Kara Mbodj parle de ses cinq mois de galère: "J’ai cru à la fin de ma carrière"
Le défenseur anderlechtois a faim de foot et veux briller lors de la Coupe du Monde. "Je suis à 70 %, j’ai un mois pour revenir à 100 %".
- Publié le 23-05-2018 à 07h18
- Mis à jour le 23-05-2018 à 07h19
Le défenseur anderlechtois a faim de foot et veux briller lors de la Coupe du Monde. "Je suis à 70 %, j’ai un mois pour revenir à 100 %".
Au moment où vous lisez ces lignes, Kara Mbodj (28 ans) est déjà de retour au Sénégal, le pays où sa popularité est illimitée et à qui il souhaite offrir une magnifique Coupe du Monde. Avant de monter à bord de son avion - Abdalla, son frère, l’a déposé à l’aéroport - il a donné sa première longue interview depuis son opération en décembre. "J’ai craint le pire", dit Kara.
Est-ce un miracle de vous avoir revu sur le terrain contre Genk et de vous voir à la Coupe du Monde ?
" (Il soupire) J’ai connu des moments très difficiles. Honnêtement, à un certain moment, je me suis dit : ‘Est-ce que je vais pouvoir rejouer au football un jour ?’ "
Vous avez vraiment cru à votre fin de carrière ?
"On peut dire cela, oui. Pourtant, 80 % des joueurs ont le même problème que moi (au cartilage du genou) , mais ils continuent à jouer et font de gros transferts. Le docteur Cugat, qui m’a opéré à Barcelone, m’a dit que j’avais un genou correct, qui était meilleur que ceux de beaucoup d’autres footballeurs qu’il a opérés. Malgré cela, une seule opération n’a pas suffi. Je ne comprends toujours pas pourquoi, mais j’ai dû repasser une seconde fois sur le billard. Là, j’ai souffert mentalement…"
Apparemment, vous avez travaillé comme un fou.
"J’ai dû augmenter les séances d’entraînement à trois par jour pour devenir meilleur qu’avant. Sans le soutien de ma famille, du peuple sénégalais, d’Anderlecht - merci Jean-François Lenvain et Jochen De Coene -, de Lieven Maesschalck, de son bras droit Joren, de mon prof de boxe Julien, je n’aurais pas réussi."
On a vu une vidéo d’un entraînement de boxe.
"Ce n’est pas nouveau. J’en fais depuis ma période à Genk."
Êtes-vous sûr de pouvoir revenir à 100 % ?
"Oui, mon genou est en ordre. Maintenant, je suis à 70 % de mes capacités physiques. J’ai un mois pour être à 100 %. Mais s’il te plaît, note que je n’ai pas profité d’Anderlecht pour être prêt pour la Coupe du Monde. Quand c’est paru dans la presse, cela m’a fait beaucoup de mal. C’était une période où j’étais dans le trou. J’avais besoin de soutien. Et là, on m’a enfoncé. Toutes les interventions se sont faites d’un commun accord avec Anderlecht. Le Sporting est un grand club : je ne pouvais pas décider seul ! Jochen De Coene, le physio du club, est venu trois fois à Barcelone."
Pourquoi une opération à Barcelone ?
"C’est Harbaoui qui m’a conseillé ce chirurgien (NdlR : Cugat a aussi soigné Suarez et Kompany) . L’année passée, j’ai été chez un spécialiste à Cannes. Je suis allé le voir trois fois. À un moment donné, j’ai vu qu’il n’y avait pas d’évolution. Cugat traite beaucoup de grands joueurs. Je n’ai vu personne du Barça , mais trois joueurs de City : Mangala, Mendy et Jesus."
Vous avez fait paniquer les Sénégalais.
"Pour eux, c’était hors de question que je ne participe pas à la Coupe du Monde."
Mais vous avez pris des risques en attendant si longtemps avant de vous faire opérer.
"Oui, cela fait trois ans que je traîne cette blessure au genou. Je savais qu’il fallait faire cette intervention, mais je l’ai toujours retardée parce qu’Anderlecht jouait sur deux tableaux : la Ligue des Champions et le championnat. Et à la fin de chaque saison, j’étais pendant deux semaines en sélection du Sénégal. Je n’avais pas le temps de me faire opérer. J’ai fait des sacrifices pour Anderlecht et pour mon pays. À un moment donné, je ne pouvais plus continuer. Si j’avais poursuivi, je mettais ma carrière en danger."
