Les confessions du fils de Michel Preud’homme: "Je supporte le club dans lequel je retrouve l’âme de mon père"
Avant le 3e retour de MPH à Bruges, Guilian Preud’homme se livre sur son père.
- Publié le 08-04-2019 à 06h51
- Mis à jour le 08-04-2019 à 11h24
Avant le 3e retour de MPH à Bruges, Guilian Preud’homme se livre sur son père. Toute la Belgique du foot a encore en tête ses larmes de joie le 20 avril 2008 lorsque son papa, Michel Preud’homme, ramenait le titre à Sclessin après 25 ans d’attente. "Ah oui, j’avais encore mes crolles", sourit Guilian. À 26 ans, le "petit enfant crollé" a bien grandi. Aujourd’hui Airport planning manager à Brussels Airport, c’est avec franchise et admiration qu’il se livre sur son coach de papa à quelques heures d’un rendez-vous crucial à Bruges.
Guilian, êtes-vous excité par ces playoffs 1 ?
"Absolument. Ce Standard est imprévisible mais il peut faire mal à tout le monde si les joueurs sont réceptifs aux consignes. D’habitude, avec papa en PO1, on veut toujours être champion. C’était le cas à Bruges. Avec le Standard, l’objectif est avant tout de présenter un meilleur bilan qu’en phase classique face à ces équipes. Pour le reste, l’ambition, cela reste l’Europe. Pour moi, Genk et Bruges restent favoris et le Standard est l’outsider. Mais tout peut aller très vite en PO1."
Comment avez-vous senti votre père tout au long de cette saison ?
"Au début de saison, il y avait pas mal de hauts et de bas mais c’est tout à fait normal. C’était un grand changement pour les joueurs, le club et les supporters. Quand c’était bon, c’était vraiment très bon mais à l’inverse, quand c’était mauvais, c’était très mauvais. Je pense, car je ne parle pas de ce genre de choses avec papa, que cette période a duré plus longtemps que ce que le staff l’avait pensé."
Cela l’énervait ?
"Non mais je sentais qu’il était très occupé avec ça. Il cherchait à ce que son équipe soit plus stable. La structure, c’est primordial. Quand ça ne va pas, il faut savoir retomber sur ta base et en début de saison, il n’y avait pas vraiment de juste milieu mais cela ne vient pas du jour au lendemain, cela prend du temps. Avec papa, du moins en Belgique, la première année, c’est toujours une année de sacrifices au cours de laquelle il faut remettre l’équipe en ordre. C’est souvent la deuxième saison qui est meilleure."
Cette saison sera peut-être l’exception avec un titre à la clé ?
"Si les Rouches sont champions, c’est un gros bonus mais ce n’est pas l’objectif principal et il ne sert à rien de mettre de la pression."
Lundi, votre papa effectuera déjà son 3e retour à Bruges, est-ce encore spécial pour lui ?
"Certainement que cela lui fera quelque chose car là, ce sont les PO1. Mais le premier objectif, ce sera de faire mieux qu’en phase classique."
Bruges représente une grosse partie de sa carrière.
"C’est là où il est resté le plus longtemps et il a encore plein d’amis à Bruges où, avec toute l’équipe mise en place, ils ont ramené le titre après onze ans d’attente. Cela lui a pris trois ans pour fonder une équipe compétitive pour le titre. Ils ont mis une structure en place et aujourd’hui, c’est plus simple d’obtenir de bons résultats. Il a ramené la rage au club, cet enfer à la flamande."
De votre côté, on vous a souvent reproché de supporter différentes équipes en Belgique.
"Je suis avant tout supporter de mon père. Je sais qu’un supporter ne changera jamais de couleurs mais moi, je supporte un club quand j’y retrouve l’âme de mon père. Quand je suis allé voir Bruges la saison après le départ de mon père, c’était différent pour moi, je n’ai pas ressenti la même chose. Mais à la base, j’ai toujours supporté le Standard car je suis tombé dedans tout petit. On est parti au Portugal quand j’avais six mois et on est revenu pour le Standard."
