Le nouveau gardien de l'Excel, Hervé Koffi, se confie: "Mon père m’avait prévenu que c’était vraiment difficile pour un gardien africain de percer en Europe"
Hervé Koffi se livre sur son enfance au Burkina Faso et sur sa jeune carrière.
- Publié le 13-08-2020 à 11h01
- Mis à jour le 14-08-2020 à 20h38
"Je ne connais plus personne à Mouscron. Je sais juste qu’ils ont un très bon gardien."
Les mots sont signés par Thibault Peyre, prochain adversaire des Hennuyers. Et ils décrivent parfaitement le phénomène Koffi.
En un seul match, le Burkinabé a épaté tout son monde grâce à plusieurs réflexes. Celui que l’on surnomme le Chat au pays n’était pourtant pas prédestiné à occuper le poste de dernier rempart. "Jusqu’à mes 11 ans, j’étais défenseur central. Je suis rapidement parti dans un centre de formation à Ouagadougou. C’est lors de ma deuxième année dans la capitale que l’on m’a fait reculer d’un cran", se souvient le portier.
Une transition peu évidente, pas tant sur le plan sportif, mais davantage au niveau familial. Son papa, Hyacinthe Koffi, a porté les couleurs de l’équipe nationale. "C’était aussi un défenseur central. Quand je lui ai indiqué que l’on voulait me placer comme gardien, il m’a prévenu que je devrais beaucoup travailler et que ce n’était pas facile pour un gardien africain de percer en Europe. Au fond de lui, j’ai senti qu’il était un peu déçu que je n’occupe plus le même poste que lui", sourit-il.
Des débuts en D1 à 17 ans
Qu’importe, façonné par l’ancien international Ibrahima Diarra, Koffi apprend vite les spécificités de son nouveau rôle, à tel point qu’il quitte Ouagadougou pour rejoindre une autre académie plus prestigieuse, celle du Rahimo, qui se situe dans sa ville natale de Bobo-Dioulasso. Là où a également été formé Issa Kaboré, qu’il retrouvera vendredi.
Après son écolage, le récent transfuge mouscronnois débute en D1 à l’âge de 17 ans au Racing club de Bobo. C’est là que tout va s’accélérer pour lui.
"Lors de ma deuxième saison, nous avons remporté le titre. J’avais 18 ans. C’était phénoménal d’être champion de mon pays avec l’équipe de ma ville. Je suis parti dans la foulée au Congo disputer les Jeux africains avec les espoirs. C’était un rêve qui se réalisait mais ça n’a pas été facile à Brazzaville. C’est la première fois que j’avais affaire à la pression. Au Burkina Faso, le championnat est suivi mais les stades ne sont pas remplis. Là-bas, les arènes étaient combles", se remémore le joueur prêté par Lille.
Cette atmosphère n’aura aucune incidence sur les performances du jeune gardien. Seul le Sénégal parviendra à battre en finale les Étalons. Cette première compétition internationale lui permet d’ouvrir un nouveau chapitre dans sa carrière. L’ASEC Mimosa, qui a notamment formé Dindane, les frères Touré, Gervinho ou Romaric, lui propose un essai de dix jours.
"Au bout de trois séances d’entraînement, le club m’a fait signer. L’adaptation en Côte d’Ivoire s’est faite rapidement car j’avais une partie de ma famille qui habitait là-bas. Mon père possède également la nationalité ivoirienne", relate-il.
Au bout de six rencontres, Koffi est aligné et ne perdra plus sa place, découvrant la Ligue des champions africaine et les joies de l’équipe nationale comme troisième gardien. Après avoir été élu meilleur gardien du championnat en 2017, le keeper part à la Can au Gabon dans l’esprit d’accumuler de l’expérience même sur le banc, déjà fier de ses deux premières sélections contre l’Afrique du Sud et au Cap Vert lors des éliminatoires de la Coupe du monde.
"Avant la compétition, Paulo Duarte m’a appelé. Le sélectionneur m’a annoncé que je serais titulaire. Que ma jeunesse ne comptait pas sur le terrain car il n’y avait que le talent d’important. Il m’a donné toute sa confiance et m’a prévenu que cet événement pourrait changer ma vie."
Un penalty raté en demi-finale de la Can
Cette Coupe d’Afrique des Nations va le révéler aux yeux du monde. Quatre ans après être allés jusqu’en finale, les Vert et Blanc échoueront aux portes de l’avant-dernière marche avec une nouvelle génération emmenée par Koffi. En demi-finale face à l’Égypte, le gardien passe par toutes les émotions.
Il arrête d’abord le premier penalty tenté par Saïd. Il touche la tentative de Salah, mais ne parvient pas à la détourner. Le Burkina Faso est toujours devant. Du haut de ses neuf sélections à l’époque, Koffi est le quatrième tireur. S’il marque, l’Égypte n’a plus le droit à l’erreur.
