Au Fonck, qui c'est ce Jean-Luc? "Un chanteur qui ne savait pas chanter mais qui a bientôt 50 ans de carrière derrière lui. Improbable !"
Le membre fondateur de Sttellla et chanteur-auteur-humoriste-compositeur est loin d'être assagi. Après une année en tournée, il vient d'enregistrer... 22 albums rassemblant 11 ans de chansons créées pour le 8/9 de Vivacité. De quoi faire le plein de son humour si drôle, fantasque et désarmant. Une façonaussi de réviser ses classiques pour fêter l'an prochain ses 50 années de scène. Jean-Luc Fonck est l'invité de notre Grand Entretien.
- Publié le 06-04-2024 à 13h37
- Mis à jour le 06-04-2024 à 13h40
Si à 18 ans, on lui avait dit qu’il serait toujours le chanteur de Sttellla, Jean-Luc Fonck aurait un peu ricané. Déjà, “vieux chanteur”, ça n’existe pas pour les jeunes, “à part Tino Rossi”. Mais au final, il aurait pu le croire. Après tout, il avait bien décidé de devenir chanteur le 14 mars 1975, à l’issue de sa première prestation lors d’un spectacle organisé par l’école Berkendael à Bruxelles. Il ne savait ni chanter, ni jouer d’un instrument, ni composer. Mais quelle aisance sur scène ! “J’ai été le premier surpris”, sourit-il.
Jean-Luc Fonck a évidemment de vrais talents. Entre autres, celui des mots qu’il fait parler avec un humour désarmant ou loufoque. Une vraie signature depuis tout petit. Un contact facile, joyeux, entraînant qui provoque la sympathie. Et puis ses compositions sont originales pour l’époque : des arrangements punchy mais minimalistes et des textes écrits en français sans être de la soupe… Ni du rock, ni de la folk, ni du funk. Du Fonck n’Crofilm (Mimi, “la” Sttellla qui sera de l’aventure jusqu’en 1992). Le duo voit Sttellla, “parce que la bière”, comme une formation éphémère, le temps d’une petite tournée dans des villages de Belgique.
On serait mieux à Torremolinos, non ?
49 ans après, Jean-Luc Fonck est toujours bel et bien “Sttellla” Chanteur de toujours devenu artiste célèbre, connu, reconnu et aimé ici et ailleurs. Certains ne comprennent pas cet univers de calembours, de synthé à deux doigts et de tenues foutraques. Mais les fans sont bien plus nombreux et fiers de cette figure belge inclassable. Façon Grand Jojo, avec qui il a partagé la scène du 20 juillet place du Jeu de Balle à Bruxelles. Mais avant ça, il y eut l’effet “Torremolinos” de 1992, une compo écrite en 2-2 qui devient un carton aussi inattendu qu’énorme. Il replonge dans cette histoire et sort mille anecdotes avec son sourire éternel, glissant des jeux de mots et des phrases surréalistes, sans même s'en rendre compte : ses mots, c'est tout lui, qu'il raconte pour nous.
C’est agaçant à la fin d’être toujours ramené à cette chanson alors que vous avez fait 15 albums ? C’est ma rente (sourires) ! Encore maintenant, c’est la chanson dont me parlent les gens que je croise dans la rue. Selon le temps, on me dit : “On serait mieux à Torremolinos, non ?” ou “C’est Torremolinos ici, quelle chaleur !” et puis on chantonne. Elle a tout changé sans nous changer. Je râle juste un peu parce que c’est mon seul morceau où il n’y a pas de jeux de mots, qui sont quand même mon fond de commerce.Les poissons s’en fishent, les pieds s’en footent (1987) ; L’avenir est à ceux qui s’éléphanteau (1990) Mais où trouvez-vous l’inspiration pour ces titres incroyables et vos histoires ? C’est vraiment un état d’esprit que j’ai depuis toujours : je suis détendu, je ne me pose pas de question et quelque chose arrive et sa suite. Je sens quand c’est bon. Comme pour les compositions, je ne connais pas une seule note mais j’ai l’oreille pour les arrangements.
