Le long voyage de Boyata pour arriver dans la lumière du onze de base au Mondial
- Publié le 17-06-2018 à 19h37
- Mis à jour le 17-06-2018 à 21h49
Près de sept ans après le fameux match contre l’Autriche, le discret défenseur s’apprête à disputer seulement son deuxième match en compétition avec les Diables. Au terme d’un long voyage. Le clin d’œil est majuscule. Il a des airs d’un épisode de Retour vers le futur que Dedryck Boyata ne va pas manquer cette fois-ci. Ce 18 juin 2018 va marquer un tournant dans sa carrière.
Avant l’annonce de la liste de 23 qui s’est transformée en 28, le défenseur nous avait confié ses doutes. Son anxiété presque : "C’est compliqué de décrire comment je me ressens. Tu essaies de penser à autre chose. Tu espères, tu croises les doigts et tu pries."
Dans l’avion pour une semaine de vacances quand son nom a été prononcé par Roberto Martinez avec 27 autres, Boyata avait accueilli la nouvelle avec recul. Comme s’il avait pressenti la situation. Sans se faire trop d’illusions "parce que cela va être chaud, on est beaucoup", voyant finalement son abnégation récompensée au fil d’une préparation où il a levé les doutes l’escortant.
Le voilà qui s’avance désormais comme le remplaçant naturel de Vincent Kompany. En jouant lui aussi à Manchester City qu’il a rejoint en 2006 deux ans avant celui qu’il appelle Vinnie, en ayant les mêmes racines bruxello-congolaises, en partageant le même agent tout en occupant le même poste, Boyata a forcément été comparé à celui qui l’a pris sous son aile lors de son arrivée dans le vestiaire. Le vécu commun continue de rassembler les deux hommes qui restent foncièrement différents. Leur exigence commune les rassemble, leur personnalité les éloigne. Boyata préfère la discrétion quand Kompany attire naturellement une lumière désormais braquée sur le cadet.
Au fil de ces dernières semaines, le défenseur s’en est accommodé. La Belgique ne le connaît pas forcément ? "Comme Vinnie (encore lui) le dirait, je suis plus anglophone que francophone", glisse-t-il dans un sourire, précisant plus loin : "Je ne suis pas du genre à réclamer une certaine reconnaissance."
Lui a plutôt dû gérer une longue absence. 12 octobre 2010. À la mi-temps de ce match contre l’Autriche complètement fou mais qui va le devenir plus encore, le défenseur est lancé à droite à la place d’un Toby Alderweireld en grande difficulté.
À 19 ans alors que lui, le défenseur central, n’a disputé que deux matches avec Manchester City même s’il avait parfaitement muselé Florent Malouda contre Chelsea pour ses débuts idylliques en Premier League un mois plus tôt. "Sans doute le jour où j’ai pris le plus de plaisir sur le terrain parce que la veille du match, le coach ne m’avait pas parlé, il était minuit, je me suis dit que comme je n’allais pas jouer, je pouvais encore regarder des vidéos", nous avait-il expliqué. "Je me réveille pour la théorie, Roberto Mancini écrit Bo et je me dis que cela ne peut pas être moi. Il me met arrière droit. Ce jour-là, je vois l’équipe en face avec Anelka, Drogba et Malouda. Je me dis merde. Je n’avais pas bien dormi et au final, j’ai gagné tous mes duels. On a gagné 1-0. C’était une fierté car je suis un grand fan d’Anelka aussi."
D’un extrême à l’autre, bien malgré lui, Boyata a dû longtemps composer avec ce match contre l’Autriche. Un traumatisme ? Lui rectifie, évoque à son retour en sélection août 2015 "un moment difficile". Sous-pèse comme il fait toujours ses mots. Clame son envie "de ne plus en parler". Ce qui est enfin le cas près de 7 années plus tard. Soit le temps écoulé entre ses deux sélections en match officiel pour les Diables avant sa titularisation qui s’annonce.
Un long tunnel qui se décompose en deux périodes. Sa vie à City puis celle au Celtic. À Manchester, Boyata s’est retrouvé pris au piège de la fièvre acheteuse de son club.
Ses prêts, à Bolton (2011-12) ou à Twente (2012-13) ne sont pas des réussites. "À Bolton, je devais remplacer Gary Cahill qui n’est parti qu’en janvier à Chelsea. À Twente, j’ai dû remplacer Andreas Bjelland qui était blessé en janvier et quand il est revenu, on m’a demandé si je voulais rester ou partir. Tu penses que tu vas bien, tu repousses les choses et le temps passe. Puis tu te dis : ‘Maintenant, je fais quoi ?’ Et le problème, c’est que tu as besoin de jouer", nous avait-il décrit avec beaucoup de franchise et de recul au milieu de sa première saison au Celtic où City l’a vendu en 2015 tout en incluant dans l’opération des clauses de rachat prioritaires qui ont depuis expiré.
Jamais, Boyata n’esquissera de regrets quant à ce choix d’être resté 7 ans dans son club formateur qu’il a finalement quitté après notamment un échange avec Marc Wilmots à l’hiver 2015.
"Il m’avait dit : ‘Écoute, c’est bien, on sait que tu joues pour un grand club et que tu as des qualités mais sache qu’il serait temps de prendre une décision pour te rendre sélectionnable.’ Ce jour-là, j’ai décidé de partir."
Pour embrasser une nouvelle vie au Celtic qui aurait pu, qui aurait dû lui permettre de disputer l’Euro en France finalement manqué en raison d’une rechute de sa blessure à un tendon de l’ischio-jambier.
"Un moment qui a marqué ma vie", nous avait-il confié pudiquement sans se douter que ce Belgique-Panama allait la chasser. Et lui permettre de réaliser "son rêve d’enfant" pour le faire définitivement quitter l’ombre pour la lumière, lui qui a pour premier souvenir de Coupe du Monde "les deux buts de Lilian Thuram contre la Croatie en 1998". Personne ne lui demandera tant ce lundi soir. Même si le clin d’œil n’en serait que plus beau.