Vous regardez des chats et des mèmes sur les réseaux sociaux : passez au small talk, c'est le même plaisir mais dans la vraie vie !
Les petites conversations du quotidien avec un inconnu dans la rue, le bus, dans un taxi, un train, en attendant un avion, dans une file ont tendance à diminuer. Smartphones omniprésents, casques, rythme stressant ont raison de ces grains de sel dans la salade de nos vies. Mais il n'est jamais trop tard pour développer son sens de la tchatche qui fait sourire.
- Publié le 27-03-2024 à 10h53
- Mis à jour le 27-03-2024 à 15h17
Essayez de vous rappeler la dernière fois que vous avez parlé avec un inconnu (de manière agréable, pas après un accrochage automobile!). Souvenez-vous alors du sentiment de satisfaction, de bonne humeur qui s'en est dégagée. "Parler de tout et de rien avec quelqu'un rencontré de façon fortuite, sans engagement moral ou affectif, permet de faire preuve de courtoisie, d'humour, d'écoute. Un petit moment plaisant où les sourires fleurissent la plupart du temps, les regards se croisent. Le plaisir qu'on en retire vient de l'échange partagé à de multiples niveaux autant sensoriel qu'intellectuel", explique la psychothérapeute Anne Hautier.
Lorsque l'on scrolle sans fin sur les feed des réseaux ou que l'on écoute de la musique en streaming et en aléatoire, soudain, quelque chose retient notre attention. Drôle, mignon, intense, qui claque : qu'importe, voici une pépite à laquelle on ne s'attendait pas. Initier ou entrer dans le jeu du "contact facile", amène au même plaisir. "Cette connivence soudaine autant qu'éphémère, c'est aussi inconsciemment comme transgresser un petit interdit, celui qu'on nous répète depuis toujours de ne pas parler à un étranger ou encore vivre un moment hors du temps, ce temps qui nous presse tant, un instant inédit et unique". Un cadeau, en fait. Nous voilà tout enrichi d'émotions positives et de tendresse pour nous, pour l'autre, pour l'humanité ! Une caresse de rappel à être plus humain...
Entre habitudes et écrans, "le penchant pour la rencontre s'émousse"
C'est d'ailleurs le postulat de Davide un étudiant en bioculture italien parlant couramment anglais et chinois. Des atouts de taille dans l'art de provoquer la tchatche : son pays de naissance compte bon nombre de latins volubiles et familiers, l'anglais constitue la langue véhiculaire la plus utilisée dans le monde et le chinois est compris par plus d'un milliard d'êtres humains ! En voyage à Stockholm, le livre de l'auteur américain Joe Keohane lui tape dans l'oeil. Dans "The Power of Strangers", l'auteur expliquent en intro que "les cercles sociaux rétrécissent généralement à mesure que les gens rencontrent des partenaires de vie, forment un ménage et élèvent leur propre progéniture. Les obligations professionnelles se multiplient, alors que les obligations parentales se réduisent, et le penchant pour la rencontre s’émousse.”
C'est l'inverse pour lui ! "Beaucoup de gens sont horrifiés par l’idée mais j’ai toujours parlé à des inconnus, pour une raison ou une autre. Mais après avoir lu ce livre, d’une certaine manière, cela a changé la façon dont je regardais cet "outil". Cela a débloqué en moi des idées et de la motivation", explique-t-il. "Maintenant, même si je ne le fais pas tous les jours, j’aime personnellement entamer une conversation aléatoire en public avec les gens autour de moi. Parfois, j’échange des connaissances, parfois je fais simplement rire les autres".
"Je suis devenue plus extravertie et moins timide"
Désirée est suédoise mais c'est en Italie qu'elle est devenue elle-même. Là-bas, "les étrangers se parlent facilement et c’est d’une importance sociale incroyable. Je suis devenue plus extravertie et moins timide. Je peux voir à quel point c’est apprécié quand je dis bonjour à des inconnus quand je suis de retour au pays !" Pour elle, ces dialogues sympathiques, "apporte plus de compréhension et d’empathie dans nos sociétés".
Pour Katia, l'Anglaise, "la clé est de ne jamais s’attendre à quoi que ce soit. Juste entamer une connexion, une conversation authentique. Je repars toujours avec de nouvelles idées ou de nouveaux contacts. De nouvelles portes s'ouvrent presque à chaque small talk".
A la recherche de l'art du parfait small talk
Small Talk... merveilleux terme anglo-saxon désignant ces conversations inattendues, aussi simples que réjouissantes. Qui mène tout droit à John Wilson, vidéaste caméraman, narrateur, intervieweur, réalisateur et vedette d'une série documentaire pour HBO devenue célèbre : "How To With John Wilson".
Le premier épisode vise "How to Make Small Talk". Wilson, obsessionnel vidéaste, éternel solitaire, curieux accro aux gens dans ce qu'ils ont d'extraordinairement banals se met en quête de savoir ce que contient le parfait bavardage entre inconnus et ce qu'il apporte. Sa voix nerveuse et peu assurée est un régal quand il explique son thème : "La petite conversation est la colle qui nous unit tous, et aussi l'armure qui nous protège des pensées les plus sombres de chacun". C'est parti pour 40 minutes hilarantes, magique, enrichissantes, incroyables et poétiques. 40 minutes qui passent comme 4 minutes de "tout et rien" entre parfaits inconnus.
Des tactiques parlantes pour entamer une conversation
Parler en public est souvent un cauchemar pour ceux qui n’en ont pas l’habitude. Pourtant, être confronté à une personne inconnue dans un espace clos fait aussi transpirer pas mal de monde. Silence et piétinements, sourire faux et regard captivé par des chaussures ou un feed Instagram sur un smartphone sans réseau. La “gênance” de l’ascenseur en somme ! L’aptitude à la conversation qui met à l’aise (vous et l’autre) se travaille.
En pratique, il ne faut pas avoir peur de passer par les poncifs, ce sont les seuls sujets qui concernent tout le monde Dans un vernissage, on parle art, dans un Uber, on parle circulation d’emblée. Ensuite, on dérive vers l’urbanisme, les noctambules, une anecdote rigolote. Et la météo, non quand même ? C'est banal mais ça fonctionne tellement, comme les transports !
Plus original : demander de l’aide ou faire un compliment sincère sur une aptitude ou une fringue. En fait, le tout est de rester vrai et quand on parle, le corollaire, c'est d'écouter ! Ensuite, il n'y a plusqu'à entrecroiser les fils des expériences respectives. La petite conversation peut aussi être le brise-glace qui ouvre la voie vers un échange plus approfondi. Le small talk peut conduire au big talk.
On peut aussi solliciter une opinion. Stephen King, célèbre auteur aurait dit : “L’opinion, c’est comme le trou du cul, tout le monde en a une”. Voilà en soi un sujet de conversation qui détend !