Provocations au Standard, bagarre au Lotto Park et contrat pro à Anderlecht retardé par sa faute : Noah Sadiki a un papa bien envahissant
Noah Sadiki, en plus de la lutte pour le titre, doit gérer deux éléments difficilement conciliables : sa jeune carrière pro à l’Union et son père Francis qui lui complique la vie depuis sa formation à Anderlecht.
- Publié le 12-04-2024 à 06h41
”Ce maillot-là, c’est pour ma salle de bain, c’est mon torchon !” Ces mots sont prononcés par Francis Sadiki au soir de la défaite de l’Union à Genk le 1er avril dernier. Chambré par des supporters d’Anderlecht sur un live via ses réseaux sociaux, le papa de Noah s’énerve en traitant les fans de Sporting “d’idiots” et “d’imbéciles”. Puis, il montre un ancien maillot du RSCA pour expliquer à quel point sa valeur est devenue relative, en lâchant sa fameuse phrase. Un maillot floqué… Sadiki.
La séquence fait le tour du web. Certains en rigolent, d’autres s’en désolent. Noah Sadiki, transféré à l’Union l’été passé pour 1,4 million après avoir suivi l’entièreté de sa formation au RSCA, est obligé d’intervenir le lendemain. Il publie un message d’apaisement sur Instagram : “Malgré notre séparation, je garde une profonde gratitude envers le Sporting d’Anderlecht, pour ce que le club m’a apporté et enseigné durant ma formation. Mon père demeure et demeurera toujours mon père. Toutefois, je tiens à souligner que je réfute totalement et catégoriquement tout lien entre moi et les propos qu’il a tenus. Ces propos lui sont propres et je ne les partage pas.”
Neerpede heureux d’être débarrassé du “phénomène”
S’il n’a plus dérapé, Francis Sadiki n’a pas abandonné sa guéguerre non plus. Après le revers de l’Union contre le Cercle le week-end passé, il écrit sur Facebook qu’il “vaut mieux perdre dans le respect et la dignité que gagner dans la malhonnêteté et l’injustice.” Référence à la carte rouge provoquée par Thorgan Hazard face l’Antwerp, qui avait déjà provoqué quelques sarcasmes de sa part. De quoi remettre un peu d’huile sur le feu avant le derby brûlant au Lotto Park ce dimanche.
Si à Saint-Gilles, on apprend à gérer le comportement du papa de Noah, on en sourit plutôt à Neerpede, heureux d’être débarrassé du “phénomène”, comme certains le surnomment. Francis Sadiki n’a pas attendu la médiatisation de son fils pour créer des problèmes. “Quand Francis était là pour supporter Noah dans un match de jeunes, on savait qu’un incident pouvait se produire, se souvient un ancien employé du RSCA. Ce n’était pas à chaque rencontre, loin de là, mais ça arrivait régulièrement quand même.”
En U14 et Francis a pété les plombs en agressant les parents des jeunes Standardmen.
Comme cet après-midi de 2018 lors d’un mini-Clasico chez les U14. Sur l’une des pelouses de l’Académie Robert Louis-Dreyfus, les Anderlechtois se sentent floués par l’arbitrage. Joueurs, staff et parents ne cachent pas leur déception mais Francis Sadiki va plus loin. “Il a pété les plombs, explique un témoin de la scène. Il est allé vers les parents des Standardmen pour les agresser verbalement. Ça a chauffé très fort. On n’en serait pas arrivé là s’il était resté à sa place comme les autres. Francis a toujours été sanguin.”
Les stewards du Lotto Park ne diront pas le contraire. Le 7 août 2022, Noah Sadiki fête sa première titularisation avec Anderlecht contre Seraing (3-1). Il donne même l’assist à Francis Amuzu pour l’ouverture du score. Le bonheur pour le clan familial présent en nombre au stade. Mais l’après-match est gâché par le comportement du papa qui s’est mis à hurler à l’entrée du club-house. Pourquoi ? Un steward lui avait demandé de montrer son ticket. Des renforts sont appelés pour l’emmener alors qu’il se montrait très menaçant, estimant être victime de racisme. C’est finalement Noah qui devra intervenir pour calmer la situation. Il le remettra à sa place, comme un père aurait pu le faire à son enfant. Les rôles sont inversés, alors que le jeune homme n’a encore que dix-sept ans.
