Le match de légende: Anderlecht-Fiorentina 6-2, le grand soir où sonna le tocsin des Toscans
En état de grâce, les Mauves passèrent cinq goals à Galli en seconde période.
- Publié le 29-01-2017 à 10h10
- Mis à jour le 29-01-2017 à 10h23
En état de grâce, les Mauves passèrent cinq goals à Galli en seconde période. Le printemps 84 s’achève avec un goût de trop peu pour le Sporting, malgré son statut de meilleure attaque (80 buts en 34 matches dont 37 à porter au crédit du tandem Vandenbergh-Czernia). Beveren l’a en effet privé du titre et Tottenham lui a raflé la Coupe de l’Uefa aux tirs au but. Autant de frustrations que Paul Van Himst et les siens comptent évacuer au plus vite et de fait, ils entament le championnat en faisant exploser le marquoir du Stade du Heysel : 2-9 face au promu, le RC Jet, qui avait pourtant ouvert le score dès la première minute par Ferguson.
Le match suivant est de la même trempe. Czernia (3 buts) et ses comparses exterminent Lokeren (7-1) avant de concéder le partage au Standard (2-2). La mécanique mauve ne souffre d’aucun grincement mais à la mi-septembre, Anderlecht tourne en rond au Cercle (0-0), à la veille de son premier rendez-vous européen. Le Werder Brême de Rudi Völler ne rompt qu’à la 88e, sur une tête plongeante de Czernia, encore lui. Le Sporting garde le bon cap (4 sur 6) avant de se rendre au Weserstadion où le doute s’installe dans les esprits bruxellois après un doublé du médian Wolfgang Sidka.
Mais l’euphorie du bon peuple hanséatique va très vite se transformer en dépit profond avec un auto-but signé… Sidka !
Le tirage au sort zurichois se révèle peu clément. En seizième, ce sera la Fiorentina de Socrates, arrivé sur les rives de l’Arno pour un pont d’or. En attendant de déposer le pied dans le berceau de la Renaissance, Anderlecht ne continue pas moins de voler de succès en succès dans la compétition domestique. De son côté, Paul Van Himst a tenu à en savoir un peu plus sur ces Toscans qui pulvérisent l’Atalanta (5-0) lors de sa visite de reconnaissance au Stadio Comunale.
La Viola du mentor Giancarlo De Sisti a manifestement des arguments à faire valoir et notamment sa rigueur défensive, personnalisée par l’aimable Claudio Gentile, fraîchement libéré par la Juve, et le gardien, Giovanni Galli (il passera ensuite dans les rangs de l’AC Milan) sans oublier un autre cadre au métier confirmé, l’Argentin Daniel Passarella (31 ans). Il en faut cependant bien plus pour traumatiser le Sporting qui zigouille paisiblement La Gantoise (5-1), à la veille de s’envoler pour Pise (il effectuera le reste du trajet en autocar). Devant près de 55.000 spectateurs, les Mauves vont parfaitement gérer les événements (1-1), Vandenbergh répondant à Socrates qui n’a pas spécialement tapé dans l’œil de Czernia : "Il ne couvre pas beaucoup de terrain et il rechigne à s’impliquer vraiment dans les offensives."
Bref, un verdict idéal que pour envisager la manche décisive avec sérénité mais aussi une affiche aussi inédite qu’attrayante. Un engouement considérable se crée aussitôt la prévente ouverte. On ne sera pas loin des 40.000 personnes. De retour au pays, Anderlecht poursuit sa course en tête tout en arrondissant son compte en buts. Une victoire à Waterschei (1-3) suivie d’une rammeling administrée à Saint-Nicolas (5-1), le teenager Enzo Scifo (18 ans) respire la forme, la confiance mais pas seulement : "J’ai un compte à régler avec Massaro. Il m’avait traité de bâtard au match-aller !"
