Lieven Maesschalck, kiné des Diables rouges : "Je n'ai plus revu Wilmots mais je ne lui en veux pas" (VIDEO)
- Publié le 08-06-2018 à 10h57
- Mis à jour le 08-06-2018 à 18h43
Lieven Maesschalck, de retour après le conflit avec l’ex-T1, veut relever le défi de retaper Kompany
Samedi passé, 21 h 59. En essayant de freiner le redoutable Portugais Gelson Martins, Vincent Kompany se blesse à l’aine et rentre au vestiaire. Dans la tribune d’honneur, un homme en tenue belge se lève, prend ses béquilles, suit Kompany pour examiner son aine et pour faire un premier diagnostic. Il s’agit de Lieven Maesschalck, le king des physiothérapeutes.
Maesschalck, absent de l’Euro 2016 après un conflit avec son ancien grand ami Marc Wilmots, est confronté à un des plus grands défis de sa carrière : retaper Kompany pour le Mondial. Ou du moins pour les matches les plus importants du Mondial.
Lieven, que pouvez-vous dire au sujet de Kompany ? “Avec tout le respect que j’ai pour votre boulot..., mais on a convenu que le coach est le seul qui communique à son sujet.”
Est-ce correct qu’il sera prêt après un ou deux matches…
“Vous pouvez essayer, mais je ne dirai rien. Désolé. Je dois respecter les règles.”
Quid de Thomas Vermaelen ?
“Il a dit à sa conférence de presse qu’il évolue bien, hein ? C’est correct. Les nouvelles sont favorables.”
Vous n’avez jamais été si sollicité que ces dernières semaines. Même avant le premier entraînement, vous avez dû traiter Defour, les Lukaku, Fellaini, Benteke. J’en oublie ?
“Depuis plus d’un mois, on travaille de façon interactive avec chaque joueur. À distance, on contrôle tout. Via le joueur et via son club. Quand on remarque quelque chose, on intervient. Cela explique notre visite en Chine.”
Chez Carrasco. Votre collaborateur est allé traiter Yannick sur place.
“Yannick l’avait demandé. On l’a fait en collaboration avec le club. On ne fait rien en cachette. On savait que Yannick avait un problème latent depuis un certain temps ( NdlR : au genou) . On a aussi envoyé quelqu’un à Barcelone pour Vermaelen. Quand ils arrivent ici à Tubize, on sait déjà quels exercices on doit leur donner, et où ils en sont.”
Est-ce que le retour de Batshuayi n’est pas un demi-miracle ?
“Dès le moment où il s’est blessé à la cheville, je savais qu’il pouvait être prêt. Ce n’était pas une fracture. Il a très bien travaillé, même hors des séances prévues. Voici le résultat.”
Avez-vous cru que vous pourriez retaper Defour ?
“Je ne pouvais pas hypothéquer sa carrière. Il faut respecter la nature. Quand on veut prendre un train à grande vitesse pour guérir plus vite, il faut prendre les bonnes voies.”
Sans parler de sa non-sélection, mais est-ce que Nainggolan n’est pas un mystère pour le monde médical. Il fume et boit, mais est si fort. “
C’est son choix et je le respecte. Je ne m’occupe pas de son style de vie. Je constate qu’il n’est presque jamais blessé. Il se sent bien dans sa peau. C’est la nature. C’est fantastique pour lui.”
Vous avez réintégré le staff médical après le départ de Marc Wilmots. Cela vous a fait mal d’être absent de l’Euro? “
Écoutez, c’est une décision qui a été prise entre Marc et moi. Je ne vais pas en dire davantage.”
Mais Borkelmans et lui se sont réconciliés après leur différend. Vous et Marc pas ?
“On ne s’est plus revus, non. Nos chemins ne se croisent pas. Mais je n’ai pas de regrets. C’est le passé. Je ne suis même pas fâché contre lui.”
Vous étiez les meilleurs amis.
“D’accord, mais des choses peuvent changer dans une vie. Il faut accepter que certaines décisions soient prises. Peut-être qu’un jour on se reverra.”
Quand l’interview est terminée, nous croisons Fellaini, qui sort de l’ascenseur de l’hôtel à Tubize. “Ça va, chef ?”, demande-t-il à Maesschalck. “Il m’appelle toujours ‘Chef chef chef’”, dit Maesschalck quand les portes se referment. “Romelu, lui, m’appelle ‘Chouke’, et le petit (Eden Hazard) dit ‘Grande’. C’est beau, non ? Je ferai tout pour les aider. J’ai un excellent contact avec eux, je les adore. Mais ils pourraient être mes fils. C’est une autre génération. Ils ont leurs amis, moi j’ai les miens. Si un jour ils sortent, je ne les accompagnerai pas. Ce sont de jeunes ours. Je ne pourrais pas les suivre… (Rires)”
"Oui, papa se faisait payer en poules et vaches"
Lieven Maesschalck est kiné… depuis qu’il est enfant. "À 12 ans, je massais déjà, dit-il. Mon papa avait un cabinet de physiothérapie, et je lui donnais un coup de main."
