Deux demi-finales pour Hugo Broos avec Bruges, deux éliminations sur le fil : “Les saluts hitlériens ne nous ont pas aidés à atteindre la finale”
Hugo Broos était joueur en 1988 et entraîneur en 1992 quand le Club Bruges s’est fait éliminer par l’Espanyol et le Werder Brême en demi-finale.
- Publié le 02-05-2024 à 06h33
- Mis à jour le 02-05-2024 à 06h34
Avant la double confrontation avec la Fiorentina, le Club Bruges est à 180 (ou 210) minutes de sa première finale européenne depuis 1976, quand il s’était incliné contre Liverpool (3-2 et 1-1) en C1. Aussi bien en 1988 (Coupe de l’Uefa) qu’en 1992 (Coupe des coupes), les Blauw en Zwart ont été éliminés de justesse en demi-finale. Le seul à avoir été protagoniste des deux confrontations était Hugo Broos. On l’a joint dans son bureau de sélectionneur d’Afrique du Sud à Johannesbourg.
”Houwaart faisait déjà sa liste pour les tirs au but”
Coupe de l’Uefa 1987-1988
Club Bruges – Espanyol 2-0, Espanyol – Club Bruges 3-0 (a.p.)
La campagne européenne de la saison 1987-1988, avec trois remontadas invraisemblables, doit être une des plus spectaculaires de l’histoire d’un club belge : 2-0 au Zenit Saint-Pétersbourg, 5-0 à domicile ; 3-1 à l’Étoile rouge de Belgrade, 4-0 à domicile ; 3-0 à Dortmund, 5-0 à domicile ; et 2-2 au Panathinaikos, 1-0 à domicile, en quarts. “Avant ce match retour contre Dortmund, par exemple, je me souviens que dans le tunnel des joueurs menant au terrain, on était convaincu qu’on allait nous qualifier, malgré le 3-0 à l’aller, confie Hugo Broos. On se sentait invincibles à domicile. On l’a fait, sur un terrain qui était une patinoire. On avait une très bonne équipe, avec Ceulemans, Degryse et Van der Elst.”
Mais il y avait plus que cela. Le secret de Bruges était l’amitié entre les joueurs. “Après la défaite 2-0 au Zenit, notre coach Houwaart nous avait interdit de sortir en ville. Mais Jan Ceulemans a été négocier avec lui et il a obtenu gain de cause. Vu qu’on s’est qualifié au retour, ces sorties nocturnes sont devenues une tradition.”
Henk Houwaart, lui aussi, profitait de la vie. À la veille de chaque match européen à domicile, il faisait amener des huîtres et du champagne à l’Hôtel Saint-Pol à Knokke à partir de 23 heures, quand les joueurs étaient au lit. “Henk était un très bon entraîneur, mais il était aussi un bon vivant, sourit Broos. Et il n’était pas sévère avec nous. Peut-être qu’on aurait encore gagné plus s’il avait été plus strict et si on avait été plus professionnels. Mais je n’en suis pas certain. Peut-être que cette équipe-là avait besoin d’un coach comme lui.”
Au match aller contre l’Espanyol coaché par Javier Clemente, Bruges croit avoir fait le nécessaire en gagnant 2-0, via des buts de Ceulemans et un autobut catalan. “Mais le Caje s’est blessé (à la 8e) à Lokeren (0-1), quelques jours avant le match retour. Il était notre chef de file. Sans lui, beaucoup de joueurs étaient moins sûrs d’eux et perdaient leurs moyens. Houwaart a mis Beyens à sa place, mais Luc s’est fait exclure à la 41e après un coup de coude. La rouge était justifiée. Menés 2-0, on pensait survivre jusqu’aux tirs au but. Houwaart était déjà en train de composer sa liste de tireurs.”
Puis, à la 119e, un certain Pichi Alonso trompe Philippe Vande Walle via un tir dévié par la semelle de Franky Van der Elst. “C’était cruel”, dit Broos. Selon Van der Elst, sa déception était comparable à celle au Mondial 1990 quand David Platt a crucifié la Belgique avec l’Angleterre en marquant aussi à la 119e. “Malgré cela, on a remporté le titre en Belgique, devant le FC Malinois, dit Broos. Mais sans blessure de Ceulemans, on aurait joué la finale contre Leverkusen, qui a battu l’Espanyol en finale (3-0). Et on était sûr de pouvoir battre Leverkusen et gagner la Coupe !”
”Attaqués par nos propres fans dans le car du Werder”
Coupe des coupes 1991-1992
Club Bruges – Werder Brême 1-0. Werder Brême – Bruges 2-0
Rebelote quatre ans plus tard. Cette fois, deux des trois adversaires lors des tours précédents sont moins spectaculaires : l’Omonia Nicosie et Katowice. En quarts, le Club élimine l’Atlético Madrid (3-2 en Espagne, 2-1 à domicile). L’adversaire en demies s’appelle le Werder Brême d’Otto Rehhagel, qui connaît une saison sans en Bundesliga.
Broos, lui, a changé de fonction. Il est devenu entraîneur, un job qu’il a appris au RWDM lors des trois saisons précédentes. Déjà avant le match contre le Werder, Broos râle. “On avait toujours l’habitude de jouer à 20 h. Mais ce jour-là, notre direction a accepté de jouer à 16 h parce que la télé allemande voulait retransmettre les autres demi-finales, plus tard en soirée. En échange, le Club a empoché une belle somme d’argent, mais l’ambiance n’était pas la même.”
