Pieter Gerkens, le mal-aimé
Les sifflets contre Pieter Gerkens ont pris une nouvelle dimension juste avant la trêve internationale. Parviendra-t-il un jour à se faire accepter par l’exigeant public du Parc Astrid ou devra-t-il s’enfuir comme d’autres avant lui à Anderlecht ?
- Publié le 25-11-2018 à 08h30
- Mis à jour le 25-11-2018 à 08h45
Les sifflets contre Pieter Gerkens ont pris une nouvelle dimension juste avant la trêve internationale. Parviendra-t-il un jour à se faire accepter par l’exigeant public du Parc Astrid ou devra-t-il s’enfuir comme d’autres avant lui à Anderlecht ?
C’était passé un peu inaperçu entre la victoire contre un autre membre du G5 et la première clean sheet depuis des semaines : à la 58e minute de jeu du match Anderlecht-Gand (2-0), juste avant la trêve internationale, les supporters anderlechtois ont sifflé l’entrée de Pieter Gerkens sur la pelouse.
C’est la toute première fois que cela arrivait avant même la moindre touche de balle. Comme si son crédit était totalement épuisé aux yeux du public. L’attaquant limbourgeois semble bel et bien avoir été pris en grippe par les fans du Sporting.
Un constat qu’on a aussi tiré dans le clan du joueur mais qu’on encaisse avec une certaine philosophie. "Anderlecht ne vit pas une période facile et les résultats ne sont pas pleinement au rendez-vous. Dans ces cas-là, la colère des supporters se concentre vers les joueurs qu’ils estiment moins spectaculaires. Et il est clair que Pieter est moins spectaculaire qu’un Bakkali, qu’un Trebel ou même qu’un Kums, lui aussi critiqué pourtant", analyse André Gerkens, le papa.
Du haut de ses 23 ans, Pieter Gerkens parvient aussi à relativiser les coups de sifflet. "Je lui ai quand même demandé comment il allait après ce match contre Gand", reprend son père. "Il m’a dit : ‘Si le coach est content de moi parce que je fais ce qu’il me demande, je peux vivre avec le reste. Ce n’est pas agréable mais je me concentre sur mon jeu.’ Pieter est ainsi, c’est un garçon plein de bon sens. Quand il jouait à Genk, il avait déjà connu une période où les supporters sifflaient l’équipe. Ce n’était pas uniquement ciblé sur lui mais ça l’a quand même endurci."
Joueur le plus utilisé par Hein Vanhaezebrouck depuis son arrivée à Anderlecht, Pieter Gerkens a compris qu’il ne serait jamais le chouchou du Parc Astrid. "Mais il ne mérite pas des sifflets pour autant", intervient Zakaria Bakkali, le petit préféré des supporters cette saison. "C’est quelqu’un qui travaille énormément pour l’équipe. C’est toujours lui qui court le plus de kilomètres dans un match. Il a une mentalité exemplaire. Je vous donne un exemple : en début de saison, je n’étais pas au top physiquement. Pieter est venu me dire : ‘Ne te tracasse pas, je vais courir pour toi.’ Et tout ça sans chercher la publicité. Juste pour le bien de l’équipe."
Un travail essentiellement dans l’ombre malgré trois buts et deux assists cette saison. La seule fois où Gerkens a vraiment été dans la lumière, c’est pour sa passe en retrait totalement loupée contre Fenerbahçe (2-2). "C’était un moment difficile, Pieter a assumé mais ça ne peut être ça uniquement qui explique que l’équipe s’est écroulée par la suite et a laissé les Turcs égaliser quelques minutes plus tard", précise André Gerkens.
L’ancien Trudonnaire parviendra-t-il un jour à se faire accepter par le public anderlechtois ? Un regard dans le rétro offre une réponse plutôt pessimiste.
Malgré leur palmarès et leur popularité, des garçons comme Guillaume Gillet (contre Louvain en 2012), Olivier Deschacht (contre le Beerschot en 2011), Aleksandar Mitrovic (contre Dortmund en 2014) ont déjà été conspués par leurs propres supporters mais ça s’était limité à une seule rencontre. Un off-day sanctionné par le public.
Le cas de Pieter Gerkens est différent. Il se rapproche plus de ceux de Gert Verheyen ou de Marc Hendrickx. Des joueurs qui ne scintillaient pas assez aux yeux des fans et qui avaient fini par lasser. Trop loin du fameux ADN du RSCA."Quand tu es sifflé une fois, tu peux t’en remettre en te disant que ce n’était juste pas ton jour. Mais quand ça perdure, il ne reste qu’une solution: partir", explique Verheyen. "Les supporters doivent comprendre qu’ils n’aident pas le joueur en le sifflant. Même le meilleur footballeur de la planète se mettrait à douter s’il était hué par ses propres fans. Ta confiance s’envole et tu as sans cesse peur de donner une mauvaise passe."
L’actuel entraîneur d’Ostende avait dû s’en aller à Bruges en 1992 pour exploser.
L’histoire de Marc Hendrickx est encore plus symbolique. Limbourgeois passé par Genk comme Gerkens, celui qui devait être le successeur de Bart Goor n’avait jamais séduit les supporters anderlechtois. En 2003, Hugo Broos avait même fini par dire qu’il n’alignerait plus Hendrickx… qu’à l’extérieur. Le coach voulait éviter les sifflets systématiques d’Hendrickx au Parc Astrid, histoire de ne pas paralyser le reste de l’équipe. Une décision que le joueur avait eu beaucoup de mal à digérer. "Les huées ne me font pas plaisir mais je trouve que les choix tactiques d’un entraîneur ne devraient pas être influencés par les supporters."
Gerkens est évidemment très loin d’une situation aussi extrême mais il aura sans doute noté avec un certain soulagement que le Sporting joue à l’extérieur ce dimanche. Et sur la pelouse du Stayen qui plus est. Là où les supporters l’adoraient pendant une saison 2016-2017 productive et qui lui avait valu son transfert au Sporting…