Federer et Woods vivent-ils des destins croisés ?
- Publié le 05-09-2018 à 13h30
- Mis à jour le 05-09-2018 à 16h50
C’est avec un regard cerné par l’incompréhension que Tiger Woods, dans la nuit de lundi à mardi, sur son écran de télévision, a vu les illusions new yorkaises de son ami Roger Federer fondre comme un glaçon posé au coeur du Sahel. Les traits creusés, la tête presque aussi basse que ses épaules, la chemise détrempée et son tennis noyé dans l’humidité régnant sur ce court Arthur Ashe de Flushing Meadow, le Suisse semblait en effet en totale dérive mentale et physique.
En entrant sur le court cette nuit-là, Roger Federer ne pensait sans doute pas jouer l'un des pires matches de sa carrière en Majeur. Et pourtant, en délicatesse avec son service (49%, c'est le pourcentage de premières balles passées), trahi par des jambes devenues flageolantes au fil des jeux perdus, manifestement très handicapé par l’humidité, ce qui l’a poussé à vouloir raccourcir les échanges, son manque surprenant de précision et de lucidité l’ont finalement mené à comptabiliser 76 fautes directes. Un bilan très inhabituel pour le Suisse qui lui a donc coûté cette défaite imprévue face à Millman, un modeste joueur australien qui, a priori, n’avait pas le profil du parfait coupeur de tête.
Tout cela Tiger Woods l’a donc vécu en direct, s’interrogeant dès lors, comme nombre d’observateurs, sur le futur immédiat de Federer. Sachant que Federer restait sur 40 victoires et aucune défaite face à des joueurs hors du top 50 à l'US Open, et qu’avant cette funeste nuit américaine de lundi, il n'avait perdu que trois fois en huitièmes de finale depuis son premier titre du Grand Chelem en 2003. Un cruel coup d'arrêt que pas grand monde n'avait vu venir, et certainement pas son improbable bourreau du soir.
Mais, et c’est là le point essentiel de cette inattendue élimination : Roger Federer, désormais pas très éloigné de la quarantaine, ne payerait-il pas, désormais, le prix fort au poids des ans. On l’avait déjà remarqué à Wimbledon, cela s’est répété à Cincinnati, même s’il s’était hissé en finale de ce tournoi, le Bâlois a de plus en plus de mal, quand il est bousculé, a haussé d’un cran son niveau de jeu, comme il l’a si souvent fait dans sa légendaire carrière.
Paradoxalement, alors que Federer tentait de s’extirper d’une détresse comme il l’a rarement rencontrée, Tiger Woods, ce même Tiger Woods qui, il y a 12 mois, avait plus des allures de zombie que de héros des greens, se voyait offrir un coup de fraîcheur avec sa sélection, attendue, pour l’équipe américaine de Ryder Cup. Quand on imagine qu’il y a huit mois à peine, il végétait au-delà de la... 1.000e place mondiale et qu’aujourd’hui il semble s’être (presque) totalement réconcilié avec son jeu magique, on ne peut que se réjouir de cette résurrection golfique d’un personnage hors norme.
Seule interrogation : Federer et Woods, deux monstres sacrés de la planète sport, ne sont-ils pas occupés à vivre deux destins croisés ? Si l’Américain devait remporter la Ryder Cup et le Suisse le... Masters, alors cette interrogation n’aura pas eu sa raison d’être. Et c’est, bien sûr, ce que l’on souhaite à l’un et à l’autre...