Barcelone: la fin d’un rêve
En Liga, le Barça continue de gagner, mais n’impressionne plus autant que lors des saisons précédentes.
- Publié le 15-03-2019 à 17h24
- Mis à jour le 17-03-2019 à 17h57
En Liga, le Barça continue de gagner, mais n’impressionne plus autant que lors des saisons précédentes.
"Barça" . Ce nom suffit à lui seul à faire frissonner les amateurs de beau jeu. Celui fait de passes courtes, censées ouvrir les brèches où Lionel Messi doit s’engouffrer pour claquer sa cinquantaine de buts annuelle. Celui qui a permis à Barcelone de repeindre l’Espagne, l’Europe et même le monde en bleu et grenat. Celui qui était porté par les petits prodiges de La Masia, une institution qui semblait cracher du talent en continu.
Mais que reste-t-il aujourd’hui de cette image plus romantique qu’actuelle ? Xavi Hernandez est parti finir sa carrière en roue libre au Qatar. Andrés Iniesta a, lui, préféré l’exotisme asiatique du Japon. Reste tout de même Sergio Busquets et sa quête incessante d’espaces. Il reste également Messi, auteur d’une saison un peu dingo et plus que jamais l’élément-phare d’un effectif moins flamboyant que les années précédentes. Les souvenirs, aussi. Ceux du sextuplé de 2009, de ces délicieuses séquences de jeu, qui ont quasi fait rentrer le club catalan dans le dico des expressions footeuses.
Les fantômes du passé
Iniesta. Le nom est lâché. Le départ de Don Andrés a laissé plus de traces que prévu, et pas seulement pour l’aura sereine et classieuse qu’il dégageait sur le pré. Gestion du tempo, accélération du jeu, distribution, identité de jeu, personne n’a vraiment réussi à reprendre les prérogatives du joueur de 34 ans.
C’est d’abord au jeune Arthur (22 ans) qu’incombait la lourde tâche de remplacer le maestro. Mais entre deux blessures, le Brésilien n’a pas (encore) réussi à faire oublier l’ancien numéro 8. À sa décharge, la mission était difficile.
Acheté à prix d’or (135 millions d’euros), son compatriote Philippe Coutinho n’a guère plus convaincu au milieu. Et c’est désormais sur l’aile gauche que l’Auriverde doit maintenant évoluer, en concurrence avec Ousmane Dembélé.
Ivan Rakitic ? Le Croate avait réussi à pallier la sortie de Xavi, car Iniesta possédait toujours l’ADN Barça. Mais il ne peut reprendre le flambeau tout seul. Arturo Vidal ? Le Chilien possède énormément de qualités, un cœur gros comme ça, une vraie polyvalence dans l’entrejeu. Mais est-il taillé pour un Barça qui n’a pas érigé la grinta en valeur cardinale ?
Si on ne modifie pas la génétique d’un club en quelques mois, sa signature ainsi que celle de Kevin-Prince Boateng lors des deux derniers mercati sont en tout cas symptomatiques d’un changement de cap. Résultat : on sent que le Barça est moins en contrôle que lorsque le duo Iniesta-Xavi était à la baguette. Plus sur la brèche, le club encaisse plus (déjà 26 pions en 27 journées, quasi la pire moyenne depuis la fin du championnat 2012-2013), concède plus d’occasions (onze par rencontre, alors que le club ne dépassait pas la barre des dix par match… sauf l’an passé) et ne parvient plus à développer un jeu aussi tranchant que lors de ses plus belles années.
Valverde le pragmatique
La belle machinerie catalane connaît donc quelques ratés. Les engrenages si bien huilés grincent, sans toutefois que le machiniste en chef ne s’en émeuve. Fin novembre, le Barça se rend au PSV, l’adversaire le plus faible de son groupe de Ligue des Champions. Si Messi et ses copains s’imposent 1-2, il faut un grand Marc-André Ter Stegen pour sauver la peau barcelonaise. Dans le même ordre d’idée, Gerard Piqué est sans doute le Blaugrana le plus en vue avec le portier allemand et Messi actuellement.
"Que mon gardien soit mon meilleur joueur ne m’inquiète pas, tant qu’il fait des parades", avait alors réagi Ernesto Valverde, en poste depuis l’été 2017.
Une réaction étonnante pour un club dont le dernier grand chapitre de la légende a été façonné par Pep Guardiola, un coach qui disait que "le résultat est quelque chose de vide" , que "ce qui [lui] procurait de l’émotion, c’est la façon dont [son équipe] joue." Mais une réponse à la Valverde : calme, posée, humble.
Dès son arrivée à la tête de l’équipe, son cas suscite des interrogations. Lui, adepte du 4-2-3-1 avec l’Athletic Bilbao, allait-il pouvoir s’adapter au style maison ? Premier sacrilège, il troque le sacro-saint 4-3-3 pour un 4-4-2 avec un duo Luis Suárez - Messi devant après quelques mois de compétition. Un schéma qui offre le doublé Liga-Copa del Rey au Barça mais n’empêche pas le vernis de se craqueler un soir d’avril, quand le géant catalan s’écroule sur le terrain de la Roma en quart de finale de la Champion’s League.
"Valverde a renforcé le milieu de terrain avec un quatrième élément et sa formation a arrêté d’exercer un pressing à la perte du ballon" , explique Angel Cappa dans le journal suisse Le Temps. "Le Barça a perdu la patience de construire et d’endormir son adversaire avant d’attaquer."
La cassure est nette avec le passé tiki-takesque du club. Finalement, il reviendra à un dispositif plus classique, avec l’Argentin sur l’aile droite dans un rôle plus libre.
L’Estrémègne a quand même un grand mérite, celui d’avoir pacifié le vestiaire, qui plus est en plein psychodrame Neymar. Un petit exploit après le mandat de trois ans de Luis Enrique, qui avait créé des tensions entre les joueurs et le coach. L’ancien médian avait d’ailleurs déjà amorcé le virage d’un foot plus direct avec la MSN en tête de gondole. Sur le terrain, Valverde ne fait que reprendre le flambeau, mais sans disposer d’un taulier comme Iniesta cette saison.
Couleurs délavées
Certes, les Blaugranas sont les solides leaders de la Liga. Mais ils profitent d’un Atlético trop irrégulier, de la légèreté de Séville, qui ne dispose pas d’un noyau aussi costaud que le sien, et d’un Real toujours instable. Certes, le club a gagné son billet pour la finale de la Copa del Rey. Certes, ils ont passé l’écueil lyonnais en Coupe d’Europe. Certes, ils ont parfois impressionné, mais surtout grâce à un Messi qui tient le club à bout de bras. La preuve encore lors du match retour face à l’OL, où ce dernier a claqué un doublé et distribué deux passes dé’ alors que le Barça était en difficulté.
Oui, une lueur semble s’être éteinte. Quelque chose a changé au royaume de Catalogne. Et malgré ses bons résultats, Barcelone ne fait plus autant rêver qu’avant. Ni son public, ni les joueurs. À commencer par Antoine Griezmann, qui a préféré prolonger chez les Colchoneros plutôt que de rejoindre le Camp Nou. Oui, quelque chose s’est cassé. Comme un jouet dont un enfant se lasse avec le temps…