Mandela Keita, la plaque tournante de l’Antwerp qui rêve de l’Euro : "J’ai les épaules pour être un leader des Diables dans le futur"
Le joueur de 21 ans, titulaire indiscutable chez les Anversois, veut accrocher une seconde Coupe de Belgique d’affilée.
- Publié le 08-05-2024 à 16h03
- Mis à jour le 08-05-2024 à 16h36
Le réplica du trophée trône à l’entrée principale du Bosuil, le stade de l’Antwerp. Coincée entre celle du championnat et de la Supercoupe 2022-2023, la Coupe de Belgique remportée par les hommes de Mark van Bommel la saison dernière attend avec impatience d’être accompagnée de celle de cette saison. “J’avoue que je ne passe jamais devant le trophée, sourit Mandela Keita en lançant un regard vers le trophée après avoir charrié son coéquipier Michel-Ange Balikwisha. Cela fait déjà partie du passé même si c’est quand même incroyable d’être pour la seconde fois d’affilée en finale.”
Si l’Antwerp peut à nouveau rafler la Coupe, c’est entre autres grâce aux performances du joueur de 21 ans, titulaire indiscutable depuis le début de la saison. La tête bien ancrée sur les épaules, le néo Diable rouge est revenu sur la mauvaise passe de son équipe, son rêve de l’Euro mais aussi son possible transfert cet été et son changement radical de mentalité. Le tout avec maturité et calme, comme sur le terrain.
Quel est le sentiment général dans le vestiaire avant cette finale de Coupe de Belgique ?
”Le groupe est confiant même si cela n’a pas été facile mentalement d’enchaîner plusieurs défaites en playoffs. Mais nous avons montré dimanche face à Bruges que nous n’avions pas perdu notre football et que nous sommes prêts pour jeudi. Je ne ressens aucune nervosité dans le groupe, l’équipe est vraiment sereine. La préparation est la même que pour un match de championnat ; cela ne sert à rien de changer nos habitudes même si c’est une rencontre à part avec un trophée à aller chercher. Il faudra juste être prêt mentalement.”
Quel regard portez-vous sur la qualité de votre adversaire ?
”L’Union a encore prouvé cette saison qu’il s’agissait d’une équipe coriace difficile à manier. Il faudra être très fort pour remporter cette finale. Je ne pense pas que nos deux récentes défaites en playoffs leur ont donné un avantage psychologique. Cela fait déjà partie du passé, à nous de regarder vers l’avant.”
L'Antwerp actuel n'est pas moins bon qu'il y a un an.
Peut-on dire que la saison de l’Antwerp sera ratée en cas de défaite en finale ?
”Je ne vais pas dire qu’il s’agira d’une saison ratée, mais c’est clair que cela ferait mal de terminer la saison sans trophée. Nous sommes toujours un club en construction qui essaie de s’améliorer à différents points de vue. Il n’y a pas de pression supplémentaire vu nos récents résultats ; je ressens vraiment des ondes positives dans le vestiaire.”
Vous disiez il y a quelques mois que l’Antwerp joue mieux que la saison dernière, c’est toujours votre avis ?
”Oui mais je dois m’expliquer (sourire). La saison dernière, nous avions moins le contrôle de jeu et nous faisions souvent la différence grâce à des actions individuelles. Cette saison, nous dominons plus les rencontres en ayant plus souvent la balle. Nous avons une façon de jouer qui est différente face à des équipes qui se positionnent avec un bloc bas sur le terrain. Nous nous sommes améliorés dans de nombreux domaines par rapport à la saison dernière mais nous devons encore être meilleurs dans le dernier geste. En tout cas, l’Antwerp actuel n’est pas moins bon que l’Antwerp d’il y a un an.”
Comment expliquez-vous alors le bilan de 3 sur 21 dans ces playoffs ?
”Une dynamique négative s’est installée dès le début des playoffs. À Anderlecht, lors de la première journée, nous faisons une très bonne première mi-temps avant de prendre un carton rouge et de subir une première défaite. Les premiers résultats n’étaient pas bons et c’est resté dans la tête. Nous avons aussi eu pas mal de malchance cette saison. Il faut désormais réussir à sortir de ce mauvais flow.”
Quelle note sur dix vous donneriez-vous pour votre saison personnelle ?
”(il réfléchit longtemps) Je me donnerais un 7,5 sur 10, la même note que je me serais donnée la saison dernière. Le contexte est toutefois différent : cette saison, j’ai pu beaucoup apprendre en jouant en Ligue des champions et en étant appelé chez les Diables. La saison dernière, je n’étais pas aussi loin dans mon processus d’évolution mais les résultats de l’équipe étaient meilleurs.”
Quel est votre meilleur souvenir cette saison ?
