Rik Van Looy reste attentif au cyclisme : “J’ai peur que Remco ne gagne jamais le Tour et pour Wout, il est temps de remporter des classiques”
Entretien avec l’Empereur d’Herentals qui fêtait ce mercredi son 90e anniversaire.
- Publié le 21-12-2023 à 08h13
- Mis à jour le 21-12-2023 à 09h28
L’entretien que nous avions avec Rik Van Looy en marge de son 90e anniversaire venait à peine de commencer quand, du fond de la poche de l’ancien champion, retentit la sonnerie de son téléphone. “Excusez-moi, dit Rik II avant de décrocher. Eddy ! Bonjour, oui, merci beaucoup… Ça va, je suis avec des journalistes…”
Quelques instants plus tard, le seul coureur à avoir remporté toutes les classiques mettait fin à sa conversation avec le plus grand coureur de tous les temps. “C’était notre Eddy (NdlR : Merckx, évidemment), c’est chouette, cela fait plaisir qu’il m’appelle, poursuivit Van Loy. Autrefois, nous avons été adversaires, on a été fâchés, ce qui était normal quand on perdait une course, comme avec Beheyt (NdlR : Benoni Beheyt avait brûlé la politesse à Van Loy à l’arrivée du Mondial 1963 à Renaix, provoquant une des plus grandes controverses de l’histoire du cyclisme). Mais c’était la course, désormais, il y a longtemps que nous avons de bons contacts.”
Eddy Merckx a donc félicité Rik Van Loy à l’occasion de son 90e anniversaire que le Campinois fêtait ce mercredi, comme des centaines, voire plus, de gens. D’autant plus qu’Herentals, sa ville, a mis son champion à l’honneur, toute la journée. D’abord avec une cérémonie et un cocktail réunissant sa famille, ses amis, d’autres coureurs locaux, comme les cyclo-crossmans Paul Herijgers et Erwin Vervecken ou les anciens coureurs Jan Bakelants, Kurt Van de Wouwer, Roger Rosiers ou Ward Sels. Frans Verbeeck et quelques autres étaient aussi de la partie.
Plus tard, les concitoyens de l’Empereur d’Herentals lui rendirent hommage en nombre, à l’occasion de l’inauguration d’une statue, la deuxième à son effigie, d’une exposition (qui se tient jusqu’au 6 janvier dans la salle Moktamee, Bovenrij 30, à Herentals, les jeudi, vendredi et samedi entre 14 et 17 h) retraçant sa carrière et sa vie ainsi que d’une fête populaire. “Je suis content de cette initiative, je veux remercier tous ceux qui ont organisé cette journée, Herentals fait bien sûr partie de ma vie depuis toujours et pour toujours, il paraît que j’en suis l’Empereur, reconnut en souriant l’ex-double champion du monde, manifestement en grande forme. Je me sens bien, nettement mieux qu’il y a trois ans quand notre 'mamie' est partie (NdlR : c’est comme cela qu’il appelle Ninie, sa femme, décédée en janvier 2021). J’ai encaissé le coup durement. On me demande souvent, et notamment ces jours-ci, quels sont mes meilleurs souvenirs ou mes plus grandes victoires, mais ce qui compte le plus à mes yeux, ce sont les 65 ans durant lesquels nous avons été mariés. Cela a bien plus compté qu’une carrière de 15 ans.”
Une carrière exceptionnelle, aux 371 victoires chez les pros, parmi lesquelles des succès dans les principales courses d’un jour du calendrier. Derrière Merckx, Van Loy est à ce jour le plus grand coureur belge de tous les temps qui, s’il fut le champion de l’attaque et du panache, vit désormais tranquillement. “Je dors bien, je mange bien. Après être resté trente ans sans rouler à vélo, j’ai recommencé pendant une quinzaine d’années jusqu’à 85 ans. Avec des amis, dont le père de Kurt Van de Wouwer, nous roulions une soixantaine de kilomètres le long du canal Albert.”
Quelle bêtise de voir van Aert donner Gand-Wevelgem à Laporte.
Par le biais des journaux qu’il dévore quotidiennement et de la télévision, Van Loy reste très attentif au cyclisme actuel. “Ce ne sont pas des critiques, mais des constatations. Wout van Aert a 29 ans, il est temps de gagner des classiques, ce qu’il n’a plus fait depuis quatre ans (NdlR : il parle de Milan-Sanremo). À l’époque déjà, je le disais, il n’est pas dans la bonne équipe. Tom Boonen est d’accord avec moi, dans une autre formation construite autour de lui pour les classiques comme celle de van der Poel, il en aurait enlevé cinq de plus. Il est leader, pas équipier. Quelle bêtise de le voir donner Gand-Wevelgem à Laporte. C’est lui qui doit décider de son programme, de ses choix, de ses équipiers, pas ses directeurs sportifs. En tout cas, moi, c’est comme ça que j’agissais.”
Pour Evenepoel, la haute montagne sera toujours trop haute, je le crains.
À propos de Remco Evenepoel, l’Anversois a également des doutes. “J’ai peur qu’il ne gagne jamais le Tour de France. En tout cas, pas tant que les deux (Vingegaard et Pogacar) qui ont gagné ces quatre dernières années seront là. Vous pensez qu’il peut prendre du temps à Vingegaard dans les chronos alors que celui-ci a repoussé van Aert à deux minutes trente et Pogacar à plus d’une minute cette année ? Pour Remco, la haute montagne sera toujours trop haute, je le crains. Moi aussi, j’étais un bon grimpeur à mon époque, jusqu’à ce que les vrais grimpeurs se mettent en route et alors, c’était 'ciao, les gars'…”