Niki Lauda, la disparition d'une légende incarnant le courage (VIDEO)
- Publié le 21-05-2019 à 10h35
- Mis à jour le 22-05-2019 à 09h14
Le triple champion du monde a marqué au fer rouge l'histoire de la F1
La grande famille du sport automobile sera en deuil cette fin de semaine à Monaco. Après Charlie Whiting, disparu à la veille du premier GP à Melbourne, un autre membre éminent du monde de la F1 s'est éteint ce lundi, victime d'une enième opération aux reins. Niki Lauda était âgé de 70 ans et père de quatre enfants.
Triple champion du monde en 1975, 1977 et 1984, Niki Lauda était surtout connu et populaire pour avoir survécu à un horrible accident lors du GP d'Allemagne 1976 au Nürburgring. Brûlé vif, défiguré, l'Autrichien était célèbre dans le monde entier et est redevenu un héros admiré et respecté par toutes les générations grâce au film « Rush » sorti en 2013 et retraçant sa carrière et son fameux duel face à James Hunt en 1976, l'année de son crash. Il signait d'ailleurs encore régulièrement des autographes et posait pour des selfies avec sa célèbre casquette rouge cachant une partie de ses brûlures et cicatrices. « Je veux quatre millions de dollars, » avait-il déclaré à Ron Dennis lors de son retour chez McLaren en 1982. « Un pour mon talent et mes deux titres, les trois autres pour ma tête. »
Plus tard, il nous racontera : « Comme après l'accident de Senna en 1994, la popularité de la F1 est montée en flèche après que j'ai failli mourir brûlé vif. Tout le monde regardait la télé pour savoir qui de Hunt ou moi allait gagner. Quel était le prochain pilote qui allait se retrouver dans un brasier. «
Issu d'une famille bourgeoise, Niki Lauda a vite coupé les ponts avec sa famille voyant d'un très mauvais oeil son implication en sport auto. Il débute avec une Mini Cooper offerte par sa grand-mère. Il grimpe les échelons du sport auto et en 1971 emprunte de l'argent à la banque pour se payer son premier GP, chez lui, aux commandes d'une March.
En 1973, il finance encore son passage chez BRM. Mais les résultats et donc les sponsors ne suivent pas. Il se retrouve sans budget et doit mentir à son team en prétextant l'arrivée d'un gros sponsor pour encore pouvoir disputer le GP de Monaco. Mais la chance lui sourit enfin. Troisième devant la Ferrari de Jacky Ickx avant d'abandonner, le jeune Autrichien est repéré par Enzo Ferrari qui l'engage pour la saison suivante.
En 1975, il décroche son premier titre pour la Scuderia. L'année suivante, il mène allègrement le championnat en arrivant au GP d'Allemagne sur le GP circuit du Nürburgring. Un « Enfer vert » qui allait bien porter son nom pour Niki.
Voyant la pluie, Lauda, conscient du danger, essaie d'abord de faire annuler la course. Il est victime des moqueries de certains de ses collègues dont son rival James Hunt. La majorité l'emporte et le départ est donc bien donné sous la pluie.
Mais après un tour, voyant que la trajectoire commence à sécher, le pilote Ferrari rentre au stand pour chausser les pneus slicks. Il repart, mais dans son tour de lancement, une biellette de suspension casse. Il perd le contrôle de sa monoplace, tape le rail et rebondit pour s'immobiliser en plein milieu de la trajectoire où il est percuté par une autre voiture. Sous le choc, il perd son casque et son épave s'embrasse instantanément. Niki, sonné, est pris au piège. Il ne devra finalement la vie qu'au courage héroïque d'Arturio Merzario s'arrêtant et réussissant à l'extraire du brasier.
Brûlé au troisième degré, surtout au visage, Niki est transféré à l'hôpital d'Adenau où son pronostic vital est engagé. Outre ses blessures à vif à la figure, il a de grosses difficultés respiratoires, ses poumons ayant inhalé de l'essence. Un prêtre lui donne même l'extrême onction.
