Décès de Jules, un sans-abri bien connu à Mouscron : “la rue l’a tué”, déplore le Resto du Cœur
Le trentenaire a perdu la vie dans la nuit de samedi à dimanche. Il dormait sous une tente et fréquentait le Resto du Cœur, dont le directeur ne cache pas sa peine aujourd’hui.
- Publié le 23-04-2024 à 10h57
Il s’appelait Jules, il était âgé d’une trentaine d’années et papa d’un enfant de 4 ans. Dans la nuit de samedi à dimanche, il a perdu la vie. Jules était un sans-abri bien connu à Mouscron et spécialement au Resto du Cœur, qu’il fréquentait régulièrement. L’infortuné dormait dans des lieux de squat ou sous la toile d’une tente, faute de mieux.
C’est sous cette tente, quelque part dans le quartier des Blommes, qu’il a fini ses jours. L’équipe du Resto du Cœur se dit dévastée par ce drame qui “rappelle la dure réalité de l’exclusion sociale et de la précarité” qui touchent encore trop de personnes démunies. Au lendemain de son décès, les personnes “démunies” sont celles qui ont côtoyé Jules et qui sont aujourd’hui privé de sa présence. “On le voyait tous les jours ou presque au Resto. Depuis plusieurs semaines, on l’accompagnait pour essayer de lui trouver un logement et le sortir de ce précipice. La nouvelle de sa mort nous attriste, nous fâche et nous secoue”, confie Xavier Bouret, le directeur du Resto du Cœur de Mouscron.
Faut-il attendre une tragédie pour réunir tous les acteurs qui luttent contre la précarité ? “Jules ne vivait pas en ermite. Il avait déjà frappé à la porte des structures d’accueil de la Ville de Mouscron. Il était comme d’autres sans-abri que la rue broie et concasse : pas toujours poli et parfois alcoolisé. L’accès à l’abri de nuit lui a parfois été refusé. Pourquoi ? Parce qu’on conditionne une aide qui devrait être donnée à toutes les personnes qui dorment à la rue. S’il y a des conditions, on milite pour qu’elles soient bien moins drastiques. Même si c’est tout sauf évident de venir en aide à des personnes qui peuvent avoir des accès de violence, verbale ou physique parce qu’elles sont sous imprégnation alcoolique ou en état de manque”, poursuit notre interlocuteur.
Le directeur du Resto du Cœur hurlu ne veut pas parler d’une “responsabilité individuelle” qui a conduit au décès du sans-abri. Simplement rappeler la noirceur et la brutalité d’un quotidien qui ne peut être facilité qu’avec un travail de fond encore plus approfondi. “En dépit des abris de jour et de nuit, on doit aller plus loin. La rue a tué ce jeune homme. Il faut en prendre conscience pour aider ceux qui vivent dans les mêmes conditions et qui se droguent ou s’alcoolisent pour tenir. Ensemble, de quoi est-on capable ? Jusqu’où est-on prêt à aller pour ne pas vivre un autre drame ? Voilà les questions que tous les acteurs doivent avoir en tête. Exclure des personnes déjà exclues de tout le reste ne fera qu’empirer la situation”, conclut Xavier Bouret.
En deuil ce lundi, le Resto du Cœur n’a pas fini de se battre pour faire entendre la voix des “exclus du partage”, selon l’expression chantée par Coluche, Jean-Jacques Goldman et les Enfoirés depuis 1985, déjà…
Macabre piqûre de rappel
Mercredi 17 avril. La Ville de Mouscron reçoit quatre associations pour les remercier du soutien apporté à l’abri de jour et à l’abri de nuit, dont bénéficient les sans-abri. Dimanche 21 avril, l’un des SDF qui vivait sur le territoire mouscronnois perd la vie.
Parfois, le hasard n’en est pas un. Parfois, ce qu’on croit être une coïncidence n’est qu’un implacable retour à la réalité. Oui, la Ville de Mouscron a enfin trouvé un bâtiment pour son nouvel abri qui va réunir l’accueil de jour et l’accueil de nuit. Oui, le service des affaires sociales a eu raison de mettre l’Estrella, la Mosquée, la Croix-Rouge et les Saint-Vincent de Paul à l’honneur. Et après ? La rue, les fléaux qu’elle entretient et qu’elle gangrène ne s’effaceront pas du jour au lendemain.
C’est ensemble (donc avec le Resto du Cœur et toutes les autres associations de terrain) qu’une aide plus juste peut se dessiner. Jules ne sera pas oublié. Au-delà de le pleurer, il faut désormais avoir le courage d'affronter la triste réalité…