"Le Sénégal veut faire mieux qu’en 2002"
Le prochain défi de Kara est de réussir sa Coupe du Monde. Le pays rêve d’une campagne comme celle de Fadiga en 2002, quand le Sénégal a atteint les quarts de finale. "C’est possible", dit Kara. "En 2002, personne ne pensait que le Sénégal pouvait réaliser un tel résultat. Mais on ne s’enflamme pas. Notre objectif est d’accéder au deuxième tour, et puis on va essayer de faire mieux que la génération de 2002. On veut faire plaisir au peuple sénégalais."
Le 19 juin, le Sénégal débute contre la Pologne de Teodorczyk. "Oui, Teo et moi nous nous sommes taquinés. Moi, je lui souhaite d’abord de faire partie des 23. Je me retrouverai sans doute face à Lewandowski. J’ai du respect pour lui par rapport à sa carrière. Mais dès que le match commence, cela m’est égal contre qui je joue. J’ai déjà joué contre lui, Zlatan ou Drogba… Avec l’aide de Dieu, je serai prêt à tout donner."
Les coéquipiers de Kara ont suivi son come-back de près. "Mané de Liverpool, le gardien Khadim, Ndoye et Ndiaye étaient si inquiets qu’ils m’appelaient régulièrement. Nous avons un groupe très soudé. Le fait de voir Mané en finale de la Ligue des Champions fait plaisir. Il serait le premier Sénégalais à gagner la finale."
"Sale chien ? Sans services d’ordre, j’aurais commis des erreurs"
Retour au 17 décembre 2017. Anderlecht vient de se faire balayer du terrain par Bruges (5-0, le dernier match de Kara avant son opération) et des supporters fâchés attendent les joueurs à Neerpede. Quand Kara quitte le complexe, un incident a lieu entre lui et quelques fans. La scène fait le buzz sur dhnet.be.
Pour la première fois, Kara parle de ces faits. "Je ne parle pas des supporters en général - je ne veux pas blâmer tout le monde - mais de deux personnes. Ils m’ont traité de sale chien. Je n’accepte pas qu’on me manque de respect. C’est toute l’équipe qui a perdu. Et puis, tu traites un seul individu de sale chien ?"
Kara a failli sortir de sa voiture. "Tant mieux qu’il y avait les services d’ordre. Sans eux, j’allais commettre des erreurs. Je suis comme ça : tu ne me respectes pas, je me fais respecter. Je suis comme ça. J’ai du caractère. Je suis correct avec tout le monde. Je prends mes responsabilités quand cela ne marche pas bien. Mais là, je réagis. La saison passée, il y avait eu le même problème. Non, je ne me suis pas réconcilié avec ces deux-là. Je ne les ai plus revus…"
"Je ne me focalise pas sur un départ"
Hanni était le capitaine avant la trêve et Dendoncker après. Mais le vrai patron du vestiaire est Kara. Voici son avis sur quelques sujets chauds.
Le titre de Bruges. "Il est mérité. Et le Standard mérite sa deuxième place sur base de ses playoffs. On doit se contenter de la troisième place. Si on avait été champion si je n’avais pas été blessé ? C’est compliqué de le dire. J’ai été absent pendant cinq mois. Honnêtement… (Après un long silence) Je ne sais pas. Cela a été une longue et dure saison. Pas mal de jeunes ont complété l’effectif. Cela n’a pas été facile pour eux, mais ils ont donné le maximum."
L’affaire Onyekuru. "Je comprends sa déception. Cela aurait été un rêve de gamin d’aller à la Coupe du Monde. Il est encore jeune, il va avoir d’autres occasions. C’est un frère, je lui ai toujours donné des conseils. C’est moi qui lui ai dit de venir à Anderlecht, parce que ce serait un bon tremplin pour lui. Son avenir ? Il est majeur. À lui de décider où il jouera la saison prochaine…"
Le départ de Weiler. "Aujourd’hui, je respecte Weiler. Au début, j’ai pourtant eu difficile avec lui. On ne s’est pas compris. Mais au final, tout est rentré dans l’ordre. J’ai été champion avec lui. Après, on s’est parlé plus souvent. De temps en temps, j’ai pris de ses nouvelles depuis son départ. Maintenant, cela fait déjà un certain temps…"
Son avenir. "Pourquoi est-ce que je ne resterais pas à Anderlecht ? Je suis bien au Sporting. C’est la famille, je connais bien la maison. Je ne suis pas quelqu’un qui se focalise sur un départ. S’ils veulent que je reste, c’est à eux de faire le pas. Et puis, on verra après la Coupe du Monde… Non, je n’ai pas encore parlé avec Coucke ou Devroe, mais cela se fera plus tard…"