Les anecdotes anderlechtoises de De Pot, ancien bras droit de Verschueren: "De Bree aurait pu aller en prison à vie en Chine à cause de Boskamp"
L’homme de 76 ans, ancien footballeur et entraîneur de jeunes à l’Union, a réalisé 66 déplacements européens pour Anderlecht.
- Publié le 11-04-2024 à 14h00
- Mis à jour le 11-04-2024 à 14h08
Une rencontre entre Anderlecht et l’Union amène tout de suite un tas de souvenirs à Robert De Pot. Ancien joueur de la réserve unioniste (”L’Union reste mon club de coeur”), De Pot a ensuite entraîné les jeunes de l’Union puis d’Anderlecht avant de devenir le bras droit de Michel Verschueren chez les Mauves. “Son ancien adjoint volait dans les caisses, raconte l’homme de 76 ans. J’ai rencontré Philippe Collin à la buvette du Heysel qui m’a proposé de m’occuper des relations internationales et donc de l’organisation des déplacements européens.” Au total, Robert De Pot fera 66 déplacements avec de nombreuses anecdotes dans sa besace. De Boskamp à Goethals en passant par Merckx et Ramazzotti.
L’amitié avec Merckx
”Son fils Axel jouait en cadets provinciaux à Anderlecht. Il a vite compris que son fils n’avait pas de futur dans le football. Ensuite, j’ai joué avec Eddy avec les Vétérans d’Anderlecht aux côtés de Jurion ou Lippens. J’aurais aimé rouler comme lui jouait au football… Un jour, un cousin échevin des sports en Italie m’a demandé d’amener l’équipe de Vétérans dans la ville de Mantoue, près de Vérone. Là-bas, les habitants avaient deux photos chez eux : une du Pape Jean-Paul II et une de Merckx. Quelques jours avant le départ, Eddy m’appelle : 'J’ai une tuile car je suis invité par la Cour d’Espagne pour l’inauguration d’un centre sportif pour cyclistes. Mais tu sais quoi ? Je vais annuler avec la Cour et je viens en Italie !' Je reçois toujours la carte de Nouvel An signée par Claudine et Eddy, présents au repas de mon mariage, et qui était mon voisin en Tribune d’Honneur à Anderlecht.”
Le chanteur et Verschueren
”En 1990, nous étions à Dortmund avec Anderlecht (NdlR : 2-1, huitième de finale de Coupe de l’UEFA) quand un jeune homme entre dans le hall de l’hôtel accompagné de trois cameramen. Interloqué, j’explique à Verschueren qu’il s’agit du chanteur Eros Ramazzotti avant qu’il ne me réponde : 'Et il joue dans quelle équipe ?' Quand il est parti à la pension, j’avais contacté par fax tous les clubs européens affrontés par Anderlecht pour qu’ils lui envoient un petit cadeau. Nous avions reçu une soixantaine de cadeaux qu’on avait entreposés dans la T4 du Sporting. On lui en a fait la surprise un soir et il a tout ramené dans une pièce de sa maison.”
Verschueren m'a demandé dans quelle équipe jouait Ramazzotti.
Les escaliers de Vanden Stock
”J’ai rencontré Constant Vanden Stock pour la première fois dans sa brasserie Belle-Vue. Il fallait s’annoncer à l’entrée avant de monter par les escaliers jusqu’à son bureau. 'Bonjour De Pot', m’a-t-il lancé lui qui appelait tout le monde par son nom de famille. Plus tard, j’ai appris que je lui avais fait bonne impression en marchant au milieu des escaliers. Il jugeait que ceux qui se tenaient à la rampe en montant à son bureau n’étaient pas des conquérants. Quand j’ai signé mon contrat, il était sur une chaise surélevée et moi sur une chaise basse pour bien marquer la différence. Un jour, j’ai croisé Roger Vanden Stock avec qui j’avais joué en jeunes et je lui avais lancé 'Salut Roger !'. Le lendemain, Constant Vanden Stock m’a convoqué dans son bureau : 'Dorénavant, ce sera Monsieur Roger'.”
Le sac de billets chinois
”En échange d’une tournée en Chine avec Anderlecht, nous avions reçu de l’argent chinois. Je suis descendu dans les toilettes de l’hôtel avec le kiné du club pour compter les billets. À l’époque, nous ne pouvions pas sortir de Chine avec de l’argent chinois. Boskamp avait proposé d’envoyer Nico De Bree en bus avec le sac d’argent pour le retrouver à l’aéroport. Il n’a jamais su qu’il avait voyagé avec un sac plein de billets (sourire). S’il avait été pris, il aurait peut-être fait de la prison à vie… Nous étions aussi allés voir la Grande Muraille de Chine. En arrivant au pied d’une des entrées de cet incroyable endroit, Boskamp me lance avec son accent hollandais : 'Non, cela ne m’intéresse pas, je reste dormir dans le bus !'”
