Comment l’Ajax Amsterdam a enfanté sa génération dorée
Les Néerlandais ont retrouvé tout leur savoir-faire en termes de formation.
- Publié le 05-03-2019 à 08h02
- Mis à jour le 05-03-2019 à 12h43
Les Néerlandais ont retrouvé tout leur savoir-faire en termes de formation. Ils s’appellent Frenkie de Jong (21 ans), Matthijs de Ligt (19), Donny van de Beek (21), Kasper Dolberg (21), André Onana (22) ou encore Rasmus Kristensen (21). Et pour eux, qu’importe finalement l’issue de ce 8es de finale retour de Ligue des champions, ce mardi 5 mars restera comme une date à part.
Elle résonnera comme un exploit majuscule en cas de qualification sur la pelouse du Real Madrid, triple tenant du titre, ou alors comme le crépuscule d’une génération dorée dont l’envol est programmé.
Celui de Frenkie de Jong est déjà acté, le milieu à la technique soyeuse a déjà signé au FC Barcelone cet été pour 75 millions d’euros (plus 11 en option).
Directeur technique du club, Marc Overmars en convenait dès le début de saison : "Ce sera impossible de garder cette équipe ensemble après l’été." Un nouveau cycle commencera alors après l’une des plus belles générations qu’a connues le club.
"Elle est presque aussi forte que celle de 1995. Je l’avais déjà dit en octobre quand l’Ajax allait affronter le Bayern et on s’était moqué de moi", a rappelé dans le magazine Panenka Louis Van Gaal qui, à l’époque, avait conquis la dernière C1 du club avec des gamins qui se nommaient Edwin Van der Sar, Frank et Ronaldo de Boer, Edgar Davids, Clarence Seedorf, Marc Overmars ou encore Jari Litmanen.
Leurs successeurs ne connaîtront sans doute pas la même destinée à Amsterdam mais peuvent rêver de la même gloire. Ailleurs.
Ils sont aussi le fruit d’un savoir-faire retrouvé. D’un vrai projet de club remis au goût du jour au début des années 2010 quand Johan Cruyff s’était ému à sa manière de ne plus reconnaître son Ajax.
Une révolution en forme de retour aux affaires des anciens s’est alors enclenchée. Avec dans le rôle de gardiens de l’héritage du maître à penser du football batave Marc Overmars, donc, mais aussi Edwin Van der Sar, directeur général ou encore Johnny Heitinga qui s’occupe des U19. Le tout en suivant les préceptes de Cruyff : "Ce n’est pas une équipe qui fait ses débuts, mais un joueur, un individu."
En résulte une approche individualiste assumée, revendiquée même qui peut surprendre vu la force d’un collectif qui a tant fait souffrir le Real en première mi-temps à l’aller.
"Oui, c’est vrai que nous nous concentrons sur l’individu. Nous ne résonnons pas en termes de classe d’âge comme le fait la fédération néerlandaise ou d’autres clubs. Cela peut être difficile pour les entraîneurs qui veulent des résultats mais nous essayons d’en trouver qui se concentrent sur le développement des joueurs", a édicté dans le New York Times Saïd Ouaali. Depuis l’été 2016, cet ancien joueur du cru, formateur reconnu, a pris la tête de l’académie du club De Toekomst ou l’avenir en version française.
Derrière la prétention du nom, un complexe de 12 terrains où se concentrent des talents essentiellement recrutés localement, à 60 km autour de la capitale. Où rares sont ceux à passer au travers des mailles d’un filet composé de huit recruteurs à plein-temps mais aussi d’un réseau de 90 bénévoles soit passés par le club, soit parfaits connaisseurs d’une philosophie qui a su évoluer avec son temps.
Conscient de la concurrence qui s’est accrue, Van der Sar, qui a poussé pour l’internationalisation de la marque Ajax avec en plus du club filial au Cap l’ouverture d’un bureau à New York et a noué un accord de partenariat avec Guangzhou RF, le nouvel employeur de Moussa Dembélé, a aussi considérablement desserré l’étau en termes de salaires. Le nerf de cette nouvelle guerre pour les prospects continentaux.
Les résultats sont là : cette politique de formation qui veut par exemple qu’aucun pro ne redescende en équipe réserve, 9e de la D2, pour faire le plein de temps de jeu se traduit par ce chiffre : 86 % des joueurs au club à 16 ans passent pro. Le plus souvent au sein d’un club qui a conscience de sa force. Et n’hésite pas à la mettre en scène.
L’été dernier, plusieurs pépites se sont vues comparées dans une vidéo interne à un grand ancien : le gardien Onana à Van der Sar, l’attaquant Kasper Dolberg à Zlatan Ibrahimovic, de Jong à Christian Eriksen, de Ligt au mythique défenseur des années 70 Barry Hulsoff et Justin Kluivert à son père Patrick.
"L’idée est de montrer comment devenir une légende à l’Ajax et aux Pays-Bas", a justifié dans le New York Times Edwin van der Sar. "L’objectif est de montrer qu’il faut rester le plus longtemps possible. Pour rester ensemble, gagner des trophées et des récompenses et ensuite franchir le pas."
À l’arrivée, seul le fils Kluivert a quitté un club qui n’hésite pas à ajuster sa politique de recrutement pour favoriser l’éclosion de ses promesses, comme Davy Klaasen, vendu à l’été 2017 à Everton, pour faire place à Donny van der Beek. Et derrière le milieu et ses camarades de promotions, Ryan Gravenberch, plus jeune joueur de l’histoire à évoluer en équipe première à 16 ans et 130 jours lors de ses débuts à l’automne, ou encore Brian Robbey, même âge, décrit comme un phénomène aux qualités athlétiques hors normes, pointent déjà le bout de leur nez.