fait pas gagner ou perdre mais ça compte aussi. Personnellement, je n’ai jamais attrapé la grosse tête, je n’ai jamais mis mes titres en avant. Et ça m’a valu beaucoup d’amitiés dans le milieu. On était des sportifs mais il fallait aussi décompresser. Alors entre deux concours, on sortait. Je peux vous dire qu’on s’est bien marré !”
Par rapport à d’autres, j’étais capable d’aller très loin dans les régimes.
Il est vrai que la difficulté des entraînements, même à l’époque, ne doit pas être sous-estimée. “À l’époque, on ne parlait pas de dopage, c’est venu par après. On faisait des séances à tomber par terre tellement on s’entraînait dur. On était un peu cinglé (rires). Mais comme tous les grands sportifs je crois, sinon on n’y arrive pas. Le danger, c’est évidemment d’en faire un peu trop.”
La même remarque s’applique aux régimes alimentaires. “J’étais capable de ne manger que du poisson ou de la viande pendant trois mois, sans pain sans rien. Et sans boire ! Je recrachais l’eau que je prenais parce qu’il fallait être extrêmement sec. Par rapport à d’autres, j’étais capable d’aller très loin dans les régimes. Mais quand on manque de tout, ça joue sur l’humeur aussi évidemment. Je ne devais pas être facile à vivre tous les jours !”
Son amour du culturisme a conduit Pierre Vanden Steen à parcourir le monde : États-Unis, Mexique, Irak, Afrique du Sud, etc. “J’ai bien voyagé”, résume-t-il.
Mais le souvenir le plus marquant de sa carrière reste sa première rencontre avec Arnold Schwarzenegger, qu’il surnomme affectueusement “le Schwarz” avec son accent brusseleir.
Schwarzenegger, c’est vraiment un chouette gars ! On s’est tout de suite bien entendu.
”C’est vraiment un chouette gars ! On s’est tout de suite bien entendu. Il m’a d’ailleurs invité chez lui, en Californie, où je suis resté pendant deux semaines avec ma femme. Il m’a aussi emmené dans le Grand Canyon. Au retour, je lui ai dit : ‘il y a des trous comme ça à St-Gilles aussi !’ (rires) Plus sérieusement, ce voyage demeure un magnifique souvenir.”
Il s’entraîne une heure tous les jours
À 88 ans (il fêtera son 89e anniversaire le 4 mai 2024), Pierre Vanden Steen continue à s’entretenir quotidiennement à la salle, que ce soit à Saint-Gilles ou à Dilbeek. “Tous les jours, je m’entraîne pendant une heure.”
Et même si son âge ne l’autorise plus qu’à soulever des charges qu’il estime anecdotiques, nombreux sont ceux qui ouvrent encore de grands yeux en voyant ce dont ce vaillant monsieur, véritable légende de son sport, est toujours capable.
”Il avait une définition musculaire incroyable”
Arnold Schwarzenegger était admiratif devant le corps de Pierre Vanden Steen.
Dans un ouvrage sorti en 2003 et retraçant son parcours hors du commun, de son Autriche natale au poste de gouverneur de Californie qu’il a occupé jusqu’en 2011, Arnold Schwarzenegger a consacré un passage à son ami belge Pierre Vanden Steen. Preuve que leur rencontre, dans les années 1960, a été aussi marquante pour lui que pour le Bruxellois.
Un sportif sur lequel l’ancien culturiste star des années 70 (sept titres de Mister Olympia à son actif), devenu acteur à succès et homme politique, ne tarit pas d’éloges.
Il écrit ainsi au regard d’une photo le montrant en compagnie de deux partenaires d’entraînement, le second étant Eddie Giuliani : “Le gars à droite est Pierre Vanden Steen [Mr Univers 1974, catégorie petite taille, originaire de Belgique], qui avait un corps incroyable. Pierre était véritablement taillé et ses abdos étaient incroyables. Vous regardiez son six-pack (NdlR : les tablettes de chocolat) et vous vous disiez : “Attendez une minute, il a une autre rangée d’abdos au-dessus et une autre rangée en dessous – d’où viennent-ils ?” Aucun livre de médecine ne montre ces deux rangées.”
Et “Schwarzie”, réellement admiratif, de poursuivre : “Lorsqu’il se tournait sur le côté, il semblait avoir 5 000 muscles intercostaux. Il se passait plus de choses avec son corps que je n’en ai jamais vu avec quelqu’un d’autre. En tant que compétiteur, Pierre était un gars très dangereux, avec un corps impressionnant, une définition musculaire incroyable et une pose qui l’était tout autant.”
Pierre Vanden Steen a aujourd’hui sa photo au Madison Square Garden, nous apprend l’un de ses amis : “Quelqu’un de passage là-bas nous a envoyé l’image. Le portrait de Pierre se trouve parmi ceux de tous les plus grands dont Cassius Clay. Au vu de sa carrière, c’est bien mérité !”