Toon Aerts, la tête et les jambes pour détrôner le roi Van Aert
Dans le bourbier de Kruibeke, la puissance et la force mentale du coureur de Telenet-Fidea lui ont fait prendre la mesure de Van Aert.
- Publié le 13-01-2019 à 20h43
- Mis à jour le 14-01-2019 à 07h59
Dans le bourbier de Kruibeke, la puissance et la force mentale du coureur de Telenet-Fidea lui ont fait prendre la mesure de Van Aert. Toon Aerts a mis fin, temporairement ou non, l’avenir le dira, au règne de Wout Van Aert sur le cyclo-cross belge. Largement malmené sur la scène internationale par Mathieu Van der Poel, Van Aert doit désormais accepter la suprématie de Toon Aerts en Belgique.
Même si, pour s’emparer du maillot tricolore, celui-ci ne l’a devancé que pour la septième fois cette saison. À Kruibeke, sur un terrain très boueux et particulièrement alourdi par les récentes averses, le coureur de Telenet-Fidea a largement pris la mesure du triple champion du monde. Aerts n’avait encore jamais été sacré champion de Belgique, dans aucune catégorie et chez les élites sa meilleure place était la 4e conquise il y a douze mois dans les dunes de Coxyde.
"Un moment, j’ai pensé que c’était fini et que je roulais pour la 2e place", avoua-t-il. "Sur un des nombreux dévers, j’ai payé chèrement une lourde glissade. Mais je suis resté concentré et j’ai poursuivi mon effort. Je me suis dit qu’une 2e place au National, c’était bien quand même."
Dans le bourbier de Kruibeke, sans Mathieu Van der Poel, évidemment, le National a été passionnant et longtemps indécis, même si rapidement, ils ne furent plus que trois, ceux que l’on attendait, à lutter pour la victoire, Toon Aerts, Michael Vanthourenhout et un Wout Van Aert qui faisait l’élastique avec ces deux adversaires partis sur les chapeaux de roues.
Vanthourenhout lâcha prise le premier et quand après avoir dû accepter trois fois le retour de Van Aert, Aerts se trouva à son tour distancé, à la mi-course, la cause semblait une fois encore entendue. Le duel tournait à l’avantage du favori.
C’était compter sans les qualités physiques et mentales du futur champion. En dix minutes, Toon Aerts renversa complètement la situation. Les quinze secondes de retard en devinrent vite autant d’avantage pour le coureur de Rijkevorsel, dont les prouesses rendirent même très ému Sven Nys, le manager de son équipe.
Ses qualités physiques exceptionnelles, mais aussi une force mentale décuplée ont aidé Toon Aerts à conquérir un premier titre national, trois ans après celui de champion d’Europe.
"Je place pourtant ce succès au-dessus de l’Euro où j’avais reçu la victoire un peu en cadeau", dit celui qui avait alors profité de la neutralisation entre Van der Poel et Van Aert. "L’équipe avait aussi bloqué la course. Cette victoire ne tombe pas de nulle part."
Toon Aerts, qui a vraiment progressé cette saison, la travaille depuis longtemps.
"Il y a tout le boulot effectué avec mon entraîneur (NdlR : Tim… Aerts, avec lequel il n’a aucun lien de parenté)", dit-il. "Depuis quelques mois, je travaille aussi avec une coach mentale. J’avais été impressionné par la force mentale de Wout l’an dernier avant le Mondial de Valkenburg. La veille de la course, il était encore relax. J’ai voulu faire comme lui et je suis entré en contact avec Anja Van Gompel en août. Depuis, elle me suit. Elle m’a beaucoup appris, je suis plus calme, plus concentré, je reste focalisé sur mes objectifs et ne m’occupe plus des autres."
Désormais, même s’il doit encore défendre sa place de leader en Coupe du monde, à Pont-Chateau (20 janvier) et Hoogerheide (27), Toon Aerts se tourne vers le Mondial.
"Je ne crois pas que je puisse encore devenir plus fort", sourit celui que le sélectionneur national avait déjà promu cette semaine. "Mais je veux conserver cette forme trois semaines. Avec Wout, nous serons deux leaders au Danemark et j’en suis fier."
Van Aert: "Toon mérite vraiment sa victoire"
Pas de quatrième titre national pour le triple champion du monde, battu par plus fort que lui.
C’est une image à laquelle on n’était pas habitué et certainement pas dans un championnat de Belgique où Wout Van Aert semblait imbattable depuis son premier succès à Lille, en 2016. Dans le 4e des six tours, le Campinois semblait parti pour conquérir un quatrième titre national consécutif quand l’Anversois, qui possédait alors une quinzaine de secondes d’avantage sur Toon Aerts, commença à multiplier les erreurs techniques et à galvauder son avance. En quelques hectomètres, son adversaire avait refait son retard et Aerts démarra même directement.
Van Aert n’eut aucune réponse face à cette impressionnante accélération et même s’il s’accrocha encore un tour, le triple champion du monde eut le temps de dire adieu au maillot tricolore.
"Je n’avais tout simplement pas les jambes pour gagner, j’étais vraiment cassé à la fin tant la course avait été dure", avoua-t-il après avoir confirmé en passant la ligne son sentiment d’impuissance avec un geste.
À l’image de l’ensemble de sa saison hivernale, Wout Van Aert n’était pas ce dimanche dans une grande journée, bon, mais pas super, contrairement à son vainqueur.
"J’ai éprouvé des difficultés à trouver le rythme dans les deux premiers tours", reconnut-il encore. "Mais je me suis retrouvé devant à la mi-course et j’ai même creusé l’écart. Je pensais être parti, mais j’ai commis des fautes. Ce n’est pas une excuse, si j’avais été bien sur ce parcours, j’aurais tenu mon rythme sans problème. Au contraire, je me suis mis dans le rouge pour essayer de faire la différence et je l’ai payé. Sur ce tracé très dur, c’était mortel. Sur la fin, je me suis relevé et j’ai lâché du temps, mais Toon mérite vraiment sa victoire. C’est un beau champion."
Pour Wout Van Aert, la saison 2018-2019 peut encore être sauvée avec un succès en Coupe du monde (Aerts mène avec 13 points d’avance sur lui) et surtout avec un quatrième succès consécutif au Mondial. Mais là, il faudra prendre la mesure d’un certain Mathieu Van der Poel.
"Je veux d’abord évacuer ma déception avant de songer à la suite", poursuivit Wout Van Aert. "Je penserai à cela uniquement après avoir mangé la grande frite et le cervela spécial que j’ai commandés pour ce soir… Je penserai au futur demain. Je n’aurai pas plus ou moins de pression au Mondial, j’en ai toujours. Je tirerai aussi plus tard les enseignements de cette saison. L’an dernier, j’ai prouvé que je pouvais combiner un hiver de cyclo-cross avec la campagne des classiques sur route."