Opinions, valeurs morales : on retourne sa veste bien plus qu'on aurait pu le penser face à la pression sociale réelle ou virtuelle
Nos décisions morales sont beaucoup moins immuables qu’on l’imagine. L’ajustement aux opinions du groupe majoritaire, qu’il soit réel ou virtuel, est une réalité qui peut devenir préoccupante.
- Publié le 26-03-2024 à 14h18
À l’ère des réseaux sociaux, jamais nos opinions n’ont été autant exprimées et décortiquées. Et si a priori, il est facile de penser que cette communication numérique qui s’articule autour de “communautés” nous conforte dans nos idées, il s’avère en fait qu’elles peuvent rapidement évoluer selon leur approbation ou non par le monde qui nous entoure.
C’est ce qu’a pu conclure une équipe de chercheurs à la suite d’une étude, “Moral conformity in a digital world : Human and nonhuman agents as a source of social pressure for judgments of moral character” ayant pour objectif de comprendre la manière dont nos opinions se forment, et dans quelle mesure les jugements moraux de chacun pouvaient être influencés par des groupes, réels ou factices. C’est pourquoi on a tendance à s’entourer de personnes qui pensent comme nous dans “le monde réel” et en ligne. Pour ne pas être confronté à une divergence d’opinion.
Un jugement qui varie selon celui du groupe
Les auteurs de cette étude, parue dans la revue PLoS ONE, ont mesuré le poids de la conformité en menant une expérience avec une centaine de volontaires. Confrontés à des comportements potentiellement répréhensibles d’un point de vue moral, les participants ont ensuite dû juger les mêmes situations en compagnie de deux autres personnes, qui ne partageaient pas leurs avis sur cette mère punissant injustement son fils ou encore cet homme téléphonant lors d’une séance de cinéma.
Dans 43 % des cas, les volontaires ont “ajusté” leur jugement après avoir discuté avec les membres de leur groupe. “Mais ils l’ont fait moins souvent lorsque ces jugements concernaient des situations dans lesquelles d’autres personnes étaient lésées”, tempère le Dr Konrad Bocian, l’un des cosignataires de cette étude.
138 autres participants ont ensuite été plongés dans un environnement virtuel dans lequel ils échangeaient avec des avatars. Certains d’entre eux étaient supposément contrôlés par des êtres humains, et d’autres par une intelligence artificielle. Cette fois, les participants ont modifié leurs jugements pour les aligner sur ceux des avatars sous le contrôle d’humains dans 30 % des cas, et dans 26 % des cas lorsqu’ils étaient régis par une IA.
La pression sociale est une donnée manipulable
Cela suggère que la pression sociale guide nos opinions morales, y compris dans un environnement virtuel. “De nos jours, l’influence sociale est de plus en plus puissante dans le monde numérique comme dans la réalité. Il est donc nécessaire de déterminer comment nos jugements sont façonnés dans la vie numérique, où les interactions ont lieu en ligne et où certains participants sont des avatars, et non de vrais humains”, souligne le Dr Bocian.
Un travail de recherche qui permet de mesurer en quelque sorte le poids réel de la “pression sociale”, qui est loin d’être un concept théorique. Aux conséquences sérieuses comme la consolidation du conformisme moral en cette ère du tout numérique. Qui fera l’objet d’une autre étude…