Quelles ont été vos plus grandes émotions ?
"Il y a en trois. Évidemment, le titre au Standard. C’était incroyable, on aurait dit que le stade avait doublé de volume tant il y avait du monde. Je me souviens qu’après le match, le terrain était noir de monde mais les tribunes étaient toujours aussi remplies. On se demandait d’où provenaient tous ces gens. À Twente, il y a eu cette finale de Coupe à Rotterdam face à l’Ajax. C’était 2-0 pour les Ajacides et on arrache les prolongations pour finalement l’emporter 3-2 juste avant les tirs au but. C’était pareil avec Bruges en finale contre Anderlecht avec ce but de Refaelov dans les arrêts de jeu, ce sont des moments d’exploit."
Lorsque votre père est parti pour Al Shabab, il vous a proposé de devenir son analyste vidéo. Pourquoi ne pas avoir accepté ?
"Le foot et l’aviation, ce sont mes deux passions dans la vie. Je trouve dommage de ne jamais avoir travaillé pour mon père car je suis certain que j’aurais énormément appris."
Vous êtes encore jeune, vous pourriez encore rejoindre votre père.
"Papa ne va pas encore continuer dix ans et de mon côté, je suis épanoui dans mon boulot à l’aéroport où j’ai énormément d’objectifs et j’adore ce que je fais."
Y a-t-il des points communs entre vos deux passions ?
"Bonne question. Des deux côtés, il faut savoir être un peu politique dans le sens qu’on doit entretenir des contacts, connaître les bonnes personnes. Moi, je suis un battant et je veux réussir. J’ai envie d’apporter des idées novatrices à l’aéroport, des choses qu’on utilisera encore dans plusieurs années. C’est un peu comme un coach dans le foot qui prépare l’avenir de son club."
Comment vous est venue cette passion de l’aviation ?
"Lorsqu’on habitait au Portugal, avec ma maman, on avait pris pour habitude d’aller sur une montagne pour voir les avions qui atterrissaient à Lisbonne. Une fois rentré en Belgique, on venait souvent à l’aéroport pour voir les avions. C’est vrai que si papa ne joue pas au Portugal, jamais je ne grimpe sur cette montagne pour observer les avions…"
Est-ce que cela a parfois été difficile d’être le fils de Michel Preud’homme ?
"Étant jeune, oui. Quand tu es à l’école, on t’ennuie souvent avec ça. Même au niveau des enseignants, on te regarde différemment. Mais en grandissant, on s’habitue."
Lorsque votre père était à Bruges, vous aviez pourtant eu du mal.
"Je ne supportais pas les critiques et cela me rendait fou. Je réagissais à tout sur les réseaux sociaux. Je n’acceptais pas ce qu’on disait de mon père. Lui m’a déjà dit, même lorsque j’étais jeune, qu’il ne fallait jamais réagir car cela finirait toujours par se retourner contre moi. Aujourd’hui, ça fait encore mal quand je vois les critiques mais je me suis calmé. Mais l’avantage que j’ai, c’est que mon père a eu beaucoup de succès dans sa carrière."
C’est un exemple pour vous dans la vie ?
"Totalement. Professionnellement, il a tout réussi et a été le meilleur partout. Il a tout donné et consenti à d’énormes sacrifices pour ne pas avoir de regrets. C’est également ce à quoi j’aspire. Je viens justement de revenir de deux semaines de vacances et à chaque fois que je pars, j’ai du mal à oublier le boulot et j’ai compris que j’étais heureux quand je suis fort et que je progresse dans ma vie professionnelle. C’est un objectif de vie pour moi et pour mon père, c’est pareil. Tout ça, cela vient de papa sans qu’il m’ait obligé à être comme ça même s’il aimait toujours qu’on fasse tout pour réussir."
Michel Preud’homme a évolué en tant que coach, mais qu’en est-il du papa ?