L’agression en Ossétie du Nord
”En 1996, nous sommes allés jouer contre Vladikavkaz (NdlR 2-1, premier tour de la Coupe de l’UEFA), en Ossétie du Nord. Le déplacement coûtait environ 70 000 francs belges par personne et il y avait exactement trois supporters d’Anderlecht… Le soir avant le match, un des trois fans mauves s’était fait agresser dans un parc juste à côté de l’hôtel. On lui avait volé son passeport, cela avait été la croix et la bannière pour qu’il retourne en Belgique ! Nous avons une autre fois voyagé dans une zone de guerre : on pouvait voir l’échange de missiles depuis la fenêtre de notre chambre d’hôtel…”
Les seins nus à Tiraspol
”En 2001, j’étais parti en prospection en Moldavie quelques jours avant qu’Anderlecht n’affronte le FC Sheriff Tiraspol (NdlR : 1-2, deuxième tour préliminaire de Ligue des champions). Dans le seul hôtel disponible dans la capitale moldave, à Chisinau, il y avait quatre prostituées qui attendaient à chaque étage. J’avais pris un bus de la Fédération moldave pour aller rencontrer le Président à Tiraspol. Le pays était en guerre et il avait fallu passer cinq checks points avec des hommes armés. Sur place, le Président m’a fait visiter sa résidence qui n’était qu’en marbre. Dans sa cave, il avait des milliers et des milliers de bouteilles de vins et d’alcool. Nous avons dîné ensemble et les serveuses qui nous apportaient les plats étaient seins nus.”
Verschueren et les tombes moscovites
”En 2001, nous avons aussi affronté le Lokomotiv Moscou (NdlR : 1-1, phase de groupes de la Ligue des champions). Avec Verschueren et Collin, nous sommes allés nous promener sur la Place rouge. À l’arrière du Kremlin, il y avait un cimetière totalement fermé au public avec les tombes de Lenine, Staline ou Khrouchtchev. Verschueren a ouvert son portefeuille et, en regardant les deux gardes à l’entrée, a laissé dépasser un billet de 20 dollars. 'Niet, niet, niet !' Il a sorti un deuxième billet puis un troisième jusqu’à proposer 100 dollars aux gardes qui nous ont finalement laissé rentrer dans ce cimetière totalement interdit aux visiteurs. En rentrant à l’hôtel, il y avait une dizaine de télévisions qui semblaient passer un film catastrophe. La femme de Roger Vanden Stock m’a expliqué qu’il s’agissait des attentats aux États-Unis. Nous étions le 11 septembre…”
Le drame du Heysel
”Lors de la finale de Coupe d’Europe 1985 au Heysel, j’avais été délégué auprès de la Juventus par la Fédération belge. Lors du lunch officiel sur la Grand-Place de Bruxelles, j’avais dit au bourgmestre Brouhon en voyant des gens totalement ivres : ‘Il faudrait prévenir la police car cela ne sent pas bon…’ Avant le match, je parlais avec Platini devant le vestiaire de la Juve quand un collègue est venu me dire qu’il y avait des incidents graves dans le bloc Z avec des morts. Malgré les horribles événements, il y a bien eu le dîner officiel après le match… La nuit suivante, le Président de la Juventus Boniperti m’appelle car il voulait se recueillir devant les corps des fans italiens décédés. À cinq heures du matin, nous avons roulé à deux jusqu’à Neder-Over-Hembeek. Certaines victimes avaient un bracelet pour les identifier et d’autres n’avaient qu’une couverture sur eux.”
Au restaurant avec Daerden
”Je me suis retrouvé un jour sur la terrasse d’un restaurant italien très chic à Bruxelles avec le représentant de l’AC Milan et Lucien D’Onofrio qui avait ramené Michel Daerden. Avec son gros accent liégeois, Lucien a demandé une première bouteille de vin. ‘Non, trop froide !’ puis une deuxième. ‘Non, pas assez tempérée’. Finalement, la troisième bouteille était la bonne. Pendant le repas, un couple s’est arrêté à notre hauteur et la femme a lancé à son mari en pointant Daerden du doigt : ‘Ah, il est là ce con !’ Avec son flegme légendaire et son tout aussi fort accent liégeois, Daerden s’est retourné vers D’Onofrio : ‘Dis Lucien, est-ce que c’est sur moi qu’ils en ont ?’”
Je ne me lassais pas d'entendre Goethals massacrer le nom des joueurs.
La tactique de Goethals
”Lors d’un match amical joué à Milan, l’entraîneur Raymond Goethals jouait aux cartes dans le hall de l’hôtel. Les joueurs avaient quartier libre et nous sommes restés dans le hall à jouer aux cartes jusque tard. À deux heures du matin, un joueur est arrivé sur la pointe des pieds avec ses chaussures en main. Goethals a reconnu Guy Marchoul : 'Choule, tu viens d’où avec tes souliers en main ? Tu es allé faire un tour ? Et bien demain, tu tiendras aussi tes souliers en main !' Et Marchoul est resté assis sur le banc tout le match. Quand il était à la retraite, Goethals venait souvent me voir dans mon bureau au secrétariat du Sporting avec toujours le même rituel : il enlevait son vieux ‘trench’, déposait son paquet de cigarettes Belga sur mon bureau et m’expliquait la victoire de ‘son’ OM contre Milan en finale de Ligue des champions en 1993 avec sa tactique décryptée via des croix couchées sur un petit papier. Je ne me lassais pas de l’entendre massacrer le nom des joueurs : Van Basten devenait 'Van Batsen', Gullit était 'Gullik' et puis il y avait son Basile Boli : 'Avec celui-là fieu, tu pouvais aller à la guerre hein !'”