Bruges ne l’emporte qu’1-0 à l’aller, via un but d’Amokachi à la 5e. “Mais on aurait dû gagner par deux ou trois buts de différence, se souvient Broos. Ce qui a surtout pourri l’ambiance, étaient les saluts hitlériens que nos supporters ont faits vers ceux de Brême pendant le match. Je ne sais pas ce qui leur a pris. Brême a introduit une plainte auprès de l’UEFA. Je crois qu’on s’est pris une grosse amende.”
Et surtout : il y avait de l’électricité dans l’air avant le match retour. “La police allemande pensait que notre car se ferait attaquer par les hooligans de Brême pendant le trajet vers le stade. Et donc, on nous a mis dans un car avec des logos du Werder. Mais que s’est-il passé ? On s’est fait attaquer par… nos propres supporters ! Ils jetaient des cailloux sur notre car ! Ils pensaient qu’on était les joueurs du Werder ! Heureusement, les vitres sont restées entières.”
Au Weser Stadion, l’atmosphère est malsaine. “Ma femme s’en souvient encore : il pleuvait des cordes, mais pas question de rentrer avec un parapluie dans le stade, raconte Broos. Il y avait un énorme bac dans lequel les policiers balançaient tous les parapluies. Les fouilles étaient rigoureuses. Sauf qu’à un certain moment, il y avait tellement de poussées, que tout le monde a pu rentrer, même des fans sans ticket. Il y avait plus que 35 000 personnes à l’intérieur.”
Tout s'est aggravé quand un fumigène brugeois a gravement blessé un supporter du Werder.
Le début de match de Brême est asphyxiant. “On a été pris par la gorge, Brême était beaucoup plus fort que nous. On a été vite été mené 1-0 et puis 2-0. Les saluts hitlériens du match aller ne nous ont pas aidés, les Allemands étaient motivés à mort. Tout s’est encore aggravé quand un fumigène du bloc brugeois a été catapulté dans un bloc allemand, blessant gravement un supporter. Non, ce n’était pas un match agréable.”
Un petit but aurait toutefois suffi pour la qualification. “On aurait dû recevoir un penalty après une faute du gardien Reck sur Amokachi. Au lieu de ça, c’est Amokachi qui s’est pris la rouge à un quart d’heure de la fin, alors qu’il ne la méritait pas. On a été volé. Moi, je me souviens m’être pris la tête avec l’arbitre (l’Anglais Howard King).”
Brême a d’ailleurs gagné la finale contre Monaco (2-0). Et Bruges, lui, a été… champion de Belgique, devant Anderlecht. “C’était mon premier titre en tant que coach. Alors qu’on avait mal entamé la saison.”
”Bruges sera champion mais doit vouloir éliminer la Fiorentina”
La troisième demi-finale brugeoise sera-t-elle la bonne ? “C’est dangereux de dire que Bruges est favori, répond Hugo Broos. Quand on joue contre un adversaire italien, même s’il est 8e en Serie A, il faut toujours être prudent. Mais il faut tout faire pour se qualifier, comme on l’a fait en 1988 et en 1992. Hayen ne doit pas épargner des joueurs en fonction du match de dimanche à l’Antwerp. Vous le voyez : cela fait 32 ans que le Club n’a plus joué de demi-finale. Il faut saisir cette opportunité !”
Même si cela pourrait coûter le titre ? “Je crois que le Club Bruges sera champion, prédit Broos. Les Blauw en Zwart surfent sur la vague de la victoire avec du bon football et ils ont un peu de réussite quand il le faut, comme à Genk. Les concurrents perdent des plumes. Anderlecht ne sait pas gagner de match à l’extérieur, ce qui est indispensable pour être champion. Et même si l’Union a renoué avec la victoire, ils doivent encore aller à Jan Breydel après leur finale de Coupe.”
Broos est fan de Nicky Hayen comme coach. “Moi, je ne changerais pas de coach la saison prochaine. On sent qu’il y a une alchimie entre lui et ses joueurs. Est-ce que la mayonnaise va prendre si le Club change de coach et qu’il faut recommencer de zéro ? Que doit-il prouver de plus pour qu’on le confirme comme T1 ? Il a fait de bons changements dans l’équipe et il a mis une bonne ambiance dans le groupe. Je ne crois pas que les joueurs aimeraient se séparer de lui.”
Moi, directeur technique au Club Bruges? Je suis un des candidats, mais il n'y a rien d'officiel. Après l'Afrique du Sud, j'arrête comme coach.
Broos, lui, a été cité comme candidat directeur technique pour la saison prochaine. “Vous savez autant que moi. Mon nom a été cité. Tout comme celui de Francky Dury et de l’un ou l’autre Néerlandais. Je suis un des candidats. Si on m’a contacté ? Euh… On ne m’a pas dit : 'On va se mettre autour de la table parce qu’on te veut comme directeur technique.' Mais je sais ce que la fonction contient comme tâches. Cela m’a été dit 'en off'. Je suis content comme coach de l’Afrique du Sud, j’ai une équipe qui tourne bien (NdlR : contre les attentes, il a atteint la demi-finale de la Can). Je n’attends pas à changer d’employeur, et je ne serai certainement plus entraîneur ailleurs. Je ne peux pas encore dire si je dirais oui au Club Bruges. Mais pour le moment, il n’y a encore rien.”