Vous êtes la bonne humeur incarnée, tout devient “extra” ordinaire avec vous. Vous n’avez jamais eu de passage à vide ? Non, je ne suis jamais tombé au fond du trou. J’ai eu et j’ai des problèmes personnels comme tout le monde, je tombe malade. Mais les auditeurs, ils n’ont pas à les ressentir. Quand ma mère est morte, je devais faire une chanson pour le 8/9. J’aurai pu déclarer forfait mais j’ai écrit “Le 30 août, Chouchou” : ça parle d’un petit train, celui dans lequel elle est montée pour toujours. C’était gai, personne n’a fait le rapprochement et ça m’a fait du bien de lui dire ces mots.
Un peu de trac alors ? Ben non. Avant, c’est trop tard, il fallait dire oui, après ça sert plus à rien, c’est fait. On répète, on bosse, on joue du mieux qu’on peut. Mais entre les morceaux, là, c’est la rigolade, aucun de nous ne sait vers où ça va partir : on vit le truc, c’est pour ça que Sttellla, ç a l’air un peu foutoir. J’adore les concerts, c’est comme des vacances. Et je n’ai aucune pression, tout est bonus.
Après 49 ans, ça vous porte toujours ? Je ne devrais pas être là, c’est tout à fait improbable cette suite d’événements que je n’ai pas provoqués. Alors j’en profite, je prends tout : les rencontres, la liberté, le plaisir des concerts. Et en faisant ça, je fais du bien à des gens. C’est du win-win. Un jour, on a joué dans une prison. C’est du lourd la prison… A la fin, un gars est venu me dire que le temps du concert, il avait vraiment oublié qu’il était là, détenu. Ca marque.
Le 20 juillet, rendez-vous au Bal ? C’est un moment génial. Et moi je suis là : à présenter le truc avec Ophélie Fontana, alors que je ne suis pas animateur. Mais je sais improviser sur scène. Je me souviens que l’organisation n’avait pas prévu le temps que mettrait le roi et la reine à traverser la foule. Il ne se passait rien sur scène. Alors j’ai demandé aux musciens de jouer “Can you feel it” pendant que je chantais “Can you Philippe”. Il est bien sympa le roi...
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Les faces cachées de l’Arlonnais
Du chanteur de Sttellla, on connaît pas mal de choses mais de Jean-Luc Fonck, beaucoup moins… Nos révélations !Voici quelques histoires et anecdotes cueillies au détour d’une interview fleuve entre rires et chansons pour découvrir des faces cachées… aussi lumineuses que son visage public.
Du croissant à la lune
Jean-Luc Fonck dit qu’il a décroché la lune avec ce succès auquel il croit à peine. Pourtant, c’était plutôt le croissant qui l’attendait. Dans la famille Fonck, on est boulanger de père en fils depuis deux générations, à Arlon. Le petit Jean-Luc a deux soeurs bien plus âgées que lui. Papa est au four, maman, maîtresse-femme, en boutique et à la caisse. Il se souvient avec tendresse des goûters dans la boulangerie et des jours où, sérieux comme un pape, il rendait la monnaie aux clients. Mais s’il aime les tartes au riz, l’enfant est déjà fantasque et préfère quand même rigoler. Boulanger, il se serait levé à l’heure où il va plutôt se coucher les soirs de concert…
Une star... chez Ikea
Patrick Bruel a tenu à chanter (pas très bien, n’est pas Fonck qui veut) un rap en duo dans le cadre des 20 ans de “Viva for Life”, impressionné qu’il était par le “super flow” de J.-L. Fonck sur une chanson du 8/9 ; François Hadji-Lazaro des Garçons Bouchers l’a produit pendant 10 ans sur son label. Sttellla a partagé la même scène que Noir Désir à Montréal ; Manu Chao et son combo de la Mano Negra sont des potes de festivals. Ce “name-dropping” est ironique, Jean-Luc Fonck est toujours aussi perplexe quand on le prend pour une idole. “J’étais allé chercher des trucs chez Ikea. Un homme m’a rattrapé pour me dire, impressionné qu’il n’imaginait pas quelqu’un comme moi aller chez Ikea et passer à la même caisse que lui. J’ai une vieille bagnole que je conduis moi-même. Quand j’en sors, je vois régulièrement des têtes interloquées : quoi, Sttellla n’a pas de chauffeur ?”