"J’étais l’un des meilleurs à l’entraînement. Je me suis vite rendu compte que les circonstances étaient totalement différentes. Je n’avais pas beaucoup d’expérience, le stade était rempli, mais je ne peux pas dire que j’ai ressenti cette pression au moment de tirer. Malheureusement, El Hadary sort une belle parade. On finit par perdre, j’étais en larmes", se souvient le Hurlu.
Les anciens du groupe le consolent en l’exhortant à se racheter lors du match de la troisième place, qu’ils finiront par remporter face au Ghana sur un but d’Alain Traoré.
Le retour au pays est fantastique. "L’accueil était fou. Je ne m’attendais pas à ça. J’ignorais quelle serait la réaction des supporters à cause de mon raté. Ils scandaient mon nom. Ça m’a fait chaud au cœur."
Paulo Duarte n’avait pas tort. Cette Can changera sa vie. Dès son retour en Côte d’Ivoire, le Chat est suivi par Nices, Nantes mais c’est finalement le LOSC qui décroche la mise. Dans la capitale des Flandres, il connaîtra Bielsa, "un énorme entraîneur que j’aimais bien, travailleur comme on ne peut l’imaginer".
C’est surtout Christophe Galtier qui lui donnera sa chance au détriment de Mike Maignan alors que les Dogues se battent pour leur maintien lors d’une année galère.
Dans un contexte peu évident, Koffi connaît un premier accroc dans son destin jusque-là dépourvu d’obstacles. À Bordeaux, il commet une faute de main qui provoque la défaite des Nordistes malgré plusieurs arrêts déterminants.
"C’est difficile pour un gardien d’être directement dans le rythme quand tu as passé du temps sur le banc. Je jouais de temps en temps avec la réserve mais pas régulièrement et ce n’est pas pareil", se justifie-t-il.
Au match suivant, Lille mène 2-0 contre Guingamp avant que les Bretons parviennent à arracher miraculeusement le nul en inscrivant deux buts dans les arrêts de jeu.
La lourde défaite (5-1) à Marseille sonnera le glas de ses espoirs. "L’OM était injouable cette année-là, en témoigne leur finale en Europa League. J’étais déçu. En plus je jouais contre mon idole Steve Mandanda. Vu les circonstances, je n’ai pas osé demander son maillot. En rentrant chez moi, je me suis posé mille questions et j’ai essayé d’oublier ma performance."
Son retour à l’entraînement clarifie sa nouvelle position. "J’ai remarqué que le coach m’avait mis dans l’équipe des remplaçants sans m’avertir au préalable. C’est le football", confie-t-il.
Relégué comme troisième gardien dans la hiérarchie, Koffi vit des moments difficiles, seul en France loin de sa famille. "Je passais toutes mes soirées avec mes parents au téléphone. À travers leurs voix, je sentais qu’ils avaient mal. Ils devaient me réconforter mais, bien souvent, c’était l’inverse", plaisante-t-il.
Il retrouve finalement le sourire au Portugal, loué à Belenenses malgré des débuts compliqués. "Je me blesse au genou dès la première séance. Il y avait la barrière de la langue car mon anglais est basique. J’étais triste et les dirigeants portugais cherchaient déjà un autre gardien."
Finalement, son indisponibilité ne sera que de deux semaines. Après une rencontre amicale contre Sunderland, Koffi convainc tout le monde. "J’ai été élu quatre fois homme du match en 20 rencontres disputées. Ce prêt m’a fait du bien."
Après avoir joué son dernier match au Portugal il y a trois semaines, l’international aux 22 sélections débarque au Canonnier encore en prêt. "En vérité, mon agent a été transparent. Il m’a expliqué qu’il n’y avait aucune offre sauf celle de Lille, qui me proposait de prolonger jusqu’en 2024 et de passer une année à Mouscron. Je n’avais aussi aucune garantie d’être titulaire", livre-t-il.
Convaincu par son ami Barry Copa, qui n’hésite pas à lui donner beaucoup de conseils, Koffi ne doute pas.
Dans le Hainaut, le portier de 23 ans s’est vite adapté. "Je n’avais pas effectué une séance d’entraînement avec le groupe que j’ai été aligné une mi-temps contre l’Union saint-gilloise. En dehors du terrain, je me sens bien ici. J’aime m’attacher aux gens, leur parler, ce qui fait que je m’intègre vite", précise-t-il. Sur le terrain, le Burkinabé s’est aussi habitué rapidement, aidé par son nouveau mentor Éric Deleu.
"Il me parle beaucoup. Avant le coup d’envoi à Anvers, il m’a conseillé, m’a prévenu de faire attention aux latéraux adverses qui centraient beaucoup."
Avec sa nouvelle structure, celui qui veut offrir une première Can et une première participation à la Coupe du monde à son pays est prêt pour effectuer une grande saison. À ce rythme-là, les attaquants de la Pro League risquent vite de mettre un nom sur "le très bon gardien de Mouscron".