L'humeur du web: Anderlecht n’est plus Anderlecht
Par Jean-Marc Ghéraille.
- Publié le 05-04-2019 à 12h35
- Mis à jour le 05-04-2019 à 13h24
Par Jean-Marc Ghéraille.
Il est évidemment de bon ton et dans l’air du temps de tirer sur l’ambulance. Plutôt que de verser dans le purement émotionnel après une énième défaite, tentons d’être le plus rationnel possible dans une discipline où un piquet rentrant peut (presque) tout changer. Anderlecht n’est plus Anderlecht.
La direction, d’abord. L’ère Vanden Stock père et fils a pris fin. C’est la vie naturelle d’un club de foot. Les dynasties ne sont pas éternelles. Tout se vend et tout s’achète. Néanmoins, même ses nombreux détracteurs le reconnaîtront aisément, Anderlecht se targue d’une tradition. Au-delà d’un football champagne, expression trop souvent galvaudée, c’est une forme d’élégance, de sens des responsabilités, de prises de risque mais aussi de capacités à encaisser la critique. Même si le "monument" sentait un peu la naphtaline et avait sans doute besoin d’un dépoussiérage, effacer l’histoire, gommer le nom du stade ou encore démembrer toute la tribune d’honneur (sauf Van Himst et Merckx, eux aussi des monuments), cela relève de méthodes brutales. Quand on achète un palace, on ne le transforme pas en bed and breakfast. Un propriétaire d’un château ne peut pas repeindre la façade en rose ni démonter les tomettes ancestrales pour y faire couler du béton.
Marc Coucke prend sans doute conscience un peu tard du poids de l’histoire mauve. Il tente d’ailleurs de faire marche arrière. Un peu maladroitement car ce n’est pas en contactant ou en engageant à tire-larigot d’anciens joueurs que le projet devient subitement concret.
Sportivement, ensuite. Anderlecht dispute la pire saison de ses quarante dernières années. Au point que décrocher un ticket européen serait fêté comme un titre. Tous les reproches du monde, dont certains parfois fondés, ont été adressés au fil des années au tandem Vanden Stock-Van Holsbeeck. Les chiffres parlent pourtant d’eux-mêmes : un titre de champion tous les deux ans en moyenne et une participation européenne ininterrompue. Durant leur période, il y a évidemment eu des crises, évidemment eu des transferts foireux, évidemment eu des erreurs mais, depuis le début de la saison, les trois semblent avoir décidé de prendre leurs quartiers à Anderlecht. Qualifiés in extremis pour les playoffs 1, les Mauves n’ont tout simplement pas le niveau pour viser le titre. Manque de qualités criantes (par charité chrétienne, nous n’énumérerons pas les noms…), confiance dans les chaussettes, public qui siffle ou, pire, indifférent, entraîneur choisi par défaut, etc. Les anciens joueurs, qui ont marqué et écrit l’histoire du club, sortent de toutes parts pour dézinguer cette équipe qui n’a plus d’Anderlecht que le nom. Le club est dans les cordes et prend les coups.
Reste le plus important : l’avenir. Le nom "Ajax" , dont le modèle semble inépuisable, revient comme un refrain à succès sur les lèvres des dirigeants. A savoir former des jeunes en interne, les amener en équipe première et les vendre (cher). Cela paraît simple à dupliquer mais… Si l’Ajax brille en Ligue des Champions avec ses produits maisons, il n’a plus décroché le titre des Pays-Bas depuis 2014. Le supporter mauve est-il prêt à "sacrifier" cinq années de titre là où une saison sans titre se mue en drame ?
Le modèle Ajax, c’est avoir une ligne de conduite et… la suivre quelles que soient les intempéries. Si Verschaeren explose cette saison, c’est un hasard total et pas un choix calculé. La crise l’a mis en valeur et c’est tant mieux. Mais combien de jeunes joueurs sont apparus, et parfois déjà disparu, ces derniers temps alors que des titulaires n’ont pas le niveau ?
Marc Coucke et son team ne sont pas aveugles. Ce sont tous des chefs d’entreprises. Ils sont donc tous capables de tirer un bilan et même peut-être de reconnaître leurs erreurs. L’important pour Anderlecht n’est pas au bout du compte d’arracher un billet européen ou pas mais de mettre sur pied un véritable projet. Avec un coach qui partage les mêmes valeurs et les mêmes objectifs et sans forcément sortir le carnet de chèques.
Cette saison sans d’Anderlecht détonne car c’est la première depuis des lustres mais rien qu’en Belgique, la plupart des grands ou prétendus grands clubs sont passés par des périodes moins fastes. Le tout est de ne pas y rester trop longtemps et de rebondir. Pour redevenir Anderlecht. Pour redevenir l’Anderlecht dont tout le football belge a besoin. Celui qui fait peur et celui que l’on adore détester.