Le grand mince avec des chaussures à crampons
L’autre regard de Miguel Tasso.
- Publié le 08-05-2024 à 06h56
Il y a des entraîneurs qui marquent les esprits. Par leur talent de stratèges et de meneurs d’hommes. Mais aussi par leur personnalité. On pense, par exemple, à Helenio Herrera, Sir Alex Ferguson, Jose Mourinho, Pep Guardiola, Louis Van Gaal ou à “notre” Raymond Goethals.
L’Argentin Cesar Luis Menotti, qui nous a quittés à l’âge de 85 ans, était de cette race. L’histoire retiendra, bien sûr, son sacre lors du fameux Mundial de 1978 avec l’Albiceleste. En mission, il porta littéralement Mario Kempes et les siens vers le titre, faisant fi de son allergie assumée pour le régime dictatorial de Jorge Videla.
Car “El flaco” (”le mince”), c’était surtout un caractère et une mentalité. Amoureux du beau jeu, il considérait le foot comme un art romantique et se revendiquait lui-même, dans ses dernières interviews, comme le précurseur de Johan Cruyff et Pep Guardiola pour qui il vouait une grande admiration.
Sa relation amour-haine avec Maradona a souvent fasciné, voire dérangé. En 1978, il n’avait pas hésité à laisser à la maison le Pibe de Oro, alors âgé de dix-sept ans. Il le retrouva au Barça un peu plus tard sans véritable réconciliation à la clé.
Au vrai, Menotti était un poète complexe, un peu comme si ses alexandrins s’évaporaient dans la fumée de ses inséparables cigarettes. Parfois arrogant mais toujours passionnant, c’était un philosophe épicurien du ballon rond. Un séducteur incompris. Un maître sans doute trop cultivé pour exercer sur un banc de touche. Son héritage dépasse, en tout cas, largement le football.