Jacques Lichtenstein, agent de joueurs influent, se lâche: "Sans Mogi Bayat, notre foot va guérir"
L’agent Jacques Lichtenstein se lâche au sujet de Mogi Bayat : "C’est un petit opportuniste"
- Publié le 12-10-2018 à 07h05
- Mis à jour le 12-10-2018 à 13h21
L’agent Jacques Lichtenstein se lâche au sujet de Mogi Bayat : "C’est un petit opportuniste" Même si Mogi Bayat n’est pas aimé par la plupart de ses collègues, la loi du silence est sacrée dans le monde des agents. Et ceux qui parlent, le font en off.
Sauf Jacques Lichtenstein, un des plus anciens dans le métier (il a commencé en 1992). "Peur de parler ? De qui aurais-je peur ?", dit Lichtenstein, patron de la boîte Eleven Management. "Mon père ayant combattu pour l’armée israélienne en temps de guerre, il en faut plus que ce genre de personnage pour me faire peur."
On sait depuis longtemps que Mogi et vous n’êtes pas les meilleurs amis. N’avez-vous jamais collaboré ?
"Lors de ses débuts comme agent, on a fait deux dossiers ensemble. La prolongation de contrat de Vossen à Genk et le transfert de Gorius de Malines à Genk. Les deux joueurs travaillaient avec mon bureau, mais Dirk Degraen (l’ancien directeur général de Genk) n’a facilité l’aboutissement de ces deux dossiers que lorsque Mogi est intervenu. Puis, Mogi a proposé un de mes joueurs à un club. Quand j’en ai parlé à l’entraîneur de ce club, il m’a dit que ce joueur ne l’intéressait pas. ‘Pas grave’ , m’a dit Mogi. ‘Ils devront s’en débarrasser, ce qui nous permettra de percevoir à nouveau des commissions quand on le revendra. ’ À ce moment-là, j’ai compris à quel style de personnage j’avais à faire."
Votre collégialité a tourné à la haine.
"En ce qui me concerne, je ne fais aucune fixation sur lui. Il ne représente en rien pour moi une référence, contrairement à d’autres qui le considèrent comme un agent omniprésent et très compétent. Pour moi, il est évident qu’il est un petit opportuniste qui utilise des méthodes que la justice pourra expliquer beaucoup mieux que moi. D’ailleurs, je suis à la disposition des enquêteurs."
Vous n’avez jamais envisagé de déposer plainte contre Bayat ?
"Cela fait des années que je communique dans le métier que ce qui se passe est anormal. Je signale à plein d’acteurs dans le football que je trouve des choses très étranges sur le marché belge. Mais il n’y a pas beaucoup de personnes qui ont voulu m’écouter. Celui qui aurait osé en parler aurait été boycotté par les clubs."
Alors, quelle est sa méthode de travail ?
"Tout d’abord, il a des complices au sein des clubs. Sinon, c’est impossible de faire signer des joueurs aussi rapidement, parfois sans visite médicale. Je vous donne l’exemple de Sylla de Zulte Waregem, un joueur de Patrick De Koster. Il était blessé au moment de la signature. Mais Mogi est parti en Afrique pour le faire signer. En y ajoutant le salaire du joueur et les commissions, il s’agissait d’un investissement de 5 à 6 millions. C’est une faute grave de la part d’un club pro de dépenser de telles sommes pour un joueur qui ne peut pas être vérifié médicalement. Une visite médicale est une étape incontournable ! Hanni, lui, appartenait à Jonathan Maarek, un agent français, qui avait établi les contacts avec le Spartak Moscou. Comme par hasard, Hanni a dû soudainement abandonner son agent pour permettre à Mogi d’intervenir dans un transfert qui mérite d’être regardé de près par les enquêteurs."
Là, vous visez aussi Herman Van Holsbeeck.
"Comme cela a déjà été écrit, je suis la seule personne à avoir initié l’arrivée de Marc Coucke à Anderlecht. Je savais qu’il n’appréciait pas du tout Mogi et qu’il allait mettre Van Holsbeeck rapidement dehors, ce qui a été fait encore plus vite que je ne l’aurais cru."