Selon la légende, son papa se faisait parfois payer… en poules et en vaches. Maesschalck rigole : "C’est vrai. C’était un type très sociable. Et l’argent était accessoire pour lui. Donc, il acceptait que des gens le rémunèrent différemment." Pendant son service militaire, Maesschalck a travaillé à Gand et à Neder-over-Heembeek. "J’ai manipulé des centaines de militaires après leurs manœuvres." Aujourd’hui, il a une énorme équipe derrière lui, qui s’appelle Move to Cure (Bouger pour guérir). "Nous sommes vingt-deux. Toutes des personnes compétentes, qui vont pallier sans problème mon absence pendant le Mondial. Il y a une certaine forme de compétition entre cerveaux. On se stimule tous à augmenter notre niveau." Pour encore devenir meilleur, Maesschalck a visité Silicon Valley, le pôle des industries de pointe à San Francisco, en Californie. "J’essaie d’implémenter la technologie dans mon boulot. Je suis en contact avec des compagnies américaines, j’ai visité des universités. À terme, on pourra faire une rééducation à distance. Et les patients seront remis sur pied plus vite." Mais il ne faut pas rêver : un footballeur ne pourra pas rejouer trois mois après s’être déchiré les ligaments croisés. "La rééducation sera plus efficace. Mais il faudra toujours compter six mois en moyenne. Il faut toujours respecter la biologie. C’est la règle numéro 1. C’est pour cela que Defour, par exemple, n’est pas prêt pour le Mondial." Les blessures les plus compliquées sont celles que Maesschalck préfère traiter. "Ces défis m’inspirent. C’est fantastique."
"Au Real pour Ronaldo ? C'est secret...'"
Maesschalck aurait pu travailler à Milan, Chelsea et au Real. "Ce n’est pas important"
Maesschalck n’est pas seulement populaire parmi les Diables. Il a aussi de grands noms étrangers qui passent le voir à Anvers. L’Argentin Redondo était un des premiers, il y a presque 20 ans. "Et Pippo Inzaghi, dit Maesschalck. La publicité par bouche à oreille est la meilleure. J’ai eu des joueurs ukrainiens parce que j’ai traité avec Shevshenko à l’époque du Milan AC. Modric, lui, a envoyé des Croates comme Perisic de l’Inter Milan…"
La vedette du Real Madrid est passée chez Maesschalck la saison passée. Et en 2014, Maesschalck posait en photo sur Twitter avec Ronaldo. "Belle photo, hein ? Ancelotti m’avait invité au Real pour voir quelques joueurs. Je ne peux pas donner de détails. C’est le secret médical."
Il se chuchote que le Real a fait une proposition à Maesschalck pour rejoindre le club en 2011. Maesschalck sourit : "Ce n’est pas important. Ce que des clubs cherchent, c’est quelqu’un qui fournit les premiers soins. Moi, je suis plus l’homme de la rééducation. Dans un club, j’aurais un joueur par an avec des ligaments croisés déchirés. Maintenant, j’en traite des centaines."
Et quid de l’offre de Chelsea ? "Pas important non plus… La même chose vaut pour le Milan AC. Bien sûr que je reçois beaucoup de questions. De clubs, de joueurs, de managers. Je ne dis pas que je ne le ferai jamais. Mais plutôt comme adviseur."
Les Diables insistent auprès de leur club pour transférer Maesschalck. "Leur présence dans de grands clubs en Europe a été une bonne pub pour moi. Le football de haut niveau, c’est un petit monde."
Maesschalck ne traite pas que des footballeurs. Il a réalisé un miracle avec Gella Vandecaveye et Johan Museeuw. "Gella a été aux Jeux Olympiques sans ligaments croisés et est devenue championne du monde, six mois plus tard. Mais j’ai aussi eu d’autres patients - inconnus - qui ont réalisé des miracles. Grâce à leur force de caractère."
"Je les traite sur une jambe, suite à ma fracture de la hanche qui les fait rire”
Maesschalck souffre d’une fracture de la hanche. “C’est le monde à l’envers, sourit-il. Cette fois, c’est moi qui suis blessé. Mais pas question d’abandonner. Je me suis fait opérer le 1er mai, un mardi. Jeudi, j’étais déjà au boulot. Avant le départ en Russie, je jette mes béquilles.”
Maesschalck a été victime d’une chute à vélo. “J’ai une fracture de la tête fémorale de la hanche. Je suis tombé droit dessus. Je n’avais même pas d’égratignures. J’ai chuté dans le peloton. Une roue arrière a touché ma roue devant.”
L’homme qui a traité Maesschalck est… Maesschalck lui-même. “J’ai tout fait moi-même. Je fais des exercices, je fais du home-trainer, je travaille dans l’eau.” Les Diables n’ont pas senti la différence. “Ils se sont bien moqués de moi. (rires) Mais ils reçoivent le même traitement, que je donne… sur une jambe. C’est, bien entendu, grâce à mon expérience.”