Entre suivi médical ultra-poussé, enjeux financiers et fatalité: la boxe combat ses paradoxes
Nicolas Vandenbalck, médecin travaillant à la Ligue francophone de boxe, le clame haut et fort: "La santé des boxeurs est la responsabilité de tous".
- Publié le 17-10-2019 à 12h03
- Mis à jour le 17-10-2019 à 12h20
Nicolas Vandenbalck, médecin travaillant à la Ligue francophone de boxe, le clame haut et fort: "La santé des boxeurs est la responsabilité de tous".
Le décès de l’Américain Patrick Day, des suites des blessures encourues sur le ring, a mis en émoi le monde de la boxe internationale.
D’autant que la mort de ce garçon de 27 ans fait suite aux décès de deux autres boxeurs cette année, à savoir ceux du Russe Maksim Dadachev et de l’Argentin Hugo Santillan, victimes eux aussi de lésions cérébrales.
Fort logiquement cette série noire interpelle bien au-delà du milieu pugilistique.
« Pourtant c’est, avant tout, la faute à pas de chance », constate le médecin Nicolas Vandenbalck, qui travaille notamment pour la ligue francophone de boxe. « Il n’y a jamais eu, à ma connaissance, un tel enchaînement d’événements malheureux comme on en a connus ces derniers mois. Il faut rappeler que ce sont trois boxeurs professionnels qui sont décédés, ce ne sont donc pas des gens peu ou mal entraînés, mais des sportifs à part entière qui sont particulièrement suivis. »
Le débat sur le port du casque, qui n’est pas d’application chez les professionnels, tend généralement à resurgir lorsque des accidents graves surviennent. « Mais le casque divise lui-même les spécialistes dans la mesure où, d’une part, on parle des vibrations plus nombreuses qui se répandent dans la boîte crânienne et, d’autre part, du fait qu’un boxeur soi-disant mieux protégé peut supporter plus de coups avant de tomber. La boxe a beaucoup évolué, en prenant des mesures au niveau de la taille des gants par exemple, mais on ne peut, hélas, rien contre la fatalité. »
Nicolas Vandenbalck a, dit-il, « été rarement confronté à des K.-O » en plusieurs années d’expérience autour des rings belges. « Il faut dire que la boxe est le seul sport où il y autant d’examens médicaux. Tous les boxeurs sont suivis et je pense honnêtement que toute les mesures d’encadrement sont prises », affirme-t-il. Le suivi médical impose ainsi aux boxeurs professionnels de passer trois types d’examen tous les deux ans : un examen neurologique, un examen en cardiologie et un examen ophtalmo. Pour les amateurs, ce sera tous les cinq ans. En plus de cela, une « petite visite » médicale est imposée annuellement.
Le jour du gala, la présence d’un médecin au bord du ring est obligatoire. Mais dès la veille, au moment de la pesée, ce médecin est aussi chargé d’effectuer les contrôles d’usage. « Un boxeur doit être déclaré apte à boxer avant de monter sur le ring », explique le Dr Vandenbalck, qui contrôlera l’aspect neurologique ou encore la souplesse de la nuque et détectera la présence de fractures éventuelles aux mains.
Tout au long de la réunion, le médecin gardera ensuite un œil attentif sur les boxeurs, en particulier à leur descente du ring.
« En cas d’arrêt du combat, à la suite d’un K.-O. ou d’un jet d’éponge, une interdiction de boxer pendant une durée de 30 jours peut être délivrée. Et un boxeur ne pourra reprendre son activité qu’après être passé devant le médecin. »
Comme le souligne notre interlocuteur, la santé des boxeurs est finalement la responsabilité de tous. « Le médecin a le droit de dire à l’arbitre qu’il faut arrêter le combat. L‘arbitre lui-même a le devoir d’intervenir s’il constate que l’intégrité physique d’un boxeur est en danger. Enfin l’entourage du boxeur a également le pouvoir de jeter l’éponge et de mettre fin à un combat. »
Malheureusement tout le monde n’a pas la même appréciation des événements ni le même sens des responsabilités.
« À un certain niveau de professionnalisme, les enjeux financiers sont tels qu’on met plus de temps à intervenir ou que les boxeurs repoussent leurs limites toujours plus loin, parfois au-delà du raisonnable. »