J’ai toujours été admiratif de Noah par rapport au comportement de son père.
”J’ai toujours été admiratif de Noah par rapport au comportement de son père, intervient Noureddine Moukrim, entraîneur de Sadiki chez les U14 puis les U16 à Anderlecht. Il arrivait à ne pas être influencé par son père qui était déjà le même qu’aujourd’hui. Il pouvait avoir des propos et des comportements dérangeants vis-à-vis des autres. À la direction du club, on estimait que le papa était un peu fou.”
Une réputation qui va poursuivre Noah, malgré lui. Il n’était pas le joueur le plus talentueux d’une génération 2004 qui n’était pas la plus impressionnante de l’histoire à Neerpede (parce que Roméo Lavia et Mario Stroeykens étaient surclassés) mais il progressait chaque année. À l’écoute des conseils et doté d’une grinta rare à l’école anderlechtoise, Sadiki faisait son chemin à un poste de défenseur central où son petit gabarit ne l’avantageait pourtant pas.
Plusieurs entraîneurs chez les jeunes ont mentionné son évolution positive à Jean Kindermans, alors big boss du centre de formation. À partir des U15, beaucoup estimaient qu’il devait recevoir un contrat pro. Pour le récompenser et pour le protéger de l’intérêt de plusieurs clubs étrangers (dont Lille) admiratifs du caractère du gamin à chaque tournoi. Mais Kindermans ne bronchait pas. “Chaque fois, il parlait du père de Noah dans sa justification. Pour lui, c’était difficile de réussir dans un tel environnement familial. Il avait connu beaucoup de désillusions avec des promesses mal entourées”, précise l’ancien employé du RSCA.
Le RSCA essaie de le joindre pendant… quatre mois à la signature du contrat pro
C’est peut-être la plus grande fierté footbalistique qu’il peut avoir : Noah Sadiki finit quand même par recevoir un contrat pro le 10 février 2022. Plus de deux ans après les premiers signaux positifs envoyés par ces entraîneurs à Kindermans. Mais, là, encore, son père parvient à retarder ce moment clef. “Quand on a discuté de ce contrat, Noah était toujours mineur, détaille un autre ancien salarié du Sporting. Il fallait donc aussi les signatures de sa maman et de son papa. Sa maman est venue au rendez-vous avec Noah mais pas de trace du papa. On a essayé de le joindre pendant près de quatre mois ! On a tout tenté : appel, message, mail et même lettre recommandée. Mais il donnait l’impression d’avoir disparu de la surface de la terre. Puis, il est enfin venu et on a pu finaliser ce premier contrat pro. Parfois, les parents sont un accélérateur de carrière mais le père de Noah était clairement un frein.”
Son papa pourra-t-il encore ralentir l’éclosion du gamin ? Paradoxalement, les incidents du début des playoffs pourraient aider Noah. Entre le débordement de Francis du début des playoffs et la réaction du fiston, il n’est plus possible de les associer. Si le père venait encore à déraper, plus personne n’aurait l’idée de lier cela à Noah. S’il conserve une relation cordiale avec son paternel, il ne veut pas polluer sa carrière à cause de lui et prend ses distances quand il s’agit de football.
Il n’est pas impossible de réussir un très beau parcours malgré un père envahissant, voire gênant. Edinson Cavani est sans doute le plus bel exemple. L’ancien attaquant du PSG n’a pas eu la carrière facile à cause de son paternel. En plus de comportements outranciers, il avait tué un jeune homme lors d’un accident de voiture en 2015, alors qu’il était sous influence de l’alcool. À sa sortie de prison, il s’est encore illustré en parlant de transfert à chaque fois qu’Edinson ne jouait pas assez à son goût. À tel point que le joueur avait demandé à son père de ne plus se répandre dans la presse, histoire de ne pas le mettre en difficulté face à ses employeurs.
Francis Sadiki n’en est pas là. Son “influence” actuelle se limite aux réseaux sociaux. Et aux messages privés qu’il adore adresser, notamment aux journalistes. Cela va de citations de la Bible à la promotion de son école de football à Bruxelles. Et beaucoup ont choisi la même tactique que Noah : ne pas y prêter trop attention.