Vers la fin des indemnités de formation ? "On est dans le flou complet"
La fin des indemnités de formation annoncée n’est toujours pas une réalité.
- Publié le 18-04-2019 à 11h06
- Mis à jour le 18-04-2019 à 12h45
La fin des indemnités de formation annoncée n’est toujours pas une réalité. Il y a quelques semaines, Rachid Madrane, le ministre des Sports en Fédération Wallonie-Bruxelles, annonçait qu’il allait mettre fin au système actuel des indemnités de formation qui régit le football depuis un décret mis en place en 2006. Un système vétuste, décrié par beaucoup et qui avait laissé la porte ouverte à plusieurs dérives, notamment celle menant les parents à payer eux-mêmes les indemnités de formation de leur enfant pour le laisser poursuivre sa route dans un autre club.
Si l’idée de cette suppression des indemnités de formation a été reçue avec un certain engouement positif, les clubs de football se retrouvent aujourd’hui dans une situation assez délicate puisque cette proposition n’a pas encore été votée. Or, la période des démissions concernant les jeunes se termine à la fin de ce mois d’avril. Un véritable casse-tête pour les dirigeants de clubs qui ne savent pas s’ils doivent fonctionner comme ils le font depuis plusieurs années ou déjà mettre en pratique la nouvelle formule proposée. "On espère que cette proposition sera approuvée, qu’il en sera fini de ces fameuses indemnités de formation mais malheureusement, pour l’instant, on ne sait pas quel règlement sera d’application pour la prochaine saison. Du coup, on fonctionne comme si la loi n’allait pas être votée. Après, si elle est votée et approuvée, tant mieux", précise Thierry Forton, actif au Crossing Schaerbeek.
Même son de cloche du côté du RCS Brainois. "Nous sommes en pleine période des transferts et nous ne savons pas vers où nous allons. Nous ne savons pas si la loi sera votée, quand elle sera d’application, pour cette année ou la prochaine ? C’est le flou complet à ce niveau", regrette Henri Pensis.
En attendant , on s’arrange comme on peut à Braine. "La période des démissions se termine le 30 avril, nous sommes à la mi-avril et rien n’a encore été décidé. Et même si quelque chose devait être voté d’ici là, il sera déjà peut-être trop tard. De notre côté, on essaie de fonctionner sous la forme d’échanges de joueurs mais cela ne peut pas fonctionner pour tous les jeunes, ni à long terme."
Le directeur sportif brainois n’est toutefois pas contre cette proposition. "Pour un club comme le nôtre, où nos jeunes sont souvent convoités, cela nous permettrait de mettre fin à un système qui manque de clarté et où les parents sont souvent pris en otage, obligés de payer eux-mêmes ces fameux frais de formation. Et puis il est temps que le règlement soit le même en Wallonie qu’en Flandre."
"On ne fait que déplacer le problème"
Sur les réseaux sociaux, René Kruys, président du RSD Jette, a tiré la sonnette d’alarme en prévenant les membres de son club.
"La loi ne passera pas avant la fin du mois des démissions, en avril.
Et comme une loi ne peut normalement pas avoir une exécution rétroactive, je crains que l’Union belge soit tenue de continuer à faire payer ces indemnités aux clubs", a-t-il prévenu.
Contacté par nos soins, René Kruys regrettait ce flou qui pose des problèmes à beaucoup de clubs, tout en pointant un point concernant cette annonce de suppression des indemnités de transfert. "Pour moi, on ne supprime pas le problème, on ne fait que le déplacer. Je prends l’exemple d’un enfant de 8 ans qui évolue dans un petit club. À 12 ans, il est transféré dans un grand club où il suit sa formation. Mais une fois arrivé aux portes de l’équipe première, son niveau est jugé insuffisant. Le voilà alors obligé de redescendre à l’échelon provincial pour évoluer en équipe première. Mais là, l’addition sera lourde pour le club (jusqu’à près de 2900 euros) qui souhaite l’engager. Quel club de provinciale va payer une telle somme ? Alors, soit le club retiendra cette somme sur les primes du joueur, soit on se retrouvera avec des jeunes qui devront abandonner le football à 20 ans."