”La victoire contre Barcelone en Ligue des champions restera gravée dans ma mémoire. Je suis supporter de ce club depuis tout petit grâce à des joueurs comme Ronaldinho ou Messi. Alors réussir à battre ce grand nom du football européen, c’est quelque chose d’incroyable. Un maillot d’un adversaire ? Non, je ne suis pas quelqu’un qui demande les maillots après les matchs car cela ne m’intéresse pas (rires). Après une victoire, je préfère fêter cela avec mes coéquipiers plutôt que me jeter sur un adversaire pour lui demander son maillot. Mais il y avait quand même certains joueurs que j’admire comme Frenkie De Jong qui joue à la même position que moi et qui performe à un niveau exceptionnel.”
En octobre dernier, vous avez reçu vos premières minutes chez les Diables rouges. Quelle sensation gardez-vous de ce moment ?
”J’avais rêvé de ce moment depuis mon enfance, c’est donc un rêve qui est devenu réalité. C’était un moment d’autant plus incroyable que je suis monté au jeu durant le match qui qualifie la Belgique à l’Euro. J’ai quand même encadré ce maillot-là, il est à la maison (sourire).”
L'Euro reste dans un coin de ma tête.
Vous n’avez ensuite plus été repris à cause de blessures, comment avez-vous vécu cela ?
”C’était très frustrant car j’avais une grosse envie de me montrer devant le coach. J’ai réussi à garder un esprit positif car ce n’était pas la première fois que je me blessais. Le coach Tedesco est resté en contact avec moi durant cette période en essayant de me garder motivé. Malgré cela, l’Euro reste dans un coin de ma tête malgré la grosse concurrence à mon poste. Si je réalise une bonne fin de saison avec l’Antwerp, tout est possible même si je n’y pense pas encore maintenant.”
Pensez-vous avoir les épaules pour être un leader des Diables dans le futur ?
”Oui je pense pouvoir y arriver mais je dois encore m’améliorer dans beaucoup de domaines. Je dois par exemple être encore plus un leader sur le terrain. Si j’améliore mon jeu et si je garde les pieds sur terre, je pourrais devenir un patron chez les Diables mais le chemin est encore long.”
Serez-vous encore à l’Antwerp la saison prochaine ?
”Pour le moment, je suis très heureux ici avec un très gros temps de jeu. Je suis encore sous contrat jusqu’en 2028 et je verrai ce qu’il se passera cet été. C’est peut-être le bon moment mais je ne vais pas affirmer que c’est absolument le moment de passer une étape dans ma carrière. J’ai encore des objectifs avec l’Antwerp d’ici la fin de saison et nous verrons pour la suite.”
Il y a quand même quelques grands noms du football européen qui vous suivent…
”C’est flatteur mais j’essaie de rester calme d’autant qu’il y a une différence entre l’intérêt d’un club et une offre concrète. La compétition de mes rêves ? Je n’ai pas un championnat qui m’attire plus qu’un autre. Le plus important est de se sentir bien et apprécié dans son environnement. C’est vrai que cela pourrait me permettre de me faire une place chez les Diables mais je ne réfléchis pas à tout cela maintenant.”
Quel rôle joue votre mère, avec qui vous avez une relation très forte, dans votre carrière ?
”C’est assez simple : ma mère est tout pour moi. Quand j’étais petit, elle a tout fait pour moi et je ne serais pas là où je suis sans elle. Nous vivions à deux durant toute ma jeunesse et elle a tout lâché pour me mettre dans le confort. Grâce à mes performances, j’arrive à lui donner un peu de bonheur mais ce ne sera jamais égal à tout ce qu’elle m’a donné. Je suis tellement reconnaissant de ce qu’elle a fait pour moi…”
J'ai souvent voulu arrêter le football car je ne me trouvais pas assez bon.
Avez-vous le sentiment de revenir de loin ?
”Oui, clairement. J’ai beaucoup douté durant mon enfance et j’ai même souvent voulu arrêter le football car je ne me trouvais pas assez bon. Je n’étais pas content de mes performances et je voyais que je ne rendais pas ma maman fière. Il y a eu des moments où j’étais vraiment au bout. Dans ces moments de doute, ma mère m’a toujours remonté le moral en me disant que mon heure allait venir. Elle avait sacrifié tellement de choses pour moi que je ne pouvais pas arrêter du jour au lendemain.”
Vous avez aussi vécu des drames dans votre vie privée (NdlR : la mort d’un coéquipier à OHL dans un accident de voiture et le décès récent de son père). Quel impact cela a eu sur votre carrière ?
”Cela m’a permis de relativiser les choses. Avant, j’étais un grand stressé : je ne voulais pas faire la moindre erreur car j’essayais d’être le joueur parfait pour ne pas décevoir ma mère et les gens qui ont cru en moi. J’étais aussi stressé dans ma vie privée car je voyais que cela n’allait pas dans le foot et je n’avais aucune idée de ce que je pouvais faire d’autre dans la vie. À un moment, j’ai eu un switch mental après un long travail personnel. Ce qu’il m’est arrivé dans la vie m’a permis de relativiser les choses. Cela ne vaut par exemple plus la peine de stresser pour un match de football. J’essaie juste de faire de mon mieux sur le terrain et de prendre du plaisir.”