Voici ce qui change pour les locataires et les propriétaires bruxellois : 10 choses à savoir sur la nouvelle ordonnance bail
Expulsion sauvage, garanties locatives, augmentation des loyers, préavis : Nawal Ben Hamou s’apprête à modifier le Code bruxellois du logement.
- Publié le 27-03-2024 à 07h00
- Mis à jour le 27-03-2024 à 12h23
La fameuse ordonnance bail est en passe d’être approuvée définitivement par le parlement bruxellois ce vendredi. “Nous avons réalisé un travail d’analyse et entendu les acteurs du secteur pour aborder ce texte sous l’angle de la précarité. Beaucoup de locataires n’ont pas accès à leurs droits même si ceux si sont déjà consacrés dans la loi. Il y avait aussi de nombreuses zones d’ombre dans la règle qui donnaient lieu à des situations problématiques.” Porteuse de la réforme, la ministre du Logement Nawal Ben Hamou (PS) nous détaille les mesures. Concrètement le texte vise à modifier le Code bruxellois du Logement.
Garantie locative
Première mesure concernant tous les locataires : la garantie locative. Cette dernière ne pourra pas excéder deux mois de loyer (hors charges). De plus, le propriétaire devra la rendre au locataire dans les deux mois après sa sortie. À défaut, le propriétaire devra payer 10 % du loyer mensuel en plus par mois de retard.
Le versement devra se faire sur un compte en banque, fini le cash de main à main. Pour des publics en situation de précarité, un dépôt de cash auprès d’une banque sur un compte dédié sera possible. Il sera aussi toujours possible de faire appel à un garant extérieur qui s’engage à payer les problèmes mais cela ne pourra pas être cumulé au versement d’une garantie. Ce sera donc soit un garant, soit une garantie.
”Une forme de mini-encadrement des loyers”
Autre nouveauté, le propriétaire qui propose un bail de courte durée (3 ans) devra indiquer le dernier loyer pratiqué pour le bien. Et ne pourra pas augmenter ce montant sauf s’il propose un bail long. Seule une indexation sera possible d’un bail à l’autre. Dans le cas où des travaux, notamment énergétiques, ont été réalisés, il pourra y avoir une dérogation sur ce point. Les baux de courte durée ne pourront plus non plus être prolongés plus d’une fois. “Nous voulons ainsi en finir avec les propriétaires qui proposent des baux d’un an qu’ils reconduisent 3 fois (ancienne limite) en augmentant à chaque fois le loyer. C’est une forme de mini-encadrement des loyers.” Les baux étudiants ne sont pas concernés par cette mesure.
Travaux et augmentation de loyer
Le texte prévoit également à encadrer les augmentations de loyer demandées suite à des travaux de rénovations énergétiques. “On va demander à des nombreux propriétaires de rénover leur bien. Il ne faut pas que cela débouche sur une explosion du prix des loyers. Une réflexion est toujours en cours entre Bruxelles Logement et Bruxelles environnement pour voir comment encadrer cette hausse et qu’elle soit proportionnée”. Cet encadrement pourrait se baser sur la Performance énergétique du bâtiment (PEB) et ou sur le montant des économies d’énergie réalisée grâce aux travaux. Un arrêté d’application viendra préciser ce point.
Si le propriétaire veut réaliser des travaux et annonce un préavis à son locataire, il aura au maximum deux mois pour lui fournir soit le permis d’urbanisme, soit un devis détaillé, soit une description des travaux accompagnés d’une estimation détaillée du coût, soit un contrat d’entreprise. Faute de quoi, le locataire peut demander d’invalider le préavis.
Animaux et assurance
Il ne sera plus possible de refuser un locataire à cause de son animal de compagnie. Pas question de forcement accepter un locataire avec 50 serpents. Mais il faudra “un motif raisonnable de refuser.” Sur ce point, le texte reste donc flou mais consacre au moins le droit pour les locataires d’avoir un animal.
Les locataires seront par ailleurs obligés de souscrire à une assurance incendie et dégât des eaux.
Erreur sur les charges
Les erreurs de comptage de charges pourront être réclamées dans les deux ans qui suivent la notification au bailleur ou au locataire. Si l’erreur est au bénéfice du propriétaire, ce dernier ne pourra réclamer le montant que sur 5 années. Il n’y a pas de limite si l’erreur est au bénéfice du locataire. Il pourra réclamer le montant sur toute la durée de l’erreur.
