Namur: une balade sonore pour visibiliser le vécu des femmes dans l’espace public
"Passages ouverts, ruelles sauvages", c’est le nom d’une nouvelle balade sonore et illustrée qui invite tout un chacun à arpenter les rues de Namur et à s’interroger sur la place des femmes dans l’espace public. Six d’entre elles nous embarquent dans leur réalité.
- Publié le 20-04-2024 à 05h50
"Quand je circule dans la ville, je dois parfois modifier mon parcours pour ne pas me faire ennuyer ou je m’arrange pour être au téléphone avec quelqu’un quand je passe dans une ruelle sombre. Il faut parfois user de stratagèmes ! Après 22h, je n’ose même plus me balader", témoigne l’une d’elles.
Pour Laura, en chaise roulante, le problème se situe au niveau de la mobilité. "Mon parcours est semé d’embûches. Les trottoirs ne sont pas adaptés, je bute sur des bordures, l’éclairage manque à certains endroits et il n’y a aucun itinéraire alternatif pour les personnes handicapées", déplore la jeune femme de 28 ans.
Perry, 28 ans également, constate un manque d’ouverture à la différence. "Dès qu’on n’est pas tout à fait comme les autres, les gens nous dévisagent. Je ne me sens pas en confiance", confie-t-elle.
Paulette, de son côté, est souvent victime de racisme. Elle ne compte plus les fois où elle a entendu: "Sale black, rentre dans ton pays !"
Une vision positive
À travers ces partages d’expériences, parfois durs, six Namuroises âgées de 18 à 70 ans, issues de la diversité et des minorités, évoquent leur ressenti dans l’espace public. Force est de constater qu’il n’est pas rose tous les jours.
Leur vécu a été compilé dans sept pistes sonores à écouter lors d’une balade d’environ 1h30-2h qui nous plonge dans l’atmosphère des rues et ruelles de Namur. "Ça parle de la sécurité, du logement, de la précarité, de la gentrification, de la mobilité et de plein d’autres sujets. Faire entendre leurs voix permet de susciter la réflexion", explique Marie-Astrid Lissoir, à l’origine de cette balade documentaire avec Céline Wayntraub, co-coordinatrice de l’ASBL Urbanisa’son.
Chaque piste sonore est réinterprétée visuellement en illustration par Marine Bernard, enseignante et artiste. "J’ai synthétisé les sujets évoqués dans chaque piste en y incluant chaque fois une vision positive malgré les thèmes abordés, explique-t-elle. Par exemple, pour la piste 4 qui parle du harcèlement de rue, j’ai divisé l’illustration en deux avec une partie qui montre le vécu du harcèlement et l’autre qui représente une manifestation féministe, où l’on peut observer la diversité, la joie, la force et l’empowerment !"
Ces illustrations sont installées durablement dans l’espace public. Avec les pistes sonores, elles sont accessibles à tout moment via un QR code à scanner sur son smartphone.
"À nous la rue !"
Les questions qui ont guidé le fil rouge de ce parcours sonore et illustré sont les suivantes: que signifie être une femme (ou toute personne qui s’identifie comme telle) dans l’espace public ? Quelle place fait-on aux minorités et au corps ?
Les enregistrements ont été recueillis lors d’ateliers d’expression et d’exploration du territoire coanimés par Marie-Astrid et Céline. Aux témoignages de ces six femmes, d’autres se sont ajoutés spontanément lors du passage du petit groupe à travers la ville.
Neuf mois ont été nécessaires pour accoucher de cette balade documentaire soutenue par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes. Elle a été imaginée dans le cadre de l’appel à projets "À nous la rue !" et la politique fédérale de l’Égalité des genres.
Elle se veut être un outil d’animation pour dénoncer et interroger les citoyen (ne)s sur les violences sexistes, le racisme, le sans-abrisme mais aussi sur des thèmes de société moins souvent évoqués comme le validisme, l’âgisme et le classisme.
"Notre but est d’encourager une société plus inclusive, plus solidaire, plus égalitaire et plus verte aussi, indique Marie-Astrid Lissoir. Où va-t-on s’installer en ville quand on n’a pas forcément les moyens d’aller boire un verre ? Ces témoignages montrent qu’il manque des espaces ou des bancs qui favorisent les interactions entre les gens et invitent à la rencontre. Et quand il y en a, ils ne sont pas toujours adaptés aux personnes à mobilité réduite ou âgées."
Ouvrir tant l’espace public que le débat, pour projeter son regard au loin et imaginer un centre urbain où chacun et chacune cohabitent en toute harmonie, c’est le rêve de Passages ouverts, ruelles sauvages, qui peut se faire individuellement ou collectivement.
Lorsqu’elles sont organisées en groupe, les participant(e)s peuvent disposer d’un casque sans fil et d’un plan puis partager un moment privilégié avec les femmes qui ont co-construit le projet.
En guise de lancement, deux balades sont prévues ce dimanche 21 avril à 10h30 et 15h. Rendez-vous à l’angle des rues Saint-Nicolas et Ponty. D’autres balades sonores collectives auront lieu ponctuellement.
Infos: page Facebook Urbanisa’son.