Filip De Wilde: "Anderlecht joue avec des mercenaires"
Filip De Wilde est le dernier gardien d’Anderlecht à avoir perdu contre Bruges à domicile. Il compare les deux équipes.
- Publié le 06-04-2019 à 06h22
- Mis à jour le 06-04-2019 à 08h41
Filip De Wilde est le dernier gardien d’Anderlecht à avoir perdu contre Bruges à domicile. Il compare les deux équipes. Le Club Bruges aura donc dû attendre 7 513 jours ou 30 matchs pour renouer avec la victoire au Parc Astrid. Le gardien du Sporting, ce 9 septembre 1998, était Filip De Wilde. Actuellement entraîneur des gardiens de l’équipe nationale espoirs, De Wilde (54 ans) a accueilli La DH chez lui à Zele pour comparer la crise actuelle avec celle de cette époque-là.
De Wilde commence par un aveu. "Je n’ai vu que la deuxième mi-temps en direct. Mais j’ai vu un résumé de la première mi-temps. J’avais un rendez-vous avec l’Office des Déchets. Depuis l’année passée, je suis conseiller communal pour le CD&V à Zele. J’ai été élu avec plus de 700 voix, ce qui était au-dessus de mes attentes."
Vous devez avoir eu plusieurs déjà-vu à l’issue du match de jeudi.
"À commencer par le score : 2-3. Je me souviens surtout du but d’Anic. Et du coup franc dévié de Lesnjak. Tout comme cette fois-ci, nous avons poussé en seconde mi-temps."
Votre public avait détruit des chaises et des grillages. Il y avait 30 000 euros de dégâts. C’était aussi la crise.
"Oui. Mais à notre époque, c’était déjà la crise après cinq matchs. (Rires) On avait 2 sur 15, avec Haan comme coach, on était avant-derniers. Nous avions encore toute une saison pour remonter au classement, et on l’a fait. L’Anderlecht actuel n’a plus droit à l’erreur."
Vous veniez de prendre 6-0 à Westerlo, avant ce 2-3 contre Bruges.
"Correct ! Je me souviens que nous étions gênés. Le noyau de l’équipe était belge. Il y avait moi, Crasson, Doll, De Boeck, Staelens, Baseggio, Dheedene, Scifo, Goor… Maintenant, je vois Kums, Gerkens et deux jeunes : Verschaeren et Amuzu. Le reste sont des mercenaires. Ils ne se rendent pas compte de la signification de l’institut Anderlecht."
Expliquez-vous.
"Nous étions tellement touchés par les critiques qui venaient de partout, que nous formions un bloc. Et nous réagissions en bloc. On remontait la pente ensemble. Anderlecht avait une culture de la victoire mais était grand dans la défaite. Le meilleur exemple est cette défaite contre le RWDM, qui avait fait quatre remplacements. On aurait pu le gagner en déposant plainte, mais Michel Verschueren ne l’a pas fait. Certains diront que c’est de la classe, d’autres parleront d’arrogance."
Une autre parallèle : Roger Vanden Stock avait les mêmes soucis que Coucke lors de ses débuts comme président.
"Et lui aussi, il criait tout haut qu’il voulait remporter de grandes victoires européennes. (Rires) Il a vite compris qu’il devait être patient. D’ailleurs, on s’est fait éliminer par les Grasshoppers, en 1998. Ce n’était pas facile de succéder à son père."
En parlant de Constant. Hein Vanhaezebrouck a dévoilé que Coucke est rentré dans le vestiaire contre Gand pour donner des consignes tactiques. Constant rentrait aussi de temps en temps, non ?
"Très rarement. On le voyait au début des entraînements et à la fin de la saison pour soulever les trophées. Et puis, il rentrait parfois dans le vestiaire quand ça allait mal. Mais il ne devait rien dire. Sa présence suffisait pour nous réveiller. (Rires) Parfois, l’un ou l’autre joueur était convoqué dans son bureau. C’était mauvais signe. Moi, j’ai dû aller une fois. Un autre joueur avait eu un accident après une fête. J’étais capitaine, et il estimait - à juste titre - que j’étais responsable."
Alin Stoica estime que les anciens sont trop peu impliqués dans le club.
"Ce qui me frappe surtout, c’est le manque de sang anderlechtois dans le staff. Le coach est un Néerlandais. Il a emmené son T2. Mais il y avait encore des personnes du staff de Vanhaezebrouck… Anderlecht a perdu son identité. Ce ne serait pas beau, un ancien joueur comme coach, et des anciens joueurs dans le staff ?"
C’est une candidature spontanée, Filip ?
"Non, je ne postulerai jamais. Mais je ne dis non à rien. Pour le moment, je gagne moins d’argent mais je travaille moins (Rires)."
Vous avez digéré votre mise à l’écart d’Anderlecht en 2012 ?
"C’est le passé. Et la direction actuelle n’a rien à voir avec cela. J’avais tiré ma révérence quand j’ai senti qu’on hésitait à prolonger mon contrat. Cela dépendait du nouveau coach, alors que mes gardiens - Zitka et Proto - avaient été cinq fois de suite gardien de l’année. J’étais jugé par des personnes qui ne m’avaient pas vu une seule fois à l’œuvre. Je trouvais cela malhonnête."
Vous craignez le pire, contre l’Antwerp ?