Par contre, le ciel florentin est moins dégagé. Les supporters grognent car les résultats ne suivent pas et l’omnipotent dirigeant Flavio Pontello ne se gêne pas pour dézinguer le staff et l’équipe. Ambiance. Celle régnant au Stade Vanden Stock est d’un tout autre ordre. Et s’assortit d’un épais brouillard causé par les engins pyrotechniques entrés en masse et en toute clandestinité côté visiteur. Un feu d’artifice qui peut en cacher un autre…
Anderlecht prend d’emblée l’initiative et campe résolument dans le camp italien. De Groote se joint à la sarabande mauve et dégaine de loin (1-0). La Fiorentina laisse passer cette première vague d’assaut, réplique par Monelli (tir sur le montant) et n’hésite pas à durcir les échanges. La seconde période démarre sur un coup de théâtre. Une intervention d’Olsen est jugée fautive sur Socrates qui se fait justice (1-1). Le Sporting se remet aussitôt au travail. Grün met Czernia sur orbite et le bel Alex ponctue en force (2-1).
C’est ensuite au tour de Vandenbergh de parachever un mouvement limpide et collectif (3-1). Le délire s’empare des tribunes et des promenoirs. En mettant le pied, les Toscans jouent leur va-tout et auraient même pu revendiquer un autre penalty quand Munaron plonge avec fougue dans les pieds de Massaro. Au lieu de 3-2, c’est 4-1 par Frimann et si Iachini adoucit la note d’un envoi dans le plafond (4-2), personne ne doute de l’issue de la rencontre. Dans le dernier quart d’heure, Vercauteren (5-2) et Scifo (6-2) sanctionneront sur coup de réparation l’engagement trop souvent outrancier prôné par la Viola.
Qualifié avec brio, le Sporting se complaira encore sur son nuage continental, plus d’un mois durant mais après une énième démonstration de son savoir-faire très exactement trois semaines plus tard contre le Real (3-0), son nouveau rêve européen se dégonflera et ne passera finalement pas l’automne. En cause, un surprenant naufrage en Castille (6-1) qui, pour beaucoup, reste encore aujourd’hui une troublante énigme…
Czerniatysnki: "Tous au top au même moment"
Flinguer dans toutes les positions, c’était la marque de fabrique de l’ancien citoyen de Nalinnes qui avait achevé l’exercice 83-84 en scorant lors des trois dernières journées de championnat mais aussi lors de la finale retour de la Coupe Uefa à Tottenham (le 23 mai).
Seule l’interruption estivale mit en veilleuse l’efficacité du Carolo car dès la reprise de la compétition domestique et après seulement quatre rencontres, il avait déjà planté huit roses. Une période faste dont il se remémore fort bien.
"Cette saison 84-85 lança véritablement ma carrière", et quand on l’invita à évoquer la double explication face à la Fiorentina, Alex prit plaisir à ouvrir tout grand son tiroir aux souvenirs.
"Je me rappelle que nous avions fait la grimace quand on a appris que l’on se frotterait à une équipe italienne et moi en premier. Tout simplement parce que nous, les attaquants, allions devoir en découdre avec des défenseurs rugueux…"
De la manche aller, il se souvient notamment de l’accueil chaleureux dont fit l’objet Eddy Merckx lorsqu’il prit place dans la tribune officielle mais aussi de la foule considérable qui avait envahi très tôt le Stadio Comunale.
"En obtenant ce bon résultat (1-1), nous étions conscients de tenir le bon bout mais encore fallait-il pouvoir achever la besogne. Heureusement, ce jour-là, nous étions tous indistinctement au meilleur de notre forme pour fournir une prestation de ce niveau."
Et quand, avec Vandenbergh et Vercauteren, il démonta la défense madrilène, il avoue s’être pris à rêver d’un fabuleux destin en C3.
"Après avoir gagné 3-0, c’était légitime, non ? Et puis il y a eu cette débâcle à Bernabeu que je ne m’explique toujours pas. Vous me parlez d’une intoxication alimentaire ayant touché le groupe. Je peux vous affirmer que, personnellement, je n’ai rien ressenti d’anormal ce soir-là…"