Clairvoyance et prévoyance
Pas du tout son fort ! “Si vous voulez investir, venez me demander et faites l’inverse. Je me plante régulièrement sur les succès ou les prochaines tendances. Au lancement de Quick, j’y ai mangé avec mes musiciens. Et je leur ai dit : c’est pas bon, personne ne reviendra, ça va se planter, c’est sûr…” Aussi, Jean-Luc Fonck, l’homme des mots, n’a jamais eu de carnet de notes. “C’est tout à fait idiot, parfois j’ai vraiment des idées formidables, que j’oublie parce que je n’ai pas de mémoire”.
Joyeux pensionnaire
Le petit Fonck est un bon élève, qui a envie d’apprendre. Les mots déjà ont une importance énorme pour lui : il faut en connaître le plus possible et les assembler, cela permet de mieux dire ou avouer et de rire. De bonne composition, il parle avec enthousiasme de ses années de pensionnat chez les frères maristes : “J’ai vécu une enfance comme dans le film “Les Choristes !” Entre discipline, bêtises et dortoir non chauffé à 90 lits.
Révolutionnaire mais fonctionnaire
Après ses humanités (alors qu’il découvrait le plaisir de la scène) il suit le cursus d’instituteur. “J’ai tout arrêté juste avant la fin, le dernier examen. J’avais envie de secouer le cocotier, pas de rentrer dans le rang. L’inspecteur m’appelait d’ailleurs le révolutionnaire”. Ledit révolutionnaire devint pourtant fonctionnaire du ministère de la Justice. Un poste agréable, “des chouettes gens, et pas mal de congés pour aller en tournée”. Il amusait la galerie jusqu’en 1988.
Grand-père
Ses deux petites-filles (par alliance) de 5 et 7 ans l’appellent Yuyu. “Ce qui est merveilleux, c’est que pour elles, mon métier c’est de faire des bêtises à la télé. À l’AB, le monde ne les a pas intimidées, c’est normal ! Alors que moi, j’en suis encore à me pincer. Le peignoir sur scène, c’est ça qui les a questionnées”. Cela faisait trop bébé pour ces grandes filles.“Il me restait un examen avant de devenir instit’… Je ne l’ai jamais passé. A la dernière minute, j’ai senti l’envie de secouer le cocotier plutôt”
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50 ans ou les Vertiges de la bourre
Presque chaque vendredi depuis 2013, Jean-Luc Fonck écrit une chanson. Inédite, il la chante en direct au 8/9 de Vivacité. “11 ans d’antenne, ça fait quelque chose comme 400 chansons”. Des morceaux drôles évidemment mais aussi des moments doux, du rock, du rap, de la comptine, il ne s’interdit rien du moment qu’il peut y mettre plein de (jeux de) mots dont 4 imposés par des auditeurs et des rimes loufoques. L’artiste a décidé de les rassembler en 22 albums parce que “c’est bête de jeter”. Dans le studio de Christian Martin, fidèle ami, musicien et producteur de Sttellla, ils réenregistrent les chants et améliorent les arrangements depuis janvier. Et rient... Un avant-goût de ce qui l’attend pour préparer les 50 ans de ce groupe qui devait au départ être éphémère. S’il ne sait pas encore la forme que prendra ce “tribute”, une chose lui semble sûre : “On sera certainement à la bourre alors que 2025 arrivera bien en 2025, c’est garanti.” Sept volumes déja sont à écouter en streaming via le lien : https://bfan.link/les-chansons-du-8-9: https://bfan.link/les-chansons-du-8-9-vol-7