L'autre regarde par Miguel TassoLe cyclisme est une caverne d’Ali Baba pour les amoureux de métaphores ou d’expressions typiques. Les forçats de la route ont d’ailleurs fait les délices de nombreux écrivains, dont Antoine Blondin qui aimait tant refaire l’étape la plume à la main. Lors de la Grande Boucle, le jargon des spécialistes est, il est vrai, un pur régal, que l’on utilise le grand ou le petit braquet du baroudeur des mots. Dans les coulisses du peloton, on connaît ses classiques et on parle, pêle-mêle, de coureurs qui passent par la fenêtre, qui font l’élastique, qui prennent le bon wagon, qui reçoivent un bon de sortie ou qui tirent sur la meule. Certains grimpent en danseuse, d’autres descendent à tombeau ouvert. En pleine bagarre, les plus malins sucent la roue avant l’emballage final. Les plus audacieux flinguent leurs adversaires et font exploser le peloton à la flamme rouge en faisant rugir le grand plateau. Les plus doués fument la pipe d’un coup de pédale soyeux tandis que les plus laborieux astiquent les rivets de la selle dans le gruppetto, ou l’autobus. Mais personne n’est à l’abri d’une bordure, d’un coup de fringale. Dans les coups durs, on mord dans le guidon. Et, en ces temps de canicule, le bon gregario, fut-il cramé, chasse la canette pour son boss qui ne veut pas rester en carafe ou tomber en limonade. Sur le Tour, c’est bien connu, le champion carbure à l’eau claire.