"L’Antwerp a fort changé. Mon dernier match, je l’ai joué en D2 avec Geel à l’Antwerp, en 2005. 1-5. Leur coach, Regi Van Acker, m’avait expliqué que la moitié de son équipe était partie en vacances. Il avait à peine onze noms pour mettre sur la feuille de match…"
"Didillon a trop voulu montrer que Genk ne l’a pas déstabilisé"
Selon De Wilde, la trop grande confiance du Français lui a joué un sale tour.
Filip De Wilde est bien placé pour commenter les deux erreurs de Thomas Didillon. Pendant 14 ans, il a défendu les buts d’Anderlecht. "Je suis le seul à ne pas être vraiment surpris par ses erreurs", dit-il. "Il a fait une très bonne saison, mais je l’avais déjà trouvé très moyen et même mauvais contre Bruges, en phase classique. Tout le monde l’a oublié, mais Bruges avait aussi marqué sur un dégagement risqué de sa part. Pourtant, il a un excellent pied gauche."
Ici, Didillon a commis la même bourde qu’à Genk. "Je vois deux explications. De un, je suppose que Rutten veut qu’il construise au lieu de dégager des ballons. Il a donc voulu trop bien faire. Mais surtout : il a voulu montrer contre Bruges qu’il n’était pas déstabilisé suite à son erreur face à Genk. ‘Regardez ce dont je suis capable.’ Il a aussi voulu faire ses preuves par rapport aux clubs étrangers qui s’intéressent à lui. Il a beaucoup de confiance en lui. Mais dans des moments pareils, la confiance ressemble à de l’arrogance."
De Wilde ne comprend pas non plus sa position après la perte de balle. "Pourquoi a-t-il voulu anticiper le centre au premier poteau ? Il aurait dû se positionner comme sur chaque centre. Ici, Wesley était seul dans l’axe du but."
Le jeune âge de Didillon n’y est pour rien. "Quand on est bon à 22 ou 23 ans, comme lui, on peut être titulaire à Anderlecht."
De Wilde avait aussi 23 ans quand il est arrivé à Anderlecht. Mais il a dû patienter un an avant d’être le numéro 1. Cela ne l’a pas aidé à évoluer ? De Wilde : "Non ! J’ai souffert sur ce banc. Je suis le pire réserviste au monde. J’ai perdu ma place à cause d’un malentendu avec Van Tiggelen en préparation contre l’Inter Milan. Scifo en avait profité pour marquer le 0-1. Van Tiggelen avait carrément tiré à côté du ballon. Il a été malin et a déclaré dans la presse que j’avais crié. C’était vrai, mais son raté n’avait rien à voir avec cela. Le public, qui adorait Munaron, ne m’a pas épargné. Je me suis fait huer par tout le stade. J’en étais malade quand Leekens m’a remis sur le banc."
"Je rêve des Jeux Olympiques"
De Wilde a déjà tout vécu dans sa carrière. Sauf les Jeux Olympiques. "Ce serait un rêve d’aller à Tokyo avec les Espoirs, dit-il. Mais pour cela, il faudra réaliser un Euro parfait, face à des adversaires redoutables. Il faudra terminer dans les quatre premiers ou obtenir la cinquième place si l’Angleterre est dans les quatre premiers (NdlR : elle ne peut pas aller aux JO). Le défi est énorme. Ce n’est pas la même chose qu’à un Mondial pour équipes A. Ici, seulement les meilleures équipes sont présentes."
De Wilde est l’entraîneur des gardiens de Walem et des U15. "J’étais déjà entraîneur des gardiens de la génération dorée qui s’est qualifiée pour les JO de 2008. Mais je n’ai pas pu aller à Pékin parce que j’avais signé à Anderlecht."
En ce moment, De Wilde porte une attelle à la jambe gauche. Mais son Euro n’est pas en danger. "Le cartilage de mon genou est usé, dit-il. Je pensais que je ne garderais pas de séquelles de 23 saisons en tant que joueur pro. Je me suis trompé. Les nombreux entraînements aux gardiens et mes courses à pied après ma carrière ne sont pas restés sans conséquences. Je vais me faire opérer après l’Euro. Maintenant, je me débrouille ainsi. Je donne encore des entraînements, mais je fais davantage travailler les gardiens entre eux. Cela me permet de mieux observer. Je suis moins fit qu’avant, mais j’ai plus d’expérience. (Rires)"
"Svilar n’ira certainement pas à l’Euro"
De Wilde n’a pas trop voulu parler de ses trois gardiens, Jackers, De Wolf et Teunckens. "Si je dis un truc sur l’un, cela peut être mal interprété par un autre", explique-t-il.
Par contre, il est clair au sujet de Mile Svilar, qui joue les matchs de Coupe à Benfica. "Au début de la campagne, je l’ai contacté pour savoir s’il était candidat. Il a dit qu’il n’avait pas encore décidé s’il défendrait les couleurs de la Belgique ou de la Serbie. Je lui ai donc dit que cette campagne était clôturée pour lui. On ne le sélectionnerait certainement pas, et on referait le point avant la prochaine campagne. Il comprenait notre décision. Je n’ai donc pas été voir son match contre le Sporting Lisbonne de cette semaine (NdlR : 1-0 pour le Sporting) ."