"Une situation en décalage complet avec la réalité des clubs"
Michaël Vossaert aurait aimé que l’idée soit communiquée une fois votée et approuvée.
Face à cette situation de flou qui paralyse la vie de beaucoup de clubs en Wallonie et à Bruxelles, certains politiques sont décidés à faire bouger les choses. C’est le cas de Michaël Vossaert, parlementaire du groupe Défi. "Le reproche que l’on peut faire au ministre Madrane, c’est d’avoir annoncé la fin des indemnités de transferts alors que ce n’était même pas encore passé au Parlement ni au gouvernement. Et malheureusement, ce qui ressemble à un effet d’annonce a un impact réel dans la gestion des clubs. Avec une situation qui n’est toujours pas réglée à deux semaines de la fin de la période de démissions pour les joueurs, le flou est total. Cela pose des problèmes au niveau des jeunes mais aussi pour les équipes premières puisque les clubs n’osent pas se lancer dans leur campagne de transferts, ne sachant pas quelle règle sera d’application dans les semaines à venir. Cela a aussi un impact pour les jeunes eux-mêmes, qui pourraient se retrouver pris en otage face à une situation qui n’est pas réglée. Pour éviter un tel flou, il aurait été plus judicieux d’annoncer ce projet une fois voté et approuvé car aujourd’hui, on se retrouve dans une situation en décalage complet avec la réalité des clubs."
Si Michaël Vossaert se montre favorable à la fin des indemnités de formation, il soulève quelques points qui posent question. "Au lieu d’avoir une situation qui serait claire avec une suppression totale des indemnités de formation, comme c’est le cas en Flandre, on se retrouve dans un schéma en deux temps puisque si la question des indemnités ne se pose plus pendant la formation du jeune, elle ressurgit une fois qu’il est en équipe première. Alors certes, la balance entre les frais de formation qui seront dus au club et ceux qu’il doit payer devrait ‘normalement’ s’équilibrer, mais c’est très dangereux en termes de planification budgétaire pour un club puisque c’est totalement aléatoire."
Au passage, Michaël Vossaert aimerait que la question du coût des cotisations soit débattue. "Si l’on veut aller plus loin dans la réflexion, l’instauration des chèques sport serait une aide non négligeable pour les parents."
La réaction du Ministre
"Le Ministre Madrane rappelle que les jeunes et leurs parents n'ont pas à payer
En juin dernier, le Ministre des Sports Rachid Madrane avait annoncé sa volonté de modifier le décret de 2006 qui régit l'organisation et le subventionnement du sport en Fédération Wallonie-Bruxelles. Cette révision doit entre autres permettre l’interdiction totale des indemnités de formation pour les équipes d’âge, et ce pour mettre fin à une pratique déjà illégale, mais qui se poursuit manifestement : la demande de payement adressée au jeune joueur ou à ses parents. Dès l’approbation du texte, ces indemnités ne pourront désormais être réclamées, de clubs à clubs, que pour les joueurs seniors jouant dans les équipes premières des clubs. Il sera mis fin au chantage au payement exercé sur les parents de mineurs lors de changement de clubs.
L'avant-projet de décret suit actuellement le parcours législatif traditionnel : après une première approbation par le Gouvernement, il a fait l’objet d’un avis du Conseil supérieur des sports, et suite à une nouvelle approbation, le 20 mars 2019, il a été soumis au Conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat a rendu hier son avis sur le texte. Le projet adapté en fonction des remarques du Conseil va être soumis en urgence au Gouvernement, pour être ensuite déposé sur le bureau du Parlement, qui pourra en débattra dès la semaine prochaine.
Ce calendrier avait été communiqué aux fédérations sportives, en leur conseillant d’anticiper cette interdiction dans leur nouveau règlement pour cette saison.
Le Ministre rappelle qu'il est déjà illégal aujourd’hui pour un club de réclamer une indemnité au jeune joueur ou à ses parents. Seuls les clubs peuvent se voir réclamer de telles indemnités par les autres clubs. Tout parent qui se verrait adresser une telle demande peut aujourd’hui dénoncer ce fait à la Fédération gestionnaire. En football, il convient de s’adresser à la Commission des litiges de l'ACFF."