Précompte immobilier et enfants
Les propriétaires d’un logement où vivent deux enfants bénéficient d’une réduction sur leur précompte immobilier, même si les occupants sont des locataires. Le locataire dont la composition de ménage correspond à cet abattement pourra faire une demande à son bailleur qui devra faire lui-même la demande pour bénéficier de la réduction sur son précompte puis la verser au locataire. “Cela peut représenter quasi un mois de loyer dans certains cas.”
Contre préavis et vente
La nouvelle version du Code du logement entérinera le fait que l’acheteur d’un bien qui est loué devra reprendre toutes les obligations du contrat de bail en cours.
Pour les baux de courte durée, lorsque le propriétaire met fin à un bail (avec un préavis de trois mois), le locataire pourra faire un contre préavis d’un mois s’il retrouve un logement plus rapidement. “On estime qu’il est plus facile pour un propriétaire de retrouver un locataire. On voulait donc laisser au locataire la possibilité de ne pas rester bloqué.”
Mauvais bailleurs payeurs
93 % des contentieux locatifs sont initiés par le bailleur. Et lors des audiences sur ce type de dossier, seuls 50 % des locataires se présentent. Les locataires qui lancent une plainte auprès de la Direction de l’Inspection Régionale du Logement (Dirl) seront protégés le temps de la procédure. Si le bailleur introduit un préavis de fin de bail après la plainte, le préavis sera suspendu jusqu’à la décision de la Dirl. Si le logement est jugé conforme, alors le préavis reprend effet.
Les compétences de la Dirl, en termes d’inspection, seront d’ailleurs élargies à tous les logements. Avant, seuls ceux qui faisaient l’objet d’un bail et qui étaient occupés pouvaient être contrôlés. “Parfois, on savait qu’un bien était insalubre suite à une précédente plainte mais, entre-temps, le locataire était parti et la Dirl ne pouvait plus rien faire.”
Si le logement est déclaré insalubre, les locataires obtiennent une protection supplémentaire (sauf s’ils sont jugés comme étant la cause de l’insalubrité). Le juge pourra demander au bailleur responsable, en plus de l’amende qui atterrit dans les poches de la région, de couvrir les frais de déménagement vers un nouveau logement que trouverait le locataire. Si le loyer de ce nouveau logement est supérieur à celui du logement insalubre, le propriétaire du logement insalubre pourra aussi être astreint à payer la différence de loyer pendant 18 mois maximum. Enfin, si le locataire ne trouve pas de solution de relogement et qu’un relogement d’urgence est nécessaire, la commune pourra se retourner vers le propriétaire du logement insalubre pour lui demander de prendre en charge les coûts liés à ce relogement d’urgence (nuit d’hôtel par exemple). Reste à voir l’applicabilité de la chose et si cette mesure ne va pas enterrer les communes dans des démarches sans fins pour recouvrir les montants qu’elle aura avancées.
Interdiction de relouer
Un bailleur mis en demeure par la Dirl de réaliser des travaux pour mettre son bien aux normes ne pourra plus relouer son logement sans un certificat de conformité délivré par la Dirl. Une liste sera transférée aux communes qui seront alertées si un nouveau locataire s’enregistre à une adresse ciblée par une mise en demeure. Et la Dirl organisera un nouveau contrôle. Les propriétaires pourront aussi d’eux-mêmes (sans procédure de mise en demeure) demander à la Dirl de réaliser une étude de conformité pour obtenir le certificat. La procédure volontaire sera toutefois payante.
Expulsion sauvage
Les expulsions sauvages représentent un tiers des expulsions. Elles seront plus sévèrement punies : jusqu’à 18 mois de loyer d’indemnité pourront être demandé au bailleur au profit du locataire expulsé sans titre exécutoire d’expulsion (autrement dit, une décision de justice qui autorise l’expulsion). De plus, le bailleur pourra encore être poursuivi par le locataire tant que ce dernier n’aura pas retrouvé l’accès à son logement. Une astreinte être imposée quotidiennement jusqu’à ce que le locataire réintègre le logement. À noter toutefois : les occupations sans titre ni droit (comme les squats), ne sont pas concernées par ces mesures puisqu’elles ne rentrent pas dans le code bruxellois du logement.