Agonie de l’horeca, même à Waterloo le secteur souffre : “les établissements bien gérés n’y arrivent plus”
Avec 1200 faillites en 2023, l’horeca a du mal à joindre les deux bouts. Le secteur demande des mesures pour réduire les coûts mais aussi pour attirer du personnel, de plus en plus dur à trouver.
- Publié le 19-04-2024 à 09h15
L’horeca tire la sonnette d’alarme. Le secteur traverse une période compliquée et nombreux sont les restaurateurs, traiteurs, cuisiniers et gérants à s’exprimer via une lettre ouverte et une pétition. En 2023, près de 1200 faillites ont eu lieu dans l’horeca. Pour éviter que l’hécatombe ne se poursuive, ils proposent différentes mesures pour se maintenir. Parmi ces revendications, on retrouve la réduction de la TVA à 12 % pour les boissons non alcoolisées, l’assouplissement des règles sur les flexi jobs, l’extension des heures supplémentaires ou encore une revalorisation de l’image des métiers, là où le secteur manque de personnel.
Le Brabant wallon est connu pour être une terre d’accueil pour le secteur horeca, notamment via son fort pouvoir d’achat et des habitants plus aisés. Pour ces mêmes raisons, l’horeca a Waterloo est fortement présent. En témoignent les nombreux restaurants du bistro au gastronomique, en passant par les différentes cuisines d’ici ou du monde. On pourrait croire que Waterloo s’en sort mieux que les autres mais si les restaurateurs waterlootois tiennent bon, la vie de l’horeca est loin d’être un long fleuve tranquille.
”Honnêtement, c’est alerte rouge complète” lâche d’emblée Thierry Vanholsbeek, le patron de Momo la Crevette. À la fois restaurateur et entrepreneur, les temps sont vraiment durs pour lui, même s’il arrive à trouver l’équilibre pour lui et ses 12 employés. Sa solution pour se maintenir, c’est d’ouvrir un second établissement “pour faire des économies d’échelle” explique-t-il. “Nous n’y arrivons plus même dans les établissements bien gérés. Ici j’arrive à atteindre le break event (l’équilibre entre taxes, produits, frais et se dégager un salaire) mais mon salaire n’est pas plus élevé que celui de mon plongeur”. Pour aller plus loin dans son illustration, il compare le sort de l’horeca aux agriculteurs “sauf que nous, on n’a pas de fumier à déverser… on pourrait avec quoi ? De la soupe à la tomate et des casseroles ?” Thierry dénonce une situation dure avec coup sur coup le covid, l’énergie et l’indexation. “Ma masse salariale annuelle, c’est 300 000 euros. Avec l’indexation, c’est passé à 335 000”. À cela s’ajoutent les énergies et l’augmentation des matières premières (plus 15 à 20 %) : “Si on avait réagi, sans rogner sur nos marges, on aurait augmenté nos prix de 25 %. Mais si on fait ça plus personne ne vient”.
Thierry veut donc des changements rapides pour le secteur comme la diminution de la taxation. “On est le seul pays en Europe avec des TVA à 21 et 12 % sur nos produits comme le coca”. Un autre problème est la fameuse boîte noire (caisse enregistreuse conçue pour lutter contre la fraude à la TVA). Instaurer en 2012, l‘horeca l’a vu comme une mesure discriminatoire et avait même été en justice pour cela, explique Thierry. Mais le secteur avait été débouté car la mesure n’était pas discriminatoire vu que “l’horeca était le 1er secteur testé nous disait le gouvernement, puis cela aurait été étendu à d’autres secteurs (coiffeur, dentiste, médecin, etc.). On est en 2024, 12 ans après et aucun secteur n’a de boîte noire sauf l’horeca”. Il rappelle aussi que le secteur contribue énormément à l’État avec les fournisseurs, les cavistes et brasseries, etc. Tuer l’horeca, comme il le craint, serait une grosse perte pour les comptes de l’État. Enfin, il y a le personnel de moins en moins attiré par l’horeca, “alors que le secteur est en défiance, on pleure pour avoir des travailleurs”.
L’Horeca waterlootois s’adapte et tient bon
À la Planche d’Ailleurs, Stéphane a le même problème pour trouver des employés : “Nous avons lancé une annonce il y a 6 semaines et on a toujours trouvé personne. C’est pire depuis le covid. Il y a 18 ans, quand j’ai commencé dans le métier, j’avais des piles de CV”. Il pointe aussi l’augmentation des prix, comme le chocolat qui ferait fois dix. Malgré ces difficultés, Stéphane se veut rassurant “on est complet tous les soirs”.
Une des manières de se maintenir, est aussi d’avoir une taille plus modeste. C’est le cas de La Scarpetta où le restaurant est tenu par le couple de Luca et Caroline : lui à la cuisine, elle en salle. Avec 24 couverts et une gestion familiale, c’est plus facile de tenir, explique Caroline. Et puis l’électricité a diminué, à l’inverse des matières premières comme l’huile d’olive. “On s’en sort et on ne travaille pas à perte”. Elle remercie aussi les Waterlootois, grands amateurs de cuisine italienne.
Pour terminer notre tour d’horizon, André, patron du Jamy’son résume l’ensemble des problèmes mais arrive tout de même à tenir bon : “notre affaire tourne bien mais on a peu de bénéfices. Les marges se réduisent”. Reste aussi le problème du personnel, pas d’en trouver, mais d’en avoir plus : “Si les charges étaient moindres, j’en prendrai plus. Il me faudrait bien trois personnes en plus mais si je fais ça, c’est moi qui travaillerai pour eux”.