Mais un miracle se produit. Et six semaines plus tard, après avoir souffert le martyre, il est de retour au GP d'Italie pour défendre son titre face à Hunt. Et il termine quatrième de la course. Incroyable !
Il se présente en tête du championnat lors de la finale au Japon, trois points devant James Hunt. Mais il pleut à torrents et après un tour seulement, Niki jette le gant. Il rentre au stand et abandonne. Le team lui propose de prétexter un souci mécanique pour le couvrir, mais il refuse et a le courage de dire la vérité : « C'était trop dangereux. Le jeu n'en valait pas la chandelle. » Son rival britannique termine la course et est titré.
Un an plus tard, Niki prend sa revanche en décrochant une seconde couronne avant de claquer la porte de Ferrari suite à une embrouille avec le « Commendatore ». « J'ai repris mon jet privé et j'ai dû attendre deux heures avant d'avoir l'autorisation de décoller. Le contrôleur aérien m'a dit : vous quittez Ferrari donc terminés les privilèges..., » a-t-il raconté par après.
Il rejoint l'écurie Brabham de son ami Bernie Ecclestone mais malgré deux victoires ne peut défendre sa couronne. C'est pire en 1979 avec une monoplace mal conçue. Avant même le terme de la saison, il annonce au Canada qu'il prend sa retraite avec effet immédiat.
Il se consacre alors aux affaires tout en disputant le championnat Procar organisé en lever de rideau des GP avec des BMW M1. Une compétition dont il remporte la première édition. En parallèle, il lance sa propre compagnie aérienne, Lauda Air.
En 1982, Ron Dennis parvient à convaincre celui que l'on surnommait l' « ordinateur » pour ses énormes facultés d'analyse et sa gestion de course à reprendre sa carrière chez McLaren. Deux ans plus tard, en 1984, il remporte son troisième sacre pour un demi point face à Alain Prost. Le plus petit écart de l'histoire du championnat.
« Il était plus rapide que moi, mais j'étais plus intelligent. Je lui laissais croire qu'on était amis, mais c'était de la stratégie. Lors des essais, je le laissai donc signer la pole, moi je me concentrais sur les réglages de ma voiture pour la course. Il était le premier pilote du team. Marlboro avait déjà préparé toute une campagne publicitaire pour son titre. Les remettre à leur place et coiffer cette couronne m'a fait bien plaisir. »
A Zandvoort en 1985, il remporta le dernier GP des Pays-Bas à ce jour. Son 25e et dernier succès avant d'annoncer sa retraite, cette fois définitive. Niki Lauda aura pris le départ de 171 GP signant 24 poles, 54 podiums et donc 25 victoires.
Commentateur des GP sur les télévisions allemande et autrichienne durant quelques années, cet homme réputé pour son franc-parler fut recruté comme consultant chez Ferrari en 1992. Il participa d'ailleurs aux négociations pour l'engagement de Jean Todt. Il fut ensuite le directeur de Jaguar (ex-Stewart et futur Red Bull) en 2001. Avant de recréer une compagnie aérienne (il avait revendu la première à Austrian Airlines), FlyNicki.
En 2012, son ami et compatriote Toto Wolff lui proposa le rôle de président non-exécutif de Mercedes F1 Team. Il participa au recrutement de Lewis Hamilton qu'il considérait comme un « des meilleurs de tous les temps.»
Absent du paddock depuis une transplantation pulmonaire en août dernier, il ne cessait de reporter son retour dans le stand Mercedes, les médecins lui interdisant de voyager car son système immunitaire était trop affaibli.
C'est finalement suite à une troisième opération aux reins (il souffrait d'insuffisances rénales, toujours suite à son accident) qu'il est décédé ce lundi entouré de sa famille. Il a rejoint Juan Manuel Fangio, Graham Hill et Ayrton Senna au paradis des légendes de la F1.
La F1 lui rendra de nombreux hommages cette fin de semaine à Monaco, là où il s'était révélé en 1973. Adieu Niki. Heureux d'avoir eu la chance de te connaître. Bravo, respect, merci et bonjour à James...