"Il a également évolué. Avant, on n’avait le sentiment qu’il ne fallait pas le déranger. Durant cette période, cela me manquait de parler avec lui et il l’a compris. Il a ainsi été plus accessible pour ma sœur et moi. On a ressenti ça quand il est arrivé à Bruges. Parfois, quand il a décidé d’une chose, le papa se transforme en coach et c’est comme ça, pas autrement. Mais il est ainsi 5 % du temps (rires) . C’est un super papa."
"Plus fort qu'avant l'année sabbatique"
Un moment qui a été spécial à vivre pour les proches de Michel Preud’homme.
Après son aventure brugeoise, Michel Preud’homme a décidé de prendre du temps pour lui, un peu de recul à la faveur d’une année sabbatique. Un moment qui a été particulier à vivre pour ses proches.
"C’était une zone grise pour moi", confie Guilian. "Comme il ne travaillait plus, il passait ses journées à faire des choses basiques comme sortir les poubelles, laver tout l’intérieur de la maison pour que tout soit nickel ou encore entretenir les corniches. On n’était pas habitué à le voir faire ça. Il s’est ensuite plongé dans le golf pour augmenter son handicap. On a alors senti qu’il était encore plus énervé qu’avant car ça n’allait pas comme il voulait. Il disait : ‘J’ai plein de temps pour m’investir là-dedans et ça ne va pas.’ Il cherchait vraiment encore l’adrénaline pour montrer qu’il était le plus fort. Avec nous, il était normal, calme mais dès qu’on jouait à un jeu, c’était reparti (rires) ."
Et Guilian Preud’homme de se rappeler d’un souvenir précis de vacances. "On était à Abu Dabi. Avec ma sœur, on jouait face à Mark Van Bommel et ses enfants. Au début papa ne voulait pas jouer, prétextant son âge et différents maux. Il est tout de même venu sur le terrain et il a dit :‘Bon, ça ne va pas, on va restructurer l’équipe. Si la balle vient là, toi tu fais ça, etc.’ On n’avait rien compris et à un moment donné, la balle tombe au milieu de nous tous et personne ne bouge. Il a alors dit que si on ne voulait pas écouter ses consignes, il partait (rires) ."
De retour à Sclessin en juin dernier, MPH a retrouvé ce qui lui manquait. "Il est heureux car il est chez lui. Il a ses proches autour de lui, c’est son stade, son Académie qu’il a construite. Papa est plus apaisé que par le passé. Il a bonne mine aujourd’hui avec sa barbe qu’il entretient dans un barber shop et je trouve qu’il est top comme ça. C’est un bel homme, hein (rires) ."
Guilian Preud’homme estime également que son père a évolué.
"Il a toujours sa fougue et sa rage mais elles sont plus ciblées. Il ne perd plus d’énergie sur des choses qu’il ne peut pas gérer. Je trouve qu’il est plus fort qu’avant son année sabbatique. Même au cœur d’un match, il sait rapidement trouver une solution à un problème précis."
"Je lui demande toujours l'équipe par Whatsapp"
Grand superstitieux, Michel Preud’homme semble avoir contaminé tout le monde dans la famille. “C’est vrai
qu’on a tous nos rituels”, rigole Guilian qui, à chaque jour de match, doit en exécuter un bien précis.
“Le matin, je dois lui envoyer un message sur Whatsapp pour avoir la composition de l’équipe. Je lui fais alors un petit commentaire auquel il ne répond jamais et ensuite, je lui dis bon match. Si par malheur, je ne lui envoie pas le message, il ne m’envoie pas la composition mais cela n’arrive jamais (rires) .”
Du coup, un rituel en a entraîné un autre… “Sur le chemin du stade, dans la voiture, ma compagne doit alors deviner l’équipe, toujours.”
Une fois au stade, Guilian et sa sœur, Megan, doivent être visibles aux yeux de leur papa.
“Quand il se retourne, c’est nous qu’il regarde mais c’est un regard qui passe au travers de nous car il est tellement dans son match qu’il ne se dit pas qu’il voit ses enfants, c’est plus comme un point de repère. Il veut davantage voir comment nous, on réagit à certaines situations.”