Quelles sont les autres techniques de Mogi qui font du mal au métier ?
"Pour forcer des transferts, il encourage des joueurs à boycotter leur club en refusant de s’entraîner ou à critiquer leur club. Ils se rendent tellement ingérables que les clubs finissent par les lâcher à un prix inférieur à leur valeur. Il l’a fait avec Dirar pour quitter Bruges, avec De Belder pour quitter le Lierse et avec Proto pour quitter Ostende pour l’Olympiacos. Moi, je ne cautionne pas ce genre d’attitude de la part de mes joueurs. Malheureusement, beaucoup de dirigeants ont la mémoire courte."
Pourquoi est-ce que presque tous les clubs travaillent avec lui ?
"Il profite du manque de connaissance footballistique des propriétaires de clubs. On n’a pas des Beckenbauer, Rummenigge ou Wenger dans chaque club."
Vos accusations sont sévères.
"Je ne cherche pas la médiatisation, je ne parle presque jamais. Je n’ai rien dit quand Mogi a tweeté, après avoir mis Oulare au Standard, que j’étais un agent dépassé. Il l’a fait pour que les journaux parlent de lui. Il a ce qu’il veut : de ces jours, il fait la une de tous les quotidiens !"
"La commission ? Logiquement 7 % du salaire du joueur…"
Jacques Lichtenstein explique sa méthode de facturation et son principe : "Le club doit faire un effort pour le joueur, pas pour l’agent"
Combien touchent des agents sur un transfert ? Selon Jacques Lichtenstein, cela peut énormément varier. "La commission logique est de 7 % sur le contrat du joueur", dit-il. "La somme est payée par année, tant que le joueur reste dans ce club. 7 %, c’est déjà beaucoup. Dans 99 % des transferts que j’ai faits, j’ai reçu 0 % sur la somme de transfert. J’ai mis Kouyaté d’Anderlecht à West Ham. J’ai reçu 0 % des 8 millions."
Mogi n’a jamais caché avoir pris d’énormes commissions. "Il a même déclaré, dans une interview, qu’il était le joueur le mieux payé de Belgique. Or, il est évident que les intérêts du joueur doivent être la priorité de l’agent qui le représente. Lorsqu’un club paie d’énormes commissions à un agent, c’est souvent le signe que l’agent n’a pas fait son travail comme il le faut. Si un club est prêt à faire un effort énorme pour acquérir un joueur, c’est dans le contrat du joueur que cela doit être perçu et non pas dans la commission de l’agent."
"Saief et Hanni, les dernières opérations bizarres à Anderlecht"
Jacques Lichtenstein s’est posé beaucoup de questions en voyant les derniers transferts de Bayat sous Herman Van Holsbeeck. "Seul un aveugle ne verrait pas dans l’arrivée de Saief et le transfert de Hanni une précipitation de Van Holsbeeck pour faire encore deux grosses opérations avec Mogi Bayat", dit Lichtenstein. "L’arrivée de Saief était une soi-disant location. Mais les déclarations de Saief démontrent clairement qu’il s’agissait d’un transfert définitif, vu qu’il a tweeté : ‘Ici, à Anderlecht, tout est mieux qu’à Gand.’ Un joueur qui n’est pas sûr de ne pas retourner à Gand ne va quand même jamais déclarer cela. C’était donc une location déguisée. Voilà encore un magnifique exemple des pratiques utilisées par Bayat pour contourner les règlements."
Et quid du départ de Hanni à Moscou ? "Anderlecht était éliminé en Coupe, s’était pris une série de claques en Ligue des Champions et Hanni avait sauvé un point au Standard en inscrivant trois buts. Seule une fin de championnat exceptionnelle aurait pu sauver la saison d’Anderlecht. Hanni était considéré comme le meilleur joueur d’Anderlecht. N’est-ce pas étrange qu’Anderlecht l’ait quand même vendu ? Coucke aurait préféré terminer premier que troisième…"
La conclusion de Lichtenstein : "Sans Mogi Bayat, notre football va guérir…"