Vinícius Júnior, le Carioca qui fait danser le Real Madrid
L'attaquant de dix-huit ans déjoue les pronostics et enchaîne les matches à Madrid.
- Publié le 10-02-2019 à 15h26
- Mis à jour le 10-02-2019 à 15h33
L'attaquant de dix-huit ans déjoue les pronostics et enchaîne les matches à Madrid.
"Vinícius Júnior signe au Real Madrid." En voyant fleurir ces titres de presse au cours de l'été 2017, on se disait que le jeune Brésilien, seize ans à l'époque, filait tout droit sur les traces de Martin Ødegaard, très éphémère star du foot européen recrutée par les Castillans et actuellement prêté à Vitesse Arnhem, après avoir été refourgué à Heerenveen. Clarence Seedorf n'avait pas un avis différent: "Madrid est un club avec une très forte demande. Il ne va pas jouer. Zé Roberto était l'un des meilleurs joueurs que j'ai vu et ne s’est pas imposé. Eto'o a à peine joué", affirme l'ancien milieu de terrain merengue à SporTV, une chaîne de télé brésilienne.
Quatre mois après avoir disputé ses premières minutes sous le maillot du triple champion d'Europe en titre, le voilà qui a pris la place d'un Marco Asensio en délicatesse avec sa cuisse sur l'aile gauche du Real. Avec en prime un premier but en championnat, inscrit contre le surprenant Alavés. Et si le Carioca avait une chance de réellement s'imposer au sein d'un club qui a broyé tant de ses compatriotes ?
"Quand un gamin de presque dix-neuf ans se met en évidence de cette manière, cela surprend tout le monde, car cela n'arrive pas souvent. Il a beaucoup de mérite, et ses partenaires aussi, car ils l'ont accueilli, conseillé", disait à son propos Santiago Solari, après un Clasico très maîtrisé. À l'évidence, le coach est conquis par les qualités techniques d'un dribbleur au pur style brésilien. Plutôt bon signe...
Une enfance à la brésilienne
C'est aussi dans son histoire que le joueur rentre dans le moule auriverde dont sont sortis les Ronaldo et autres Ronaldinho. Celui qui veut qu'un gamin issu des quartiers pauvres d'une mégalopole réalise son rêve en gagnant son transfert en Europe au sortir de l'adolescence.
Issu d'une famille peu friquée de la banlieue de Rio de Janeiro, Vinícius José Paixão de Oliveira Júnior bénéficie de l'appui total de son clan, son paternel en tête, qui distingue assez vite le potentiel de son rejeton balle au pied. Celui-ci l'emmène en 2006 dans l'une des écoles chapeautées par le grand Flamengo. Entre lui et le coach Cacau, c'est le coup de foudre. "Il était toujours gai et s'amusait sur le terrain", explique ce dernier à O Globo Esporte. "Un jour, il était en U11, mais on l'a fait jouer avec les U13 et il a été excellent. À la fin du match, les enfants ont commencé à lui demander des autographes, à l'appeler Robinho. C'était assez drôle."
Robinho, Renato (ex-FC Séville, Santos) et aujourd'hui Neymar, c'est clair, Vinícius est un dribbleur qui aime caresser le ballon et en faire ce qu'il veut. Une habileté développée en futsal, un sport pratiqué durant son enfance en parallèle de son apprentissage à l'école Fla de São Gonçalo. "Je récupérais le ballon, lui passais vers l'avant et lui trouvait toujours une solution. Mon seul souci, c'était à l'entraînement, car je devais le marquer, et je n'y arrivais tout simplement pas", se rappelle son petit capitaine de l'époque. Il a sept ans et une évidence s'impose : il a le foot dans le sang.
Un si jeune gibier
Le foot oui, le futsal moins. Vinícius plaque le parquet pour se consacrer uniquement au pré. À dix ans, il rejoint enfin l'un des plus grands clubs du pays : le Flamengo, l'un des deux géants de Rio. Entre débrouille logistique pour l'emmener aux entraînements, dribbles et précocité, il ne lui faut que quelques années pour se faire un nom au sein du foot brésilien.
Mais ce sont surtout ses incroyables performances au championnat sud-américain des U17 que son talent explose. Sept buts en neuf matches, un triple sombrero contre le Paraguay, un triomphe qui ne souffre aucune discussion (victoire 5-0 contre le Chili en finale), le jeune homme est propulsé en pleine lumière.
Aussitôt sacré, il devient même une proie tiraillée entre le Barça et le Real, dont les émissaires raffolent de cet avant qui rend les latéraux droits complètement dingues. Et trois mois après sa démonstration sur les pelouses chiliennes, il signe chez les Merengues contre la somme de quarante-cinq millions d'euros. Du jamais vu pour un ado ! Histoire de ne pas le cramer trop vite, le Real et Flamengo concluent que le gamin restera encore un peu au Brésil.
Faire danser le Flamengo
De fait, sa première saison pro sous le maillot rubo-negro se déroule surtout sur le banc. Suffisant tout de même pour claquer son premier doublé et atteindre le dernier carré de la Copa Sudamericana. "Il est promis à un grand avenir", affirme Zé Ricardo, son premier coach pro, dans Marca. "À chaque fois qu'on l'a surclassé chez les jeunes, on n'a pas vu la différence. Il est mentalement fort et ne se laisse pas faire. Il semble imperméable à la pression, quel que soit l'âge ou la taille de son adversaire."
Au cours de cette année 2017, il prend donc le temps. Le temps de montrer chez les A que les qualités aperçues en classes d'âge n'étaient pas un mirage, de faire valoir sa vitesse supersonique. Et il prend du coffre (il fait désormais 1,77 mètre pour 73 kilos), celui qui lui manquait pour devenir un titulaire à part entière de Flamengo.
La saison suivante, l'aile gauche du club lui appartient. Les stats grimpent : trois passes décisives et quatre buts en sept journées, 2,6 dribbles par match. Et lui finit par s'envoler, direction Madrid, où il débarque au cours de l'été 2018. Avec son visage poupon et son appareil dentaire, il devient le héros d'une présentation en grande pompe, avec des mots d'amour de Florentino Pérez et la présence de Ronaldo (R9 !) pour l'accueillir.
Plutôt Neymar ou Robinho ?
Forcément, les comparatifs pleuvent sur lui. Son style vif, technique, son jeune âge, sa rapidité (il est flashé à 34 km/h contre Leganés en Copa del Rey !) rappellent Robinho, ex-future star du Real partie finir sa carrière en Turquie avec une affaire de viol collectif aux fesses.
Mais c'est surtout Neymar qui revient dans la bouche de Vinícius, qui possède lui aussi cette façon de provoquer l'adversaire grâce à des gri-gris à vous rendre fou. Et des tics de jeu qui ont eu le don d'agacer Marc Bartra face au Betis. "Il a passé plus de temps au sol que sur ses deux jambes", explique le défenseur à l'époque. "Je lui ai demandé d'arrêter de plonger mais il m'a insulté. Il lui reste beaucoup à apprendre."
C'est aussi ce que pense Julen Lopetegui, qui préfère le ménager, histoire qu'il poursuive son apprentissage. Et c'est entre le banc et la Castilla que Vinícius découvre son nouvel environnement. Il faut dire que l'Espagnol possède quelques options plus expérimentées, comme Isco ou surtout Asensio, pour garnir son flanc gauche. Sauf que cela ne prend pas.
L'éviction de l'ancien gardien de but, combinée à la blessure d'Asensio (pas très en vue cette saison) et la méforme de Gareth Bale vont changer la donne et lui offrir une porte d'entrée vers un onze de base auquel il avait goûté en Coupe, avec six assists et deux buts à la clé. Mieux, il s'installe à gauche et fait parler ses atouts avec une fraîcheur et une audace qui redonnent un peu de couleur à un Real pâlot cette saison.
Sur un petit nuage, le Brésilien met le feu aux défenses, permettant de libérer de l'espace pour un Karim Benzema revigoré. Notamment contre le Barça et surtout l'Atlético, où c'est lui qui obtient le penalty transformé par Sergio Ramos, qui donne l'avantage aux Merengues dans un derby madrileño chaud bouillant. Tout bénèf' pour Solari, qui espère maintenant que l'état de grâce de son poulain perdurera jusqu'à la fin de la saison.
"Il me rappelle un peu Eden Hazard. Il a tellement de confiance en lui et de foi en ses moyens à son âge. Il joue sans peur, ce qui les rend très similaires." Les mots sont signés Thibaut Courtois. Un duel Vinícius-Eden en perspective ? Voilà qui rendrait une arrivée d'Hazard cet été à